Mort de l'acteur Hardy Kruger

par Selenie  -  3 Février 2022, 17:06  -  #Décès de star - Bio

Après la mort de l'icône italienne Monica Vitti, voici que par accident je m'aperçois grâce à la chaîne TV Arte que des plus grands acteurs allemands de sa génération est mort il y a peu dans l'anonymat. Ainsi on apprend bien tard que l'acteur Hardy Kruger est mort le 19 janvier dernier à l'âge de 93 ans.

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Né en 1928 à Berlin, Eberhard Krüger a des parents adeptes des idées nazies et donc logiquement adhérents du parti National-Socialiste. Embrigadé malgré lui, et avec un papa plutôt bien placé en tant qu'ingénieur, il est admis dès ses 13 ans dans un "Adolf-Hitler-Scule", école qui doit former  l'élite du Reich allemand. A à peine 16 ans, grâce à son physique de aryen idéal il est choisi pour jouer dans un film de propagande. Ainsi son premier rôle au cinéma est dans "Les Aiglons" (1944) de Alfred Weindenman. C'est à cette période qu'il rencontre la star allemande Hans Söhnker, cité plus tard "Juste parmi les Nations" pour avoir sauver des juifs durant la guerre, et qui serait devenu un père de substitution pour le jeune Eberhard à qui il lui aurait dit que "ton demi-dieu est un criminel, et que la guerre est perdue"

Documentaires - (page 4) - Les Filmographies de Chems

Mais la guerre prend une mauvaise tournure pour l'Allemagne et le jeune Eberhard Kruger est incorporé au sein de la 38ème division SS Nibelungen composée de jeunes soldats de son âge, derniers remparts contre les Alliés. Sur ce qui suit seule la version de Hardy Kruger existe et il semble avoir romancé un temps soit peu cette partie de sa vie, en tous cas aucun historien n'a pu corroboré ses dires ; donc le jeune Eberhard a dû combattre contre son gré jusqu'à ce qu'il reçoive l'ordre d'exécuter des prisonniers américains. Il fut donc condamné pour une cour martiale mais fut sauver in extremis par un officier qui aurait plus ou moins expliquer qu'il ne fallait pas tuer un jeune homme aussi beau à quelques jours de la fin de la guerre (?!) Après cela, devenu estafette il en profite pour déserter et fuit en Italie où il aurait été fait prisonnier dans le Tyrol par l'armée américaine. Il rejoint ensuite sa grand-mère chez elle, bientôt rejoint par sa mère revenu de Berlin. Il ne reverra jamais son père qui aurait succombé dans un camp de prisonnier russe. Insistons sur le fait que ces derniers mois de guerre sont sans doute romancés par la star.

 

Après la guerre il change de nom alors qu'il trouve un poste de speaker (ci-dessous) sur une radio dirigée par l'armée britannique d'occupation à Berlin Ouest. Désormais appelé Hardy Krüger cette expérience à la radio le mène sur les planches où il commence à se faire un petit nom au théâtre. Un petite renommée qui lui permet d'obtenir une nouvelle expérience au cinéma dans "Diese Nacht Vergess Ich Nie !" (1949) de Joannes Meyer dans un second rôle.

Il enchaîne aussitôt dans plusieurs comédies plus ou moins légères, un genre qui monopolise les écrans dans une Allemagne en pleine reconstruction et où il gagne en expérience dans de nombreux seconds voir troisièmes rôles comme dans "Quelle Boniche !" (1949) de Akos Von Rathony ou "L'Île sans Morale" (1950) de Volker Von Collande. Il faut attendre la comédie "La Beauté mène la Danse" (1951 - ci-dessous) de Akos Von Rathony pour qu'il soit enfin particulièrement remarqué.

Schön muß man sein (1951) - Film | cinema.de

Il obtient désormais des rôles plus importants même s'il reste cantonné à des rôles inhérents aux comédies avec "Je m'Appelle Niki" (1952) de Rudolf Jugert, "Trois Hommes et une Fille" (1952) de Hans Wolff et surtout "La Lune était Bleue" (1953) de Otto Preminger, ou plutôt "La Vierge sur le Toit" (ci-dessous) qui est la version allemande tournée simultanément où Hardy Kruger reprend le rôle tenue par William Holden dans la version internationale.

Il devient une vedette de premier plan en Allemagne avec des films comme "Tant que tu m'Aimeras" (1953) et "Le Dernier Eté" (1954) tous deux de Harald Braun, mais aussi il retrouve le réalisateur qui l'a dirigé la première fois et cette fois dans un tout autre contexte avec "Toi et Moi" (1953), "Der Himmel Ist Nie Ausverkauft" (1955) et "Rendez-Moi Justice" (1955) tous trois de Alfred Weidenman. Citons encore "Facteur en Jupons" (1956 - ci-dessous) de Karl Anton et surtout "Liane la Sauvageonne" (1956) de Eduard Von Borsody qui sont d'énorme succès populaire.

Facteur en jupons (1956) réalisé par Karl Anton - Choisir un film

Mais malgré le succès et la reconnaissance en Allemagne l'acteur en a marre des rôles toujours similaires et veut étendre son monde. Il part alors pour Londres où il ne tarde pas à trouver un rôle. Un énième rôle de nazi mais cette fois il incarne un aviateur de la Luftwaffe, l'histoire vraie de Franz Von Werra qui fut fait prisonnier trois fois et par trois fois il réussit à s'évader. "L'Evadé du Camp 1" (1957 - ci-dessous) de Roy Ward Baker est un grand succès au Royaume-Uni et en Allemagne. Sa première vraie expérience hors d'Allemagne est donc une réussite.

Il retourne ensuite en Allemagne où il tourne dans un film de braquage "Banktresor 713" (1957) de Werner Klinger, retrouve l'uniforme de la Wermacht dans "Le Renard de paris" (1957) de Paul May, puis retourne outre-Manche pour jouer dans le polar "L'Enquête de l'Inspecteur Morgan" (1959 - ci-dessous) de Joseph Losey avec Stanley Baker et Micheline Presle.

En Allemagne il tourne dans "Et tout le reste n'est que Silence" (1959) et "Sans Tambour ni Trompette" (1959) tous deux de Helmut Käutner, puis "Rififi à Berlin" (1960) de Alfred Weidenman. Après les britanniques il obtient un rôle dans une production française, tournée essentiellement dans le sud de l'Espagne les assurances refusant un tournage en Algérie à cause de la guerre, puis une partie à Paris. Le film est "Un Taxi pour Tobrouk" (1961 - ci-dessous) de Denys de La Patellière avec Charles Aznavour et Lino Ventura. Le film est un succès avec 5 millions d'entrées France qui rend l'acteur allemand désormais connu en France également.

Il part pourtant à Hollywood où il obtient un rôle dans le superbe "Hatari !" (1962 - ci-dessous) de Howard Hawks où il a pour partenaire John Wayne, Red Buttons, Gérard Bain, Bruce Cabot et Elsa Martinelli. Un grand film d'aventure qui marque un tournant puisque l'acteur devient enfin une star internationale mais aussi parce qu'il tombe amoureux de l'Afrique à tel point qu'il achète la ferme sur les lieux du tournage pour en faire un hôtel exotique et pour y créer un point d'ancrage qui le change de sa vie de star.

Il revient en France où il tourne plusieurs films dont "Les Dimanches de la Ville-d'Avray" (1962 - ci-dessous) de Serge Bourguignon avec qui il devient ami, et avec qui il connaît donc le succès avec ce film multi-primé qui reçoit l'Oscar du meilleur film étranger où il joue une soldat allemand amnésique qui se prend d'une amitié "pure" pour une fillette de 10 ans.

Après des films comme "Le Gros Coup" (1964) de Jean Valère avec Emmanuelle Riva ou "Le Chant du Monde" (1965) de Albert Camus avec Charles Vanel et Catherine Deneuve, l'acteur retrouve Hollywood avec le film d'aventure "Le Vol du Phoenix" (1965 - ci-dessous) de Robert Aldrich aux côtés de James Stewart, Richard Attenborough et Ernest Borgnine.

LE VOL DU PHÉNIX » (1965) | BLOG DU WEST 2

Il revient en France avec le film d'espionnage "L'Espion" (1966) de Raoul Levy où il joue aux côtés de Montgomery Clift dont c'est le dernier rôle, la comédie "La Grande Sauterelle" (1967) de Georges Lautner avec Mireille Darc et surtout "Le Franciscain de Bourges" (1968 - ci-dessous) de Claude Autant-Lara qui était un projet qui tenait à coeur l'acteur et qui en sera d'autant plus déçu après l'échec du film en Allemagne.

Il joue ensuite dans le film de guerre "La Bataille de la Neretva" (1968) de Velko Bulajic au sein d'un casting prestigieux dont Franco Nero, Sylva Koscina, Orson Welles et Curd Jürgens, puis le film de sauvetage polaire d'après une histoire vraie "La Tente Rouge" (1969) de Mikhaïl Kalatozov avec Sean Connery et Claudia Cardinale, puis incarne un énième soldat allemand dans "Le Secret de Santa Vittoria" (1969 - ci-dessous) de Stanley Kramer avec Anthony Quinn et Anna Magnani.

Les années 70 annonce un déclin certain pour l'acteur qui perd peu à peu le haut de l'affiche, ou il devient surtout u second rôle de luxe. Citons "Le Solitaire" (1972) de Alain Brunet, "Le Tigre de Papier" (1975) de Ken Annakin avec David Niven et Toshiro Mifune, "Barry Lyndon" (1975 - ci-dessous) de Stanley Kubrick, au sein d'une autre production prestigieuse avec le film de guerre "Un Pont Trop Loin" (1977) de Richard Attenborough aux côtés d'une vingtaine de stars internationales où il retrouve notamment ses partenaires Sean Connery et Ryan O'Neal.

Il enchaîne avec un autre film de guerre avec "Les Oies Sauvages" (1977 - ci-dessous) de Andrew V. Mc Laglen avec David Niven, Roger Moore, Stewart Granger et Richard Harris, joue aux côtés de Annie Girardot dans le drame "À Chacun son Enfer" (1977) de André Cayatte, puis retourne en Allemagne après près de 20 ans d'absence. Il joue alors dans "Blue Fin" (1978) de Carl Schulz et "Feine Gesellschaft" (1982) de Ottokar Runze.

The Wild Geese | Movies ala Mark

L'acteur ne tourne pratiquement plus, retourne aux Etats-Unis et y tourne ses deux derniers longs métrages de cinéma avec "Meurtres en Direct" (1982) de Richard Brooks pour lequel il retrouve pour la 3ème fois Sean Connery, puis "The Inside Man" (1984 - ci-dessous) de Simon Clegg qui est passé inaperçu.

Inside Man - Der Mann aus der Kälte (1984) - Film | cinema.de

Mais l'acteur ne chôme pas pour autant, il continue à écrire notamment régulièrement depuis son livre "Une Ferme en Afrique" (1970) qui relate son expérience en Afrique dans sa propriété hôtel qui fera malheureusement faillite en 1973. Il va écrire près d'une vingtaine de livre jusque "Un Livre de Mort et d'Amour" (2018) en passant par les trois tomes "Globetrotter" (1992-1996) qui sont en fait tiré de ses expériences d'aventurier-animateur sur les émissions TV "Weltenbummler" (1987-1995), sorte de "Ushuaïa Nature" de Nicolas Hulot qui va connaître un succès populaire énorme en Allemagne. Cette même période il incarne le général Rommel dans la série TV "Les Orages de la Guerre" (1988-1989). Des succès importants en terme d'audimat à la fin des années 80 qui lui font espérer un retour au cinéma qui n'arrivera malheureusement pas. En effet, le temps passe et ces émissions ne sont connues qu'en Allemagne.

 

Outre ses passions de globetrotter, et l'écriture, l'acteur a été un activiste anti-extrême droite très impliqué allant entre autre jusqu'à fonder en 2013 l'association "Ensemble contre la violence d'extrême droite", donnant de sa personne en allant notamment dans les écoles raconter son expérience durant 39-45.

Alors qu'il n'avait que 16 ans Hardy Krüger a eu une petite fille en 1945, Christiane future actrice, avec l'actrice Renate Densow de 10 ans son aînée. Ils seront mariés de 1950 à 1964. Il épouse ensuite l'artiste-peintre italienne Francesca Marazzi (1964-1977) qui est en fait une amie de sa fille Christiane, avec qui il a deux enfants Malaika et Hardy Jr, qui deviendra acteur mais avec qui les liens se perdront au fil des ans. Il épouse ensuite la mannequin américaine Anita Park de 25 ans sa cadette. Il achète alors une proriété forestière dans les montagnes de San Bernardino qui domine Los Angeles mais à partir de 2013 il vivra la moitié du temps à Palm Springs.

 

Hardy Kruger aura sans doute pâtit de son physique "trop aryen", ce qui explique le grand nombre de rôle de soldat allemand qu'il aura pourtant su montrer les meilleures facettes. Il n'en demeure pas moins que l'acteur aura su se démarquer et inscrire son nom au Panthéon du Septième Art grâce à quelques films marquants et des rôles emblématiques. Parmi les allemands seuls peut-être Curd Jürgens aura eu une carrière plus fameuse.

 

Hardy Krüger est mort ce mercredi 19 janvier 2022 à l'âge de 93 ans à son domicile de Palm Springs.

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