Lady Chatterley (2006) de Pascale Ferran
Nouvelle adaptation, ou plutôt presque, puisque "L'Amant de Lady Chatterley" (1928) de D.H. Lawrence a connu plusieurs versions. La version "officielle" a déjà été porté à l'écran plusieurs fois, les films les plus connus sont "L'Amant de Lady Chatterley" (1955) de Marc Allégret et la version érotique (1981) de Just Jaeckin. Mais pour ce projet la réalisatrice-scénariste a préféré adapter la version titrée "Lady Chatterley et l'Homme des Bois" (1927, publié en 1972), la cinéaste explique : "Cette version-ci est moins simple, plus frontale vis-à-vis de son sujet, moins tourmenté. Le livre est davantage centré sur la relation entre Constance et Parkin, le garde-chasse et les deux personnages eux-mêmes sont assez différents (...) ils ne commentent pas, ils expérimentent. Enfin, le récit, davantage encore que dans la dernière version, est littéralement envahi par la végétation. Et le règne végétal n'intervient pas seulement ici comme métaphore de l'élan vital qui fait se rejoindre les deux protagonistes, mais il les accompagne sans cesse dans leur transformation. C'est cela pour moi la plus grande beauté de Lady Chatterley et l'Homme des Bois : le récit d'un amour qui ne fait qu'un avec l'expérience concrète de la transformation." Pascale Ferran porte ce projet après des années de silence, ses deux précédents films sont "Petits Arrangements avec les Morts" (1994) et "L'Âge des Possibles" (1995) sans compter ses scénarios pour d'autres avec "La Sentinelle" (1992) de Arnaud Desplechin et "Mange ta Soupe" (1997) de Mathieu Amalric. Elle co-signe son histoire avec Roger Bohbot scénariste de films comme "La Vie Rêvée des Anges" (1998) de Erick Zonca, "Depuis qu'Otar est parti..." (2003) de Julie Bertuccelli et "Rois et Reines" (2004) de Arnaud Desplechin, puis avec Pierre Trividic qu'elle retrouve après "Petits Arrangements avec les Morts" et qui a signé a entre autre le scénario de "Ceux qui m'aiment prendront le Train" (1998) de Patrice Chéreau. Outre son joli succès public (pour un tel sujet) avec plus de 400000 entrées France, le film a été remonté en téléfilm en deux parties diffusé en 2007 sur Arte qui a connu un record d'audience (pour la chaîne) avec 2 millions de téléspectateurs. Le film obtient 5 Césars sur 9 nominations dont Meilleur film et Meilleure actrice...
Vers 1920, au Château des Chatterley, Constance coule des jours monotones enfermée dans un riche mariage avec un vétéran estropié de 14-18. Au printemps, elle fait la connaissance de Parkin, le garde-chasse, un homme rustre et solitaire qui éveille en elle un désir inédit et inavouable. Désormais elle se promène plus souvent et fait en sorte de croiser Parkin jusqu'à l'inévitable rapprochement. Leur liaison secrète est un éveil à la sensualité pour elle, un retour au bonheur pour lui... Le rôle titre est incarné par Marina Hands aperçue dans "La Fidélité" (1999) de Andrzej Zulawski et "Les Invasions Barbares" (2003) de Denys Arcand, et qui va voir sa carrière décoller cette même année de "Lady Chatterley" avec aussi "Ne le Dis à Personne" (2006) de Guillaume Canet et "Le Scaphandre et le Papillon" (2006) de Julian Schnabel. Son époux est interprété par Hippolyte Girardot vu notamment dans "Les Patriotes" (1993) de Eric Rochant, "Rois et Reines" (2004) de Arnaud Desplechin et retrouvera Pascale Ferran pour "Bird People" (2014). L'amant, l'homme des bois est incarné par Jean-Louis Coulloc'h devenu acteur sur le tard, alors inconnu aperçu dans "Circuit Carole" (1995) de Emmanuelle Cuau et vu ensuite dans des films comme "Le Skylab" (2011) de et avec Julie Delpy, "Elles" (2012) de Malgorzata Szumowska et "La Fracture" (2021) de Catherine Corsini, puis retrouve après "La Clef" (2007) de Guillaume Nicloux sa partenaire Hélène Alexandridis vue aussi dans "Je ne suis pas Là pour être Aimé" (2005) de Stephane Brizé ou "Suzanne" (2013) de Katell Quillévéré. Citons à leurs côtés Hélène Fillières vue dans "Reines d'un Jour" (2001) de Marion Vernoux et "Un Homme, un Vrai" (2003) des frères Larrieu, Bernard Verley vu entre autre dans "La Reine Margot" (1994) de Patrice Chéreau, "Au Coeur du Mensonge" (1998) de Claude Chabrol ou plus récemment dans "Grâce à Dieu" (2018) de François Ozon, Sava Lolov vu dans "Diên Biên Phu" (1992) de Pierre Schoendoerffer, "Feux Rouges" (2004) de Cédric Khan et "Toni Erdmann" (2016) de Maren Ade... Lorsque le film commence le couple Chatterley est marié depuis plusieurs années déjà, mais on devine que le couple a perdu de sa verve depuis le retour du mari infirme des suites de la guerre. Lui est frustré, à la fois a du désir pour sa femme mais se sent trop diminué pour un quelconque effort de tendresse, elle a perdu sans doute toute attirance pour lui et s'ennui désormais dans une routine de simple maîtresse de maison. L'histoire débute vraiment quand lady Chatterley éprouve un émoi presque oublié en découvrant l'homme des bois à demi dénudé. Pascale Ferran use d'une mise en scène élégante et naturaliste à la façon des grands films romanesques. Une caméra discrète qui présente les protagonistes, mais qui montre aussi l'environnement, le château des Chatterley (château de Montlhéry, puis plusieurs lieux de Corrèze), et surtout le domaine environnant particulièrement boisé et isolé.
Le couple Chatterley est engoncé comme dans une prison au château, Constance découvre ensuite la nature, l'éveil au désir et à la sensualité tout en explorant enfin les joies bucoliques. La relation adultère est passionnante et se découvre sur deux niveaux de lecture, d'abord vis à vis de la domination sociale et/ou sexuelle homme/femme, ensuite dans l'évolution des sentiments et donc dans la façon de faire l'amour. On est en 1920, et pourtant l'histoire est assez moderne puisque c'est Constance qui impose son choix et son désir, une aristocrate qui choisit un garde-chasse comme amant. Le contrat entre les deux est tacite mais clair, le luxe de la chair sans plus, mais évidemment, la chair et le temps font que les sentiments vont évoluer. Ainsi, au départ l'acte est simple et primaire, presque animal, puis cela évolue avec plus de complicité, de tendresse, de jouissance commune et d'exploration des corps. La vraie réussite réside dans les subtilités des émotions et des relations humaines. L'homme des bois, pas spécialement beau mais au corps rustique et viril se découvre une raison de vivre heureux, l'épouse qui n'avait plus de relations intimes se découvre une renaissance sexuelle et sensuelle, puis il y a l'époux infirme sans doute pas si dupe qui surprend par une volonté de retrouver une certaine virilité... Pascale Ferran signe un drame romanesque subtil, élégant et sensuel, qui ne manque pas non plus d'une pointe d'onirisme avec quelques passages plein de grâce comme la première fois qu'ils se découvrent nus, la déco en fleurs ou la course nue sous la pluie. Si le livre a été accusé d'obscénité avec ce film la réalisatrice donne toute l'ampleur à cette histoire aussi touchante que charnelle. Un grand et beau film.
Note :