Le Jardin des Finzi-Contini (1971) de Vittorio De Sica

par Selenie  -  16 Août 2022, 08:35  -  #Critiques de films

Chef de file du néo-réalisme italien et donc de l'Âge d'Or italien avec quelques grands chefs d'oeuvres comme "Le Voleur de Bicyclette" (1948), "La Ciociara" (1960) ou "Mariage à l'Italienne" (1964), Vittorio De Sica acteur majeur et sans doute encore plus réalisateur renommé et reconnu revient en adaptant le roman éponyme (1962) de Giorgio Bassani, un auteur qu'il connaît bien puisqu'ils ont écrit ensemble quelques scénarios dont les films "Les Amants de la Villa Borghese" (1953) de Gianni Franciolini et "Quelques Pas dans la Vie" (1954) de Alessandro Blasetti. Le scénario est signé à plusieurs mains, surtout par Ugo Pirro qui a écrit pour les films "Cinq Femmes Marquées" (1960) de Martin Ritt et "Enquête sur un Citoyen au-dessus de tout Soupçon" (1970) de Elio Petri, et par Vittorio Bonicelli qui a signé "Barbarella" (1967) de Roger Vadim et "Waterloo" (1970) de Sergueï Bondarchuk, mais il y a aussi plusieurs autres scénaristes non crédités dont De Sica lui-même, Cesare Zavattini fidèle de De Sica sur 25 de ses films, et Valerio Zurlini autre grand réalisateur à qui on doit notamment "Eté Violent" (1959) et "La Fille à la Valise" (1961). Le film est multi-primé, obtenant l'Ours d'Or au Festival de Berlin 1971, l'Oscar du Meilleur film étranger 1972 et le David Di Donatello Award 1971...

En Italie 1938, un tournant s'opère dans le pays où Mussolini se rapproche encore plus officiellement de Hitler. Ainsi les mesures anti-juives se multiplient mais la riche famille des Finzi-Contini, pilier de l'aristocratie continue à vivre comme si rien n'était. Leurs enfants accueillent leurs amis sur leur propriété et jouent au tennis. Puis la vie reprend, où personne ne semble voir le monde changer... Le rôle principal est tenu par Lino Capolicchio remarqué dans "La Mégère Apprivoisée" (1967) de Franco Zeffirelli, et qui sera ensuite l'acteur fétiche du réalisateur Pupi Avati  de "La Maison aux Fenêtres qui Rient" (1976) à "Il Signor Diavolo" (2019). La fille des Finzi-Contini est incarnée par la frenchy Dominique Sanda révélée dans "Une Femme Douce" (1969) de Robert Bresson et "Le Conformiste" (1970) de Bernardo Bertolucci, elle retrouvera plus tard trois de ses partenaires, dans "Violence et Passion" (1974) de Luchino Visconti et "1900" (1976) de Bernardo Bertolucci son partenaire Romolo Valli acteur fétiche de Visconti à l'instar de Helmut Berger qui sera lui aussi dans "Violence et Passion", et qui retrouvera encore l'actrice dans "Saint Laurent" (2014) de Bertrand Bonello. Dans un rôle principal n'oublions pas Fabio Testi remarqué dans "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) de Sergio Leone, "Une Corde, Un colt..." (1969) de et avec Robert Hossein ou encore "Le Fou de Guerre" (1985) de Dino Risi. Citons Inna Alexeieff qui sera surtout connue pour "Du Sang pour Dracula" (1975) de Paul Morrissey, Barbara Pilavin vue dans "Les Subversifs" (1967) des frères Taviani et "Rapt à l'Italienne" (1973) de Dino Risi, et qui retrouvera son partenaire Ettore Geri et son réalisateur Vittorio De Sica pour "Le Voyage" (1974), et enfin Edoardo Toniolo vu entre autre dans "Le Fou du Roi" (1941) de Mario Bonnard, "La Fille du Diable" (1952) de Primo Zeglio... A noter que le film est très fidèle au roman à l'exception de quelques détails, le passé commun étant enfant de Micol et Girogio qui est dans le film montré en flash-backs, Giorgio qui épie Micol après qu'elle est fait l'amour avec un autre alors que dans le roman il ne fait qu'imaginer, et l'arrestation du père de Giorgio qui est un peu différente que dans le livre. 

Le film débute dans l'insouciance de la jeunesse bourgeoise de la ville de Ferrare, où un groupe d'amis, étudiants, passent des vacances ensoleillées loin des turpitudes politiques. Les flirts, les balades en vélo, un peu de tennis le tout le plus souvent dans le jardin des riches Finzi-Contini. Si on était à une autre période, le début du film nous ferait juste penser à une chronique adolescente. Mais en parallèle à cet été 1938 les mesures fascistes ont de plus en plus de conséquences sur le quotidien de ces jeunes, et sur celui des Finzi-Contini, juifs qui semblent plutôt oisifs, comme si leur statut social les protégeait. Plus les mois passent plus la société devient anxiogène, plus on décèle les drames à venir. Le bonheur et l'innocence du début, avec le soleil, le blanc des tenues adolescentes laissent au fur et à mesure place à des tenues plus ternes, le temps de vient gris, les sourires et les rires laissent place à l'angoisse et aux appréhensions. Le fascisme est ainsi montré comme un venin insidieux, mais il démontre aussi les réactions parfois incompréhensibles d'une certaine partie de la population apathique et/ou résignée devant des privations de liberté inédites. Vittorio de Sica signe un drame subtil, doux et acidulé au départ avant de virer vers la fatalité et la soumission. Un beau film, filmé avec élégance, qui contraste intelligemment avec un fond pessimiste et mélancolique. 

 

Note :                

14/20
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