Le Samouraï (1967) de Jean-Pierre Melville

par Selenie  -  13 Octobre 2013, 05:30  -  #Critiques de films

Le réalisateur français le plus emblématique de son époque après des films notamment avec "Léon Morin Prêtre" (1961), "Le Doulos" (1962) et "L'Aîné des Ferchaux" (1963) tous trois d'ailleurs avec Jean-Paul Belmondo. Une violente dispute entre ce dernier et Jean-Pierre Melville a sans doute aidé le destin et permis une rencontre entre le cinéaste et Alain Delon. Notons pour l'anecdote que lorsque Melville proposa le script à la star, cette dernière prit le titre comme un signe et lui montra alors le sabre japonais accroché à un mur chez lui. Melville a eu l'idée suite à une vision d'un homme seul, allongé sur un lit avec un oiseau (un bouvreuil précisément). Mais le cinéaste a en tête surtout d'adapter officieusement le roman "The Ronin" (1967) de Joan MacLeod, dont on ne trouve pourtant aucune trace nulle part. Par contre, avec le recul on se doute que Melville a dû s'inspirer aussi du film "Tueur à Gage" (1942) de Frank Tuttle. Le réalisateur-scénariste co-signe son scénario avec Georges Pellegrin qui est son assistant-réalisateur depuis "L'Aîné des Ferchaux" (1963) et ce jusqu'à "L'Armée des Ombres" (1969). Le film reçoit de très bonnes critiques mais obtient moins de 2 millions d'entrées France ce qui est à l'époque plutôt médiocre pour une production avec Delon en tête d'affiche. La postérité se chargera de remettre ce grand film au Panthéon du Septième Art... Jeff Costello est un tueur à gage méticuleux et taciturne. Mais lors de son dernier contrat dans une boîte de nuit il croise une pianiste. Malgré le risque il assume son plan jusqu'à son alibi chez sa maîtresse. Pourtant il est suspecté par le commissaire chargé de l'enquête mais il est sauvé par la pianiste qui dit ne pas le reconnaître. Relâché, Costello s'interroge sur le choix de cette pianiste de bar... 

Jeff Costello le Samouraï est donc incarné par Alain Delon, star grâce à quelques chefs d'oeuvres comme "Plein Soleil" (1960) de René Clément, "Rocco et ses Frères" (1960) et "Le Guépard" (1963) tous deux de Luchino Visconti ou "Mélodie en Sous-Sol" (1963) de Henri Verneuil, et retrouvera dans "Le Cercle Rouge" (1970) de Melville et dans "Le Battant" (1983) de Robin Davis son partenaire et flic enquêteur incarné par François Périer remarqué auparavant dans "Hôtel du Nord" (1938) de Marcel Carné, "Les Nuits de Cabiria" (1957) de Federico Fellini ou "Les Camarades" (1963) de Mario Monicelli. Sa maîtresse est jouée par Nathalie Delon dans son premier rôle alors qu'elle est la nouvelle conjointe à la ville de la star, elle retrouvera son réalisateur dans "L'Armée des Ombres" (1969) et jouera juste après dans "La Leçon Particulière" (1968) de Michel Boisrond, qui joue là un petit rôle après avoir été réalisateur au début de Delon avec "Le Chemin des Ecoliers" (1959) ou "Les Amours Célèbres" (1961). Citons ensuite Cathy Rosier vu ensuite dans "Le Dernier Saut" (1969) de Edouard Luntz et "Boulevard du Rhum" (1970) de Robert Enrico et surtout apparaîtra dans "Le Clan des Siciliens" (1969) de Henri Verneuil sur un poster dans la chambre de Sartet alias Alain Delon. Citons encore Robert Favart qui retrouvera Delon dans "Le Cercle Rouge" (1970) et "La Veuve Couderc" (1971) de Pierre Granier-Deferre, et retrouvera aussi Catherine Jourdan dans le dyptique "Les Quatre Charlots Mousquetaires" (1973) et "A Nous Quatre Cardinal !" (1973) de André Hunebelle, Roger Fradet fidèle de Melville du film "Le Deuxième Souffle" (1966) à "Un Flic" (1971) avec Alain Delon une ultime fois, et retrouve après "Le Soleil des Voyous" (1966) de Jean Delannoy l'acteur Carlo Nell vu plus tard dans "Le Pacha" (1968) de Georges Lautner ou "Le Train" (1973) de Pierre Granier-Deferre... Le film commence sur une citation du Bushido : "Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï."... Qui s'avère en fait fausse, cette citation est une invention de Melville lui-même ! Une solitude qui est toujours le fardeau de ses personnages comme Belmondo dans "Léon Morin prêtre" (1961), Ventura dans "Le deuxième souffle" (1966) ou Bourvil dans "Le Cercle rouge" (1971) dans lequel l'oiseau en cage de Delon est remplacé par un chat...

On suit donc Jeff Costello, tueur à gage, dans une mission qui semble parfaite, à l'alibi idéal mais comme toujours un petit grain va en semer d'autres... Delon incarne un Jef Costello implacable et mutique, aucune émotion ne semble percer chez ce tueur de sang froid. Delon est l'incarnation parfaite du tueur froid et déterminé. Son silence n'a d'égal que la mise en scène de Melville, précise et épurée, sans esbrouffe qui se marie merveilleusement à l'atmosphère clinique et presque mortifère. Ce film influencera des génération de cinéaste parmi lesquels Jim Jarmush (superbe "Ghost Dog la voie du samouraï" en 1999), John Woo, Johnnie To et même Ncolas Winding Refn ("Drive")... A la différence que Melville reste dans une méticulosité et une sobriété qui colle à son personnage, ainsi la forme rejoint le fond, en complète cohérence avec son personnage principal. L'atmosphère pesante ne nous quitte pas et surtout cette fatalité qui suinte à chaque plan et qui, finalement, parvient à Costello/Delon qui décide d'assumer ce destin fatal. Un grand film qui est devenu icônique et complètement inscrit dans les veines de sa star. A voir absoluement.

 

Note : 

18/20

 

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