Un Condé (1970) de Yves Boisset

par Selenie  -  7 Décembre 2021, 10:18  -  #Critiques de films

3ème long métrage de Yves Boisset après "Coplan sauve sa Peau" (1968) et "Cran d'Arrêt" (1970). Ce projet lui est proposé dès 1969 par la productrice Véra Belmont (future réalisatrice avec "Les Oeillets Rouges d'Avril" en 1975) qui a connu le roman "La Mort d'un Condé" (1970) de Pierre Vial-Lesou, qui lui avait été conseillé par un certain Claude Sautet. Le romancier a déjà été adapté sur grand écran dont le premier est une vraie réussite avec "Le Doulos" (1962) de Jean-Pierre Melville. Le sujet intéresse logiquement Boisset qui est encore révolté par les événements de Mai 1968 et les violences des forces de l'ordre. Le cinéaste co-signe le scénario avec Claude Veillot, romancier qui a adapté son roman "Nous n'irons pas en Nigéria" avec le magnifique film "100000 Dollars au Soleil" (1962) de Henri Verneuil, et qui travaille déjà avec Boisset depuis "Coplan sauve sa Peau" et qui se poursuivra sur plusieurs films jusque "Espion Lève-Toi" (1981), et les deux hommes sont rejoint par un scénariste italien, Sandro Continenza qui a écrit pour tous les genres avec entre autre "Dommage que tu Sois une Canaille" (1955) de Alessandro Blasetti, "Les Week-Ends de Néron" (1956) de Steno, "La Marche sur Rome" (1962) de Dino Risi ou "Django tire le Premier" (1966) de Alberto de Martino... Alors qu'il enquête sur un traffic de drogue, l'inspecteur Barnero croise son collègue et ami l'inspecteur Favenin. L'affaire semble plus complexe qu'il n'y paraît, jusqu'à cette nuit où Barnero est tué lors d'une intervention. Dès lors, Favenin s'impose pour reprendre l'affaire et venger son ami quitte à passer la ligne jaune...

Barnero est joué par Bernard Fresson vu dans "Z" (1969) de Costa-Gravas et "Le Locataire" (1976) de Roman Polanski et qui rejouera pour Boisset dans "Espion Lève-Toi". Favenin était d'abord prévu pour Lino Ventura qui a finalement décliné trouvant le personnage trop antipathique, il est ensuite incarné par Michel Bouquet  vu juste avant dans "La Femme Infidèle" (1968) de Claude Chabrol et "Borsalino" (1970) de Jacques Deray puis retrouvera le réalisateur après "L'Attentat" (1972). Citons Françoise Fabian qui venait de connaître un joli succès avec "Ma Nuit chez Maud" (1969) de Eric Rohmer, et surtout Michel Constantin qui retrouve après "En Effeuillant la Marguerite" (1956) de Marc Allégret et "La Prisonnière" (1968) de Henri-George Clouzot l'acteur Henri Garcin qui retrouvera de son côté Yves Boisset plus tard, Constantin retrouve aussi après le chef d'oeuvre "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville (dans lequel était Lino Ventura) l'acteur Jean-Claude Bercq qui est aussi un des fidèle de Jean-Pierre Mocky à l'instar de ses partenaires Henri Poirier ou Rufus qui deviendra surtout populaire avec les films "Delicatessen" (1991), "La Cité des Enfants Perdus" (1994), "Le Fabuleux Destin de Amélie Poulain" (2001) et "Un Long Dimanche de Fiançailles" (2004) tous de Jean-Pierre Jeunet. Citons ensuite Théo Sarapo surtout connu comme dernier mari de Edith Piaf qui mourra peu de temps avant la sortie du film et vu avant cela dans "Judex" (1963) de Georges Franju, et ensuite deux acteurs italiens avec Adolfo Celi vu dans "L'Homme de Rio" (1963) et "Le Roi de Coeur" (1966) tous deux de Philippe de Broca et surtout méchant face à James Bond dans "Opération Tonnerre" (1965) de Terence Young, puis Gianni Garko révélé dans le chef d'oeuvre "Kapo" (1959) de Gillo Pontecorvo et vu ensuite surout dans des westerns spaghettis comme "Le Temps des Vautours" (1967) de Romolo Guerrieri et "Sartana" (1968) de Gianfranco Parolini... Vu le sujet (violence policière) le film av connaître des démêlés avec la censure. Il aura fallu plusieurs sessions devant la Commission de censure (dont faisait partie Jean-Pierre Melville !), car malgré un passage de justesse en première instance le gouvernement a accentué la pression ensuite jusqu'à une sortie en salle validée avec quelques dialogues supprimés et une scène d'interrogatoire retournée. Le plus grave restant sans doute le procès intenté à la productrice Véra Belmont car son fils mineur joue dans le film lors du passage à tabac de son "père" bien qu'un huissier était présent lors du tournage pour attester que tout fut fait dans les règles de l'art et de la législation. 

Le film est d'un noirceur très appuyée, plus que le drame policier en soi, Yves Boisset nous plonge dans un monde froid, fataliste et désespéré. Boisset n'est pas encore au summum de son art. On décèle déjà son goût pour les sujets d'actualité plus ou moins brûlants, pour une mise en scène directe, immersive et hyper réaliste. Ainsi les accointances de la police avec les politiques sont montrées du doigts même si ça reste peu exploitées, les violences policières sont par contre au centre du film, de la torture à l'interrogatoire à la simple exécution le film devance le futur "Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel à l'exception notable que les américains placent le flics au-dessus des voyous ; en effet, dans le film de Boisset on tombe légèrement dans l'hôpital qui se fout de la charité quand on entend un gangster affirmer que "tous les flics sont des pourris". Mais le plus gênant reste le choix de Michel Bouquet dans le rôle principal. S'il reste un acteur fabuleux et qu'il incarne un être froid et glacial à la perfection, il est déjà beaucoup moins crédible en gros bras qui bouscule les caïds. Néanmoins, le film sera un joli succès avec plus de 1,3 millions d'entrées France avec seulement 54 salles au plus haut de son exploitation. 

 

Note :            

 

11/20
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