Mort du compositeur Ryuichi Sakamoto
Le cinéma perd un des meilleurs compositeurs de musique de films de ces 4 dernières décennies avec la mort du japonais Ryuichi Sakamoto survenue ce 28 mars 2023 à l'âge de 71 ans mais annoncée seulement le 02 avril.
Né en 1953 à Tokyo le jeune Ryuichi est le fils d'un célèbre éditeur. Né au sein d'une famille aisée, l'enfant commence très tôt le piano et apprend la composition. Dans sa jeunesse il est inspiré par la musique impressionniste notamment de Claude Debussy, mais aussi par les Rolling Stones ou les Beatles. Il entre à l'Université des Beaux-Arts et de Musique de Tokyo où il se spécialise dans l'ethnomusicologie. Il s'intéresse alors pour les musiques du monde. Avec l'essor de la musique électronique il commence à jouer de cette musique moderne dont il apprivoise aussi le synthétiseur.
Il publie son premier album en 1975 avec le percussionniste Tsuchitori Toshiyuki puis son premier album solo en 1978. Cette même année il fonde avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi le groupe électro Yellow Magic Orchestra (YMO - ci-dessous) qui sera un des pionnier de la musique électronique. Le groupe connaît un énorme succès au Japon, et perce même à l'international avec entre autre le single "Computer Game/Firecracker" qui entre dans le top 20 des charts britanniques au début des années 80. Le groupe se met en sommeil régulièrement pour reprendre de temps à autre leurs collaboration et ce jusqu'en 2012.
En solo, le musicien continue à sortir des albums régulièrement travaillant plus tard avec des artistes internationaux comme Brian Wilson, Youssou N'Dour ou Iggy Pop.
Son travail est remarqué par le monde du cinéma qui lui propose de composer la B.O. du film "Daijobu, my Friend" (1983) de Ryu Murakami, puis surtout pour le film "Furyo" (1983 - ci-dessous avec la star David Bowie) de Nagisa Oshima avec David Bowie, Takeshi Kitano et Ryuichi Sakamoto lui-même. Le film est un succès mondial et la musique devient une des B.O. les plus cultes du Septième Art avec en prime le BAFTA de la meilleure musique de film 1984.
Les nouveaux projets affluent alors logiquement. Suivent par exemple "Les Aventures de Chatran" (1986) de Masanori Hata, et surtout la superproduction "Le Dernier Empereur" (1987) de Bernardo Bertolucci dans lequel il joue également un rôle. Le film est un succès critique et public mondial aux 9 Oscars dont 1 pour le compositeur qui entre ainsi définitivement dans la cour des grands.
Il signe ensuite la B.O. du thriller hollywoodien "Black Rain" (1989) de Ridley Scott, retrouve son réalisateur à Oscar pour "Un Thé au Sahara" (1990) de Bernardo Bertolucci pour lequel cette fois le musicien gagne le Golden Globe de la meilleure musique de film.
Il goûte à l'Europe avec "La Servante Ecarlate" (1990) de l'allemand Volker Schlöndorff, "Talons Aiguilles" (1992) de l'espagnol Pedro Almodovar et "Les Hauts de Hurlevent" (1992) du britannique Peter Kosminsky avant de retourner au Pays du Soleil Levant pour retrouver celui qui lui a ouvert les portes du cinéma avec "Tokyo Decadence" (1992) de Ryu Murakami.
Ryuichi Sakamoto signe encore "Little Buddha" (1994) de Bernardo Bertolucci avant de se lancer dans un autre domaine en signant la musique mais aussi en participant au scénario du jeu vidéo "Dreamcast" (1998). La même année il compose pour les films "Snake Eyes" (1998) de Brian De Palma avant de jouer un rôle (qui sera son dernier, ne se trouvant pas très bon il ne reviendra pas devant la caméra) dans "New Rose Hotel" (1998) de Abel Ferrara avant de retrouver Nagisa Oshima pour "Tabou" (1999).
Le compositeur poursuit dans l'univers des jeux vidéos avec "Dreamcast" (2000), "Seven Samurai 20XX" (2004) ou "Dawn of Mana" (2006), il est choisi aussi par Nokia pour composer les sonneries de leur nouveau téléphone en 2005 mais c'est bien au cinéma qu'il façonne une carrière riche et passionnante. Il signe les musiques de "Femme Fatale" (2002) de Brian De Palma, "Appleseed" (2004) de Shinji Aramaki, "Soie" (2007) de François Girard et "Hara-Kiri : la Mort d'un Samouraï" (2011) de Takashi Miike.
Malheureusement en 2014 Ryuichi Sakamoto est atteint d'un cancer de la gorge qui l'éloigne des studios. Mais la rémission est finalement rapide et il peut assumer son prochain projet, pas des moindres avec le chef d'oeuvre "The Revenant" (2016) de Alejandro Gonzales Inarritu qui est un succès énorme multi-primé aux Oscars ou aux Golden Globe.
Il travaille pour les productions coréennes "Rage" (2016) de Lee Sang-Il et "The Fortress" (2017) de Hwang Dong-Hyeok, puis vient en France pour "Proxima" (2019) de Alice Winocour.
Il compose encore les B.O. de "Minamata" (2020) de Andrew Levitas, "Love After Love" (2020) de Ann Hui, "Beckett" (2021) de Ferdinando Cito Filomarino et enfin "After Yang" (2022) de Kogonada qui est sa denrière oeuvre.
En effet, en 2021 l'artiste apprend qu'il est atteint cette fois d'un cancer colorectal.
Sakamoto est actif comme militant, anti-guerre dès 2001 s'opposant à l'invasion de l'Irak sur une situation "créée par l'attitude hégémonique des Etats-Unis". Anti-nucléaire, surtout après la catastrophe de Fukushima. Ecolo en créant en 2007 l'organisation de gestion durable des forêts "More Trees".
Le musicien a été marié avec la pianiste et chanteuse Akiko Yano, avec qui il divorce en 2006 après 14 ans de vie commune. Il est père de quatre enfants dont la star de J-Pop Miu Sakamoto.
Ryuichi Sakamoto meurt des suites de son cancer dans un hôpital de Tokyo ce mardi 28 mars 2023 à l'âge de 71 ans.