L'Évadée (1946) de Arthur Ripley

par Selenie  -  27 Février 2024, 09:20  -  #Critiques de films

Voilà un petit film indépendant derrière lequel il y a Seymour Nebenzal, producteur juif ayant fuit l'Allemagne  après avoir produit entre "M le Maudit" (1931) de Fritz Lang et "L'Atlantide" (1932) de G.W. Pabst dont il produira les remakes américains avec entre temps un passage en France pour produire "Mayerling" (1936) de Anatole Litvak ou "Les Otages" (1938) de Raymond Bernard. Le film est adapté du roman "Une Peur Noire" (1944) de Cornell Woolrich, auteur maintes fois portés à l'écran dont les plus fameux sont "Fenêtre sur Cour" (1954) de Alfred Hitchcock, "La Mariée était en Noir" (1968) et "La Sirène du Mississippi" (1969) tous deux de François Truffaut. Le réalisateur est Arthur Ripley ancien Directeur photo qui a réalisé "J'ai retrouvé mes Amours" (1938) ou "Une Voix dans la Tempête" (1944) et qui signera justement le remake "L'Atlantide" (1949) avec Gregg C. Tallas et John Brahm. Le scénariste est Philip Yordan qui n'est alors pas encore le scénariste réputé des années 50 qui va écrire notamment les grands westerns "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray, "L'Homme de la Plaine" (1955) de Anthony Mann ou "La Chevauchée des Bannis" (1959) de André De Toth... Par un concours de circonstances le vétéran Chuck Scot fait la connaissance du gangster Eddie Roman qui lui offre un poste de chauffeur privé. Désargenté et sans projet il accepte mais découvre la violence de son patron notamment envers sa propre épouse, Lorna, qui vit recluse dans leur sublime demeure sous la surveillance de Gino, le bras droit de Eddie. Tombé sous le charme de Lorna, Chuck va organiser leur fuite...

Le vétéran est incarné par Robert Cummings vu dans "Cinquième Colonne" (1942) et "Le Crime était presque Parfait" (1954) tous deux de Alfred Hitchcock ou encore "Obsessions" (1943) de Julien Duvivier et "Les Ambitieux" (1964) de Edward Dmytryk. Le gangster est joué par Steve Cochran qui vient d'être remarqué dans "Les Plus Belles Années de notre Vie" (1946) de William Wyler et vue plus tard dans "L'Enfer est à Lui" (1949) de Raoul Walsh ou "Le Cri" (1957) de Michelangelo Antonioni. La belle Lorna est jouée par la française Michèle Morgan, star de "Quai des Brumes" (1938) de Marcel Carné exilée à Hollywood où elle n'arrive pas à percer mais qui reviendra en France avec le premier prix d'interprétation au Festival de Cannes pour "La Symphonie Pastorale" (1946) de Jean Delannoy, elle jouera à nouveau dans une adaptation d'un roman de Cornell Woolrich avec "Obsession" (1954) de Jean Delannoy, l'actrice retrouve aussi après "Passage pour Marseille" (1944) de Michael Curtiz son partenaire Peter Lorre qui retrouve son producteur et compatriote de "M le Maudit" (1931), et devenue une star à Hollywood avec "L'Homme qui en savait Trop" (1934) de Alfred Hitchcock, "Casablanca" (1942) de Michael Curtiz ou "Arsenic et Vieilles Dentelles" (1944) de Frank Capra. Citons ensuite Lloyd Corrigan vu dans "Le Retour de Frank James" (1940) de Fritz Lang, "La Grande Horloge" (1948) de John Farrow ou "Un Crime dans la Tête" (1962) de John Frankenheimer, Jack Holt vu dans "La Ligne de Vie" (1919) de Maurice Tourneur, "La Féline" (1942) du fils Jacques Tourneur ou "Le Trésor de la Sierra Madre" (1948) de John Huston, Alexis Minotis vu dans "Les Enchaînés" (1946) de Alfred Hitchcock ou "La Terre des Pharaons" (1955) de Howard Hawks, Nina Koschetz vue dans "Casbah" (1938) de John Cromwell, "L'Aveu" (1944) de Douglas Sirk ou "L'Ardente Gitane" (1956) de Nicholas Ray, James Westerfield vu ensuite dans "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan, "Le Sport Favori de l'Homme" (1964) de Howard Hawks ou "Cent Dollars pour un Shérif" (1969) de Henry Hathaway, puis Alex Montoya aperçu plus tard dans "Viva Zapata !" (1952) de Elia Kazan, "Les Sept Mercenaires" (1960) de John Sturges ou "Le Vol du Phoenix" (1965) de Robert Aldrich... Au départ l'histoire est assez classique, un homme arrive et tombe amoureux d'une femme fatale qui "appartient" à un caïd est un speech archi connu on pense un peu au contemporain "Gilda" (1946) de Charles Vidor en moins prestigieux et en moins glamour. La première partie est plutôt académique, le vétéran fait le chauffeur, il est évidemment séduit par Lorna/Morgan sans qu'elle soit vraiment intéressée, puis le caïd qui ne semble pas voir clairement les choses mais qui ai parfaitement secondé par son bras droit. Alors que le couple "adultère" est normalement joué par les deux têtes d'affiches Robert Cummings et Michèle Morgan on constate qu'elles sont pourtant les moins intéressantes.

Des personnages lisses joués par des acteurs qui ne semblent pas spécialement investis. Cummings joue un vétéran qui semble plutôt pied-tendre, et peut-être qu'il aurait fallu justement enrichir le personnage par son passé militaire ?! Morgan joue une jolie femme mais qui reste trop passive. Par contre le caïd est parfaitement joué par Cochran, charismatique et classe, vicieux sans en faire trop, tandis que Peter Lorre joue à merveille le calme qu'on devine prêt au pire. Les scènes avec ces deux hommes sont les plus réussies. Si le drame se dessine à l'évidence on est surpris par l'évolution du récit avec une césure à presque une heure de film. Soudain on ne sait plus si on est dans un rêve ou la réalité, s'il s'agit d'un simple flash-back et on finit par se dire que le film va se terminer avec le vétéran qui va se réveiller brusquement. Pas vraiment mais si on aime l'atmosphère qui se fait plus mystérieux le scénario se fait aussi plus confus. Le film est assez fascinant, le scénario est un peu bancal sur le final mais étonnamment participe à sa singularité. Imparfait donc mais à conseiller.

 

 

Note :                 

12/20
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