R.M.N. (2022) de Cristian Mungiu
Nouveau film du plus célèbre réalisateur roumain Cristian Mungiu après "Occident" (2002), "4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours" (2007), "Contes de l'Âge d'Or" (2009), "Au-Delà des Collines" (2012) et "Baccalauréat" (2016). Pour son nouveau projet, le cinéaste s'est inspiré du poème populaire du folklore roumain "Mioritza", mais aussi de faits réels sur des propriétaires d'usines du Comté de Székely qui ont voulu embaucher des travailleurs émigrés pour remplacer les locaux partis travailler en Europe occidental, un sujet que le réalisateur-scénariste a voulu montrer avec les effets secondaires du politiquement correct comme il l'explique : "Le film n'associe pas les opinions "politiquement correctes" à une ethnie ou un groupe en particulier : les opinions et les actions étant toujours individuelles, elles ne dépendent pas de l'identité d'un groupe mais de facteurs beaucoup plus complexes. (...) Seulement le politiquement correct n'est pas un processus formateur et il n'a pas changé les opinions en profondeur ; il a juste fait en sorte que les gens expriment moins ce qu'ils pensent. Mais les choses finissent par s'accumuler et, à un moment donné, elles débordent." Le titre est spécifique et peut paraître mystérieux, le cinéaste explique donc que R.M.N. signifie I.RM. en français soit Imagerie par Résonance Magnétique : "Plus largement, il s'agit d'une investigation du cerveau, un scanner cérébral qui tente de détecter des choses sous la surface. En lisant le scénario, quelqu'un a suggéré que le film pourrait s'appeler Europe 2.0. Pendant le tournage, je suis tombé sur une photo de la fin du 19ème siècle dans l'un des lieux de tournage, intitulé L'Agneau de Dieu. J'ai pensé que R.M.N. ferait un bon titre."...
Après avoir passé des années à travailler en Allemagne, Matthias est de retour dans son village natal en Transylvanie en Roumanie. Il s'inquiète alors aussitôt pour son père resté seul, pour son fils Rudi qui a grandi trop loin de lui, tandis qu'il souhaite revoir Csilla son ex-petite amie. Quand l'usine où travaille Csilla décide de recruter des travailleurs étrangers la petite ville tombe dans les conflits inter-ethniques et les troubles commencent à empoisonner le quotidien de la communauté... Matthias est incarné par Marin Grigore surtout connu chez lui pour des séries TV, et vu au cinéma dans les films "La Trace" (2019) de Dorian Bguta et retrouve après "Sieranevada" (2016) de Cristi Puiu l'actrice Judith State vue dans "Après la Pluie" (2019) de Marius Olteanu et "Malmkrog" (2020) de Cristi Puiu, citons ensuite Macrina Barladeanu remarquée dans le court métrage "Malice Aforethought" (2021) de Theodor Ionita, Orsolya Moldovan qui retrouve son réalisateur de "Baccalauréat" (2016) et vu récemment dans "Sunset" (2018) de Laszlo Nemes, Andras Hathazi vu dans "Morgen" (2010) de Marian Crisan et "Les Disparues de Valan" (2019) de Bela Bagota, Miklos Bacs vu dans "Transylvania" (2006) de Tony Gatlif et "Le Chant de la couleuvre" (2019) de Emmanuel Raquin-Lorenzi, Cerasela Iosifescu qui retrouve aussi Cristian Mungiu après "4 Mois, 3 Semaines, 2 Jours" (2007) et "Au-Delà des Collines" (2012), Ovidiu Crisan vu dans "La Madre" (2017) de Alberto Morais et "Dédales" (2022) de Bogdan George Apetri, il retrouve après "Des Escargots et des Hommes" (2014) de Tudor Giurgiu son partenaire Alin Pang vu dans "Bunraku" (2011) de Guy Moshe, "Ghost Rider : l'Esprit de Vengeance" (2012) du duo Heveldine-Taylor qui s retrouve après "Assassination Game" (2011) de Ernie Barabash l'acteur Andrei Finti vu en France dans "Haute Tension" (2003) de Alexandre Aja, puis vu dans "Charlie Countryman" (2014) de Fredrik Bond et "War Dogs" (2016) de Todd Phillips... Le cinéaste roumain grattouille sa société là où ça démange en abordant le racisme de tous les jours, celui insidieux du quotidien. Ainsi, les citoyens critiquent l'arrivée d'étrangers alors même qu'ils sont là pour remplacer les roumains exilés pour remplacer des citoyens d'autres pays. Le serpent qui se mord la queue en sommes, mais c'est la faute des autres, forcément. L'intelligence du film repose essentiellement sur cette question universelle et pas seulement roumaine comme le précise le réalisateur-scénariste : "Il parle aussi des Russes et des Ukrainiens, des Blancs et des Noirs, des Sunnites et des Chiites, des riches et des pauvres, voire des grands et des petits... Dès qu'apparaît un autre individu, il est tout de suite perçu comme appartenant à un autre clan et donc comme un ennemi potentiel."
La séquence de débat dans l'église est là très parlante avec une intervention d'un jeune français, scène qui pourrait paraître caricatura, et pourtant... La réflexion est obligatoire. On suit donc cette petite ville qui vire petit à petit dans la haine de l'autre, une haine qui mène logiquement à la bêtise. Le style est réaliste, voir ethnologique, pour une immersion dans une société de l'Est qui semble éloignée de la notre et pas tant que ça finalement. Mais alors que le film se termine, le récit prend une tournure étonnante, vers une accélération brusque du rythme pour une conclusion peu compréhensible, voir incohérente, étrange assurément voir même mystique. Quelle idée ?! Les 5 dernières minutes semblent hors sujet. Et pourtant, la mise en scène de Cristian Mungiu prend normalement son temps, avec le choix judicieux des plans séquences qui construisent et rythment l'histoire, à l'exception soudainement de cette fin un peu bâclée. Par là même on ne saura jamais vraiment ce qu'a réellement vu le gamin, ou du moins l'éventuel rapport avec l'intrigue du film. Dommage. Cette fin gâche un peu le film, cependant, le réalisateur touche du doigt un fait sociétal de façon intéressante dans un film assez prenant même si on a pas nos réponses.
Note :