Médecin de Nuit (2021) de Elie Wajeman

par Selenie  -  18 Juin 2021, 17:00  -  #Critiques de films

Troisième long métrage du réalisateur Elie Wajeman après "Alyah" (2012) et le plus consensuel "Les Anarchistes" (2015).  La volonté du cinéaste était avant tout de dresser un portrait pertinent du Paris nocturne et l'idée du médecin de nuit est devenu logique afin d'éviter judicieusement le genre polar. Le réalisateur-scénariste explique : "J'ai suivi un médecin de nuit que je connaissais pendant des nuits et  des nuits. Nous arpentions Paris dans des quartiers populaires : 19ème, 20ème, 13ème arrondissement. Chaque entrée chez un patient était pleine de suspense. Je me demandais à chaque fois dans quel type d'appartement nous allions tomber ! Et sur qui ?! Et nous avons eu plein de surprises !" Le cinéaste co-signe le scénario avec Agnès Feuvre, scénariste de films comme "Un Homme Coréen" (2014) de Jeon Soo-Il, "Les Révoltés" (2015)  de Simon Leclère, "Diamant Noir" (2016) de Arthur Harari... Mickaël est médecin de nuit et son secteur est celui des quartiers populaires de l'est parisien. Mais sa vie est un chaos dont il peine à sortir, partagé entre son femme et sa maîtresse il est aussi plongé dans un trafic de fausses ordonnances de subutex avec son cousin pharmacien. Mais cette nuit, il faudra forcément que Mickaël face des choix...

Le médecin est incarné par Vincent Macaigne vu récemment dans le très joli "Les Choses qu'on Dit, les Choses qu'on Fait" (2020) de Emmanuel Mouret et "L'Origine du Monde" (2020) de et avec Laurent Lafitte. Son frère pharmacien est interprété par Pio Marmaï vu récemment dans "Comment je suis Devenu Super-Héros" (2020) de Douglas Attal et "Felicita" (2020) de Bruno Merle. Chez la gente féminine citons Florence Janas vue dans "Jusqu'à la Garde" (2018)  de Xavier Legrand et qui retrouve Pio Marmaï après "Je Promets d'Être Sage" (2019) de Ronan le Page, Sarah Le Picard vue dans les précédents films du réalisateur Elie Wajeman et vue dernièrement dans "La Lutte des Classes" (2019) de Michel Leclerc et qui retrouve après "Papa ou Maman 2" (2016) de Martin Bourboulon l'actrice Sara Giraudeau vue récemment dans "Les Traducteurs" (2019) de Régis Roinsard et "Le Discours" (2021) de Laurent Tirard actuellement en salles. Pour l'anecdote et vis à vis du sujet du film, précisons que l'actrice est marraine de l'association "Le Rire Médecin" pour laquelle elle a signé un documentaire en 2018. Et pour finir citons Ernts Umhauer révélation de "Dans la Maison" (2012) de François Ozon vu depuis dans "Saint-Laurent" (2014) de Bertrand Bonello et "La Crème de la Crème" (2014) de Kim Chapiron... Forcément vu le sujet, bien marqué par un titre explicite on ne peut que penser aux films "Hippocrate" (2014), surtout à "Médecin de Campagne" (2016) et "Première Année" (2018) de Thomas Lilti, ex-médecin devenu cinéaste. Mais si le côté médical renvoie forcément à une anti-thèse de "Médecin de Campagne" c'est aussi que le réalisateur s'est inspiré fortement de quelques monuments du film noir. Wajeman cite entre autre des films comme "Les Forbans de la Nuit" (1950) de Jules Dassin, "Mean Streets" (1973) de Martin Scorcese ou encore "Bad Lieutenant" (1993) de Abel Ferrara. Dès les premières minutes le réalisateur nous plonge dans une atmosphère lugubre, sinistre pour ne pas dire crasse voir glauque, en seulement quelques instants on se retrouve avec une image de médecin déformée, loin de l'image d'épinal de docteur dandy sauveur de l'humanité.

Ainsi immergé dans un Paris underground avec un milieu médical interlope, en marge finalement très peu connu voir même caché comme tout tabou qui se respecte. L'atmosphère est à l'image des décors/costumes qui renvoie très fortement aux seventies et au Film Noir alors que, paradoxalement, on sent que le réalisateur a voulu pourtant évité le côté polar. C'est donc à la fois le point fort et le point faible du film. En voulant jouer sur les paramètres du polar tout en restant dans le monde médical, même dans sa face cachée, il s'avère qu'au fil du récit le médical perd en substance pour virer assez nettement dans le Film Noir. Alors que l'unité de temps est particulièrement courte, soit une seule nuit en 1h20 de film il est assez dommage que certains passages prennent trop de place. On parle là d'un passage en discothèque et d'un dîner resto : comment est-ce possible ?!?! Dommage car c'est sans doute le seul point faible de ce film âpre, réaliste, prenant tout en distillant une tension dramatique et une bonne dose d'émotion, ainsi qu'une vraie dimension psychologique parfaitement rendue sous couvert d'angoisse et/ou de dépression. En prime un bon point à la musique signée des frères Galperine choisit par le réalisateur qui avait beaucoup aimé la B.O. de l'excellent "Faute d'Amour" (2017) de Andreï Zviaguintsev. Une musique qui oscille constamment entre tragédie (policière, médicale) et romantisme (intimité, espérance). Mais un tel film doit aussi beaucoup à ses interprètes, des acteurs tous impeccables jusque dans les seconds rôles mais le quator principal est absolument impeccable de justesse et d'émotion. En conclusion Elie Wajeman signe un drame fort et difficile mais terriblement humain qui joue avec les codes avec brio. A voir et à conseiller.

 

Note :            

 

15/20
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