Don't Worry, He won't Get Far On Foot (2018) de Gus Van Sant.
Il s'agit d'un biopic sur John Callahan, d'après son autobiographie "Will the Real John Callahan Please Stan Up ?". John Callahan est décédé en 2010, était tétraplégique et est devenu ensuite un caricaturiste de renom malgré ses déboires avec l'alcool... A l'origine ce film devait se faire dès 1997 avec Robin Williams dans le rôle titre, ce dernier ayant eu l'idée du film et l'ayant proposé à Gus Van Sant pendant le tournage de "Will Hunting" (1997)... Malheureusement les aléas de la production ont toujours retardé le projet. Après les morts de Callahan en 2010 et Williams en 2014 ensuite, le cinéaste se rappela ce projet, le voici donc avec cette fois l'acteur Joaquin Phoenix dans le rôle titre, qu'il retrouve donc des années après "Prête à Tout" (1995).
John Callahan a connu plusieurs femmes, par choix scénaristique Gus Van Sant a réuni ses femmes (dont une thérapeute et une hôtesse de l'air) en une avec le personnage de Annu, incarnée par Rooney Mara. Cette dernière est la compagne de Joaquin Phoenix et fut proposée par ce dernier après avoir tourné déjà ensemble dans "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis (sortie en salle il y a seulement une semaine). A leurs côtés un casting hétéroclyte et inédit avec Jonah Hill, Jack Black, et Beth Ditto ex-leader du groupe rock Gossip Girl ainsi que Kim Gordon bassiste du groupe rock Sonic Youth et qui était déjà du film "Last Days" (2005) de Van Sant... Le réalisateur-scénariste a fait le choix d'une narration mosaïque alternant les flash-backs, Le concept façonne une sorte de puzzle émotionnel en adéquation avec le personnage central. Par contre Gus Van Sant insiste peut-être un peu trop sur deux uniques facettes de Callahan, son alcoolisme d'abord, ses dessins ensuite. En effet, Callahan est résumé à ses deux paramètres entre réunion des Alcooliques Anonymes (prend trop de place et trop bavard) et l'exposition régulière de ses dessins (plutôt bien gérés et intégrés). Il manque une nuance plus psychologique de l'homme et notamment son évolution et son goût pour la provocation qui est ici complètement occulté. Plusieurs choses ont été omises dans le film, outre son goût pour la provocation, le fait que sa santé se détériorait d'année en année, le fait qu'il a écrit des chansons et travaillé avec Tom Waitts par exemple, qu'il aurait commencé à boire à 13 ans suite à des attouchements d'une institutrice...
Bref, Gus Van Sant a choisi d'édulcorer la vie de John Callahan, en montrant la rédemption par l'art. Simpliste et erroné. Néanmoins, ce film peut être pris comme un bel hommage si on ne regarde pas trop près la bio de l'artiste. On salue la performance de Joaquin Phoenix qui s'est particulièrement investi dans son rôle avec énormément de documentation et en passant du temps au centre de rééducation où Callahan a été soigné. On peut aussi rester perplexe sur le personnage de Annu, sous-exploitée et plutôt peu plausible sur la thérapeute-hôtesse de l'air deux en une. Evidemment, au vu du sujet ça reste intéressant, bien construit, bien joué mais on est bien loin de l'application, de la fidélité et de la force émotionnelle d'autres films au sujet similaire comme "My Left Foot" (1989) de Jim Sheridan, "Le Scaphandre et le Papillon" (2007) de Julian Schnabel et même dernièrement "Une Merveilleuse Histoire du Temps" (2015) de James Marsh, et même "The Sessions" (2013) de Ben Lewin.
Note :