The Card Counter (2021) de Paul Schrader

par Selenie  -  30 Décembre 2021, 12:02  -  #Critiques de films

Après son thriller "Sur les Chemins de la Rédemption" (2017) voici le retour du réalisateur-scénariste culte Paul Shrader qui revient avec un projet de dernière minute puisqu'il était à l'origine sur un western avec son acteur fétiche Willem Dafoe et Ethan Hawke qui jouait dans son dernier film. Mais lors de la préparation le cinéaste a eu une autre idée : "J'avais envie de m'intéresser à un personnage qui a commis un acte qu'il ne peut se pardonner. Il a fait de la prison, et si la société lui a sans doute pardonné, il ne s'est pas lui-même pardonné. Il a fait quelque chose de terrible, et il vit dans une sorte de purgatoire. Comment peut-il espérer s'en sortir ?" Puis le cinéaste a étoffé son histoire après avoir regardé des émissions de poker à la télévision, ve qui lui a donné le cadre pour son intrigue : "C'est, en quelque sorte, l'activité de William Tell : il évolue dans ce milieu hors du temps, sillonnant les casinos, jouant aux cartes et attendant que quelque chose arrive enfin. Au poker, on peut jouer pendant des jours et des jours avant d'avoir la main tant attendue. On peut espérer avoir de la chance toutes les deux ou trois semaines, mais la plupart du temps, ce jeu consiste à attendre." Paul Schrader est comme souvent réalisateur et scénariste de son film, et il retrouve à la production son ami Martin Scorcese pour qui il a écrit plusieurs de ses films comme "Taxi Driver" (1976), "Raging Bull" (1980), "La Dernière Tentation du Christ" (1988) et "A Tombeau Ouvert" (1999)...

William Tell est un ex-militaire devenu joueur pro de poker mutique et solitaire. Il rencontre le jeune Cirk, qui rêve de se venger du colonel John Gordo, le hasard fait que Tell a eu des ennuis avec cet officier des années auparavant. Mais Tell prend le jeune sous son aile et tente de lui faire oublier ses idées de vengeance. Les deux hommes écument alors les salles de poker avec comme objectif de gagner le World Series de Las Vegas... Tell est incarné par Oscar Isaac qui revient les pied sur Terre après "Star Wars IX : l'Ascension de Skywalker" (2019) de J.J. Abrams et "Dune" (2021) de Denis Villeneuve. Le jeune Cirk est interprété par Tye Sheridan vu surtout en Cyclope dans "X-Men : Apocalypse" (2016) de Bryan Singer et "X-Men : Dark Phoenix" (2019) de Simon Kinberg, et plus récemment dans "Voyagers" (2021) de Neil Burger ; à noter que le jeune acteur a été recommandé à Schrader par son ami et acteur récurrent Nicolas Cage qui avait joué avec Sheridan dans le très bon "Joe" (2013) de David Gordon Green. Le colonel est incarné par Willem Dafoe, vu récemment dans "Spider-Man : No Way Home" (2021) de Jon Watts,  acteur fétiche de Schrader qui joue ainsi pour lui pour la 7ème fois depuis "Light Sleeper" (1992), et qui retrouve Oscar Isaac après "At Eternity's Gate" (2018) de Julian Schnabel. Citons ensuite Tiffany Haddish vue dans "Les Baronnes" (2019) de Andrea Berlof et "Like a Boss" (2020) de Miguel Arteta, et Joel Michaely vu dans "Les Lois de l'Attraction" (2002) de Roger Avary et "Kiss Kiss Bang Bang" (2005) de Shane Black... Paul Schrader aborde sur ce film ses sujets de prédilection habituels avec la culpabilité et la rédemption (ou non !). Et pour se faire il place un homme au passé trouble qui s'est enfermé dans une routine particulièrement drastique au sein d'un univers singulier. Ainsi le personnage principal se choisit-il comme nom d'emprunt William Tell, passe son temps dans les casinos, vit seul et n'a pas d'amis et a même un toc qui laisse un peu perplexe. En effet, ce toc laisse imaginer qu'on va le comprendre plus tard ce qui n'arrivera finalement pas. On se doute que son passé va revenir et être le tournant du film mais on ne comprend jamais franchement les tenants et aboutissants car le "méchant", s'il reste un salopard, on ne comprend pas très bien la responsabilité qu'on lui fait endosser et donc la vengeance paraît aussi puéril que peu compréhensible.

La responsabilité de ce colonel est très indirecte, et si on peut lui en vouloir autant désirer aussi la mort des membres du gouvernements au de plusieurs centaines de donneurs d'ordre. Dans un premier temps on aime surtout l'atmosphère singulière du film, le personnage mutique de Tell/Isaac, qui nous permet d'espérer un twist valable. On aime moins ce choix prétentieux et superflu d'utiliser ce concept de lentille ou loupe suggestive lors des flash-backs, un concept qui paraît gratuit et futile. Un concept qui a été mis en place par Ben Schwartz connu pour son court métrage "Ashe 68" (2018) où il permettait au spectateur de se glisser dans la peau du tennisman Arthur Ashe lors de l'EUS Open 1968. Le directeur photo Alexander Dynan précise : "Sans entrer dans les détails techniques, on a fini par tourner avec une caméra RED équipée d'un objectif à très grand angle, puis on a transféré cette image en format 2.1" Intéressant techniquement sans doute, mais on ne voit pas très bien l'utilité ici. Sur l'intrigue elle-même on est donc un peu dubitatif. On l'est tout autant du changement brusque du protagoniste principal. William Tell, est solitaire, mutique, dans un train train qui semble lui convenir dans un quotidien très organisé et soudain, en quelques minutes il accepte dans son giron direct et intime un jeune homme qu'il est prêt à aider  quitte à tout perdre, puis une femme dont il accepte un contrat qu'il se refusait depuis toujours à accepter. Le changement est direct, radical et sans concession ce qui est peu crédible. Psychologiquement le récit prend ainsi des raccourcis dommageable. Finalement on comprend mal où veux en venir le réalisateur-scénariste. La partie casino-poker s'avère très accessoire, le toc l'est aussi... etc... Puis arrive la scène "ultime" du film filmée hors champ ce qui, là encore, est un choix peu compréhensif que ce soit sur le fond ou sur la forme. Comme on dit, il y a de l'idée, mais que l'idée. On reste sur notre faim. Dommage... 

 

Note :            

 

10/20
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