Predator (1987) de John McTiernan
L'idée du film est venu d'une blague alors en vogue à Hollywood après la sortie du film "Rocky IV" (1985) de et avec Sylvester Stallone, où on se disait que Rocky n'avait plus personne contre qui se battre si il y avait un "Rocky V", à part peut-être un extra-terrestre ! Sur cette blague deux scénaristes inconnus vont écrire une histoire intitulé "Hunter", avec un extraterrestre chasseur qui trouve un terrain de chasse en Amérique Latine alors très riches en opérations militaires et/ou géo-politiques et donc très présente dans les actualités des eighties. Ces deux auteurs, Jim et John Thomas signeront plus tard la suite "Predator 2" (1991) de Stephen Hopkins, mais aussi de "Wild Wild West" (1999) de Barry Sonnenfeld, "Mission to Mars" (2000) de Brian De Palma et "En Territoire Ennemi" (2001) de John Moore, mais au milieu des années 80 ils sont inconnus et leur scénario a bien du mal à trouver preneur jusqu'à ce qu'il arrive sur le bureau de Joel Silver, l'autre producteur majeur spécialiste des films d'action avec Jerry Bruckheimer, notamment avec "48 Heures" (1982) de Walter Hill et "Commando" (1985) de Mark L. Lester. Ce dernier succès place la star Arnold Schwarzenegger sur les rangs pour tenir le haut de l'affiche qui choisit de surcroît le réalisateur en faisant confiance un inconnu également, John McTiernan qui venait de signer son premier long avec "Nomads" (1986). Joel Silver et la 20th Century Fox en tous cas y croient assez pour mettre un budget de 15 millions de dollars ce qui est très confortable à l'époque... Un commando des forces spéciales mené par le major Dutch Schaeffer est engagé par la CIA pour une opération de sauvetage secrète. Alors que la mission s'avère un peu différente que ce qui était prévu, le commando s'aperçoit surtout qu'ils ne sont pas seuls dans la jungle, une sorte de tueur les épient jusqu'à la découverte de cadavres particulièrement atroces. Les militaires se préparent alors à une traque mais pour une fois ce sont eux les cibles...
Le leader du commando est logiquement incarné par Arnold Schwarzenegger, star depuis les succès "Conan le Barbare" (1982) de John Milius et surtout "Terminator" (1984) de James Cameron et qui retrouve son producteur de "Commando" (1985). À ses côtés une troupe de soldats aux physiques impressionnants qui n'ont rien à envier à leur leader, des bad boys aux pedigrees pas tous très angéliques. Citons d'abord Carl Weathers alors célèbre Appolo Creed dans la franchise "Rocky" (1976-1985) avec Sylvester Stallone, et retrouvera juste après "Action Jackson" (1988) de Craig R. Baxley, une autre production Joel Silver surfant sur le succès, ses partenaires Bill Duke qui était dans "Commando" et également réalisateur notamment avec le remarqué "Rage in Harlem" (1991), puis Sonny Landham vu auparavant chez Walter Hill dans "Les Guerriers de la Nuit" (1979), "Sans Retour" (1981) et "48 Heures" (1982) ; ce dernier avait un passé criminel lourd et était assez dangereux pour que la production lui octroie un garde du corps, non pas pour le protéger mais pour protéger éventuellement les autres de ses sautes d'humeur ! Le reste du commando était composé de Richard Chaves aperçu dans "Witness" (1985) de Peter Weir puis ensuite dans "L.A. Takedown" (1989) de Michael Mann téléfilm précurseur au futur chef d'oeuvre "Heat" (1995), Jesse Ventura qui a en commun avec Schwarzenegger les films "Running Man" (1987) de Paul Michael Glaser et "Batman et Robin" (1997) de Joel Schumacher mais aussi de devenir gouverneur pour le Minnesota entre 1998 et 2003 devançant de peu son partenaire, puis Shane Black acteur discret mais surtout scénariste pour Joel Silver derrière "L'Arme Fatale" (1987) de Richard Donner ou pour retrouver le duo Schwarzenegger-John McTiernan sur "Last Action Hero" (1992) et qui deviendra un réalisateur signant entre autre un remake avec "The Predator" (2018). D'autres personnages gravitent autour, un général incarné par R.G. Armstrong surtout vu chez Sam Peckinpah dans "Coup de Feu dans la Sierra" (1962), "Major Dundee" (1965), "Un Nommé Cable Hogue" (1970) et "Pat Garrett et Billy the Kid" (1973), un conseiller militaire joué par Sven-Ole Thorsen géant connu pour être celui qui a tourné le plus avec Schwarzenegger soit une dizaine de films de "Conan le Barbare" (1982) à "Dommage Collateral" (2002) de Andrew Davis, puis enfin deux atouts majeurs, le charme de Elpidia Carrillo vue dans "Police Frontière" (1982) de Tony Richardson et "Salvador" (1986) de Oliver Stone, plus récemment dans "Neuf Vies" (2005) et "Mother and Child" (2010) tous deux de Rodrigo Garcia, et qui retrouvera le "Predator 2" (1990) de Stephen Hopkins son partenaire de 2m22, Kevin Peter Hall qui se cache derrière le costume de l'alien et qui fait un caméo live en tant que pilote de l'hélicoptère dans la scène finale ; précisons que ce dernier a une taille qui le prédestinait à se cacher derrière des costumes comme dans "Nuit Noire" (1983) de Tom McLoughlin ou "Bigfoot et les Henderson" (1987) de William Dear, et qu'il fut choisit après un certain Jean-Claude Van Damne, acteur alors inconnu qui refusera finalement d'incarner le Predator car il était caché derrière un masque et qu'il pensait pouvoir montrer ses talents en arts martiaux... Predator, un alien qui vient de nulle part dont le nom réel est inconnu mais qui reste un bipède humanoïde à l'exception peut-être de sa tête aussi hideuse qu'effrayante. Un monstre intelligent et aux capacités inouïes créé par le légendaire Stan Winston remarqué déjà pour son travail sur "The Thing" (1982) de John Carpenter et "Aliens" (1986) de James Cameron, c'est d'ailleurs ce dernier qui conseillera à Winston de rajouter des mandibules sur la tête du Predator. Outre le Predator, il y a un autre personnage principal : la jungle. Une jungle qui est celle de El Eden à Puerto Vallarta au Mexique lieu de tournage déjà mis à l'honneur sur grand écran notamment dans "La Nuit de l'Iguane" (1964) de John Huston et "Le Magnifique" (1973) de Philippe de Broca. Une jungle qui dans ce film celle du pays imaginaire Val Verde, pays imaginé par le producteur Joel Silver qu'il a déjà fait évoquer dans "Commando" (1985) et qu'on entendra encore parler dans "58 Minutes pour Vivre" (1990) de Renny Harlin. Une jungle qui reste surtout une jungle au sens premier du terme comme l'a entre autre expérimenté la star Schwarzenegger qui se saoulera par exemple au jagertee (alcool fort à base de schnaps) pour supporter le froid nocturne, et il perdra pas moins de 10kg durant le tournage.
La filiation du monstre avec "Alien le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott est assez nette, un monstre prédateur qui n'est plus dans un vaisseau mais une jungle, l'équipe d'ouvriers et de techniciens est ici des soldats aguerris. La dimension du thriller horrifique laisse place à un film de guerre façon survival fantastique. Si le film SF de Ridley Scott est intemporel et reste une claque encore aujourd'hui il faut avouer que ce film est très siglé eighties avec des clichés et/ou effets modes qu'il faut accepter pour son côté nostalgique ou kitsh pour pouvoir apprécier à fond de ce film dont l'efficacité reste redoutable à l'instar du Predator. Niveau eighties il y a le bras de fer avec gros plan sur les biceps qui nous arrache un sourire gratuit ou les allusions géo-politiques pas très subtiles (Schwarzy est déjà très républicain dans une décennie très reaganienne) et une volonté claire de multiplier les punchlines ; sur ce dernier point, ça se résume surtout à des répliques machistes et des blagues vaseuses à l'image des lourdeurs militaires plus ou moins virils mais on notera pourtant une réplique qui reste culte et qui fait mouche car citée à un moment clé et parfaitement mise en scène : "T'as pas une gueule de porte-bonheur !" Les effets spéciaux sont utilisés de façon judicieuse, si la vision "infra-rouge" du Predator a mal vieilli on reste bluffé par le travail de Stan Winston sur la physionomie de l'alien. Le scénario peut être découpé en trois parties, la mission sauvetage à proprement dit commanditée par la CIA, le début de la chasse par un Predator inconnu et invisible et le début du massacre, puis enfin le duel ultime dans la nuit. La première partie aurait pu être plus intéressante mais est finalement assea sous-exploitée surtout qu'on se demande aussi pourquoi le Predator ne s'en est pas pris à ces guerilleros (?!). La chasse est prenante et bien construite avec des personnages emblématiques comme l'indien et la jeune latine. Les meurtres sont à la fois sanglants et hors champs, un choix judicieux qui mêle effroi et mystère ainsi qu'une bonne manière de placer des plans icôniques. La dernière partie offre le duel attendu entre Dutch/Schwarzy qui est très bien écrit, à savoir sans être stupidement basé sur le suspense qui voudrait que le GI tiennent tête sans ciller au Predator. Au final John McTiernan signe sans doute le meilleur film du genre, auquel il ne manque qu'une vision plus moderne pour traverser les années sans encombre. À voir et à revoir.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :