La Pièce Rapportée (2021) de Antonin Peretjatko
Après "La Fille du 14 Juillet" (2013) et "La Loi de la Jungle" (2016) voici le troisième long métrage de Antonin Peretjatko qui adapte deux oeuvres D'abord une courte nouvelle "Il faut un Héritier" de Noëlle Renaude parue dans la magazine Bonne Soirée qui n'existe plus depuis 1988 : "Toutes le semaines Noëlle Renaude y écrivait sous pseudo une nouvelle. On m'a conseillé d'y jeter un oeil et c'est comme ça que je suis tombé sur "Il faut un héritier". Ce qui m'a plu tout de suite dans cette nouvelle, c'est une mécanique implacable dans le scénario, qui est caractéristique du vaudeville. La deuxième raison, c'est que la nouvelle parlait du rapport de classes, plus précisément du mélange de classes sociales. J'ai modernisé l'histoire en l'adaptant au contexte actuel". Le réalisateur-scénariste-monteur associe cette nouvelle avec un autre, "Le Roman d'une Contrebasse" (1886) de Anton Tchekhov : "Cela fait assez longtemps que je voulais adapter "Le Roman d'une Contrebasse". J'avais pensé à un moment faire un film à sketches à partir des nouvelles de Tchékhov, mais c'est très compliqué à financer. Finalement, la nouvelle de Tchékhov a trouvé sa place ans le film. Ce passage devient un noeud scénaristique : il provoque un changement chez un des personnages principaux, désormais tout le monde va s'entendre pour considérer que la belle-mère est folle, ce qui précipitera sa chute."...
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Paul Château-Têtard vieux garçon de 45 ans mais riche originaire du 16ème arrondissement de Paris prend le métro pour la première fois de sa vie et tombe amoureux de la guichetière Ava. Très vite il est question de mariage mais ce n'est du goût de "maman", Adélaïde Château-Têtard connue aussi sous le titre de Reine Mère mais elle s'en accommode tout aussi vite car il serait temps de penser à avoir un héritier. Mais le bébé narrive pas et bientôt le Reine Mère soupçonne Ava d'adultère... Ava est incarnée par la charmante Anaïs Demoustier vue pour la dernière fois dans "La Fille au Bracelet" (2020) de Stéphane Demoustier, son fiancé et futur époux est joué par Philippe Katerine vu récemment dans "C'est quoi ce Papy ?" (2021) de Gabriel Julien-Laferrière et retrouve pour l'occasion deux partenaires, William Lebghil après "Yves" (2019) de Benoît Forgeard lui-même vu dernièrement dans "Les Fantasmes" (2021) des Foenkinos, puis Philippe Duquesne après "Lion" (2020) de Ludovic Colbeau-Justin qui lui retrouve aussi Anaïs Demoustier après "Au Poste !" (2018) de Quentin Dupieux. L'actrice retrouve également Olivier Broche après "À Trois on y Va" (2015) de Jérôme Bonnell, puis l'acteur retrouve Sergi Lopez après "Les Parfums" (2020) de Grégory Magne mais depuis on a pu voir Sergi Lopez dans "Rifkin's Festival" (2020) de Woody Allen et "Le Mariage de Rosa" (2021) de Iciar Bollain. Et enfin, la Reine Mère est incarnée par Josiane Balasko vue tout récemment dans "Un Tour chez ma Fille" (2021) de Eric Lavaine et "Tralala" (2021) des frères Larrieu... Voilà une petite fantaisie comme un bonbon de cinéma qui se situe en quelque sorte entre Bruno Podalydès ("Les 2 Alfred" en 2021) et Emmanuel Mouret ("Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait" en 2020).
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Résultat une fable des temps modernes à la fois absurde et pourtant bien ancrée dans l'actualité, dire des chose sans jamais se prendre au sérieux avec un ton kitsh et suranné qui donne un charme supplémentaire à ce vaudeville. La vraie bonne idée du réalisateur-scénariste est d'accentuer les contrastes sociaux tout en insistant sur l'ironie à la fois drôle et insouciante. Sans méchanceté aucune, sans cynisme, le cinéaste ose et flingue des gilets jaunes, la rolls royce nargue les quartiers pauvres, replace les employés à leur place de sous-fifres, assume la théorie du "ruissellement" pour et par les riches... etc... tout en démontrant que la pauvre peut s'imposer et être un danger pour les riches, et ce même si on est la "Reine-Mère" ! Tous ces petits détails finissent par former un canevas sociétal judicieux et malin merveilleusement mis en scène par Antonin Peretjatko, d'abord par le système connu de commencer en avance pour raconter l'histoire via un flash-back, en usant d'une voix-Off volontairement décalée entre le vocabulaire et le phrasé singulier avec la dimension aristo et bourgeoise de l'environnement. Par exemple on ne peut rester de marbre quand la voix Off annonce : "Madame Château-Têtard savait qu'elle n'était pas allée chez sa filleule, et elle allait lui faire avaler ses mensonges, à cette sale petite pute." Par contre on aurait aimé un époux, Paul/Katerine, plus présent ou du moins plus exploité. Pour le reste c'est parfait et idéal, Balasko est à son aise et jubile, mais c'est évidemment et surtout Anaïs Demoustier qui porte le film de son charme, pétillante, humble et drôle. Le cinéaste signe et offre une comédie gourmande et savoureuse pleine de trouvailles et d'idées qui composent un divertissement plus profond qu'il n'y paraît. Un très bon moment.
Note :