Les Leçons Persanes (2022) de Vadim Perelman

par Selenie  -  21 Janvier 2022, 14:04  -  #Critiques de films

L'idée du film est d'abord une idée du cinéaste russe Timur Bekmambetov, réalisateur plus ou moins heureux des films "Night Watch" (2004), "Wanted : Cherche ton Destin" (2008) ou "Ben-Hur" (2016), mais aussi producteur qui a donc eu l'idée d'adapter la nouvelle "Erfindung Einer Sprache" devenue une oeuvre de théâtre radiophonique (2021) de Wolfgang Kohlhasse, auteur connu ayant signé les scénarios de film comme "L'Etoile du Silence" (1960) de Kurt Maetzig, "Le Séjour" (1983) de Frank Beyer ou encore "Les Trois Vies de Rita Vogt" (2000) de Volker Schlöndorff. Le producteur a proposé la réalisation à l'ukrainien Vadim Perelman à qui on doit "House of Sand and Fog" (2003), "La Vie devant les Yeux" (2008) et le plus méconnu "Les Sapins de Noël 5" (2016). Il co-signe le scénario avec la russe Ilja Zofin qui a surtout travaillé à la télévision, puis en co-signant le scénario du film collectif "Yolki 1914" (2014) réalisé justement par Timur Bekmambetov et entre autre Aleksandr Kott réalisateur du chef d'oeuvre "Le Souffle"... 1942, dans la France occupée Gilles est arrêté comme un juif pour être déporté dans un camp de concentration. Mais dans un camp de transit, alors qu'il doit être fusillé il échappe à la mort en affirmant qu'il n'est pas juif mais persan. Malgré un certain doute, un officier le prend au mot, et comme il a un projet professionnel d'après-guerre il demande à Gilles de lui apprendre sa langue, le farsi. Pris à son propre jeu Gilles invente ainsi une langue chaque nuit, enseigne le jour, et tente de se souvenir de chaque mot qu'il invente et tente d'éviter toute erreur qui le condamnerait et ce, malgré les soupçons des autres officiers du camp...

Gilles le persan est incarné par l'acteur argentin Nahuel Perez Biscayart surtout remarqué en France avec les films "Au Fond du Bois" (2010) de Benoît Jacquot, "120 Battements par Minute" (2017) de Robin Campillo ou encore "Au Revoir Là-Haut" (2018) de et avec Albert Dupontel. L'officier "élève" est interprété par l'acteur allemand Lars Eidinger également vu au cinéma en France dans "Sils Maria" (2014) et "Personnal Shopper" (2016) tous deux de Olivier Assayas mais aussi dans "L'Inciseur" (2018) de Christian Alvart ou "Proxima" (2019) de Alice Winocour. Citons ensuite les autres acteurs allemands avec Alexander Beyer vu dans "Les Trois Vies de Rita Vogt", "Good Bye, Lenin !" (2003) de Wolfgang Becker et "Le Cinquième Pouvoir" (2013) de Bill Condon, Jonas Nay surtout vu à la télévision germanique dont la série TV "Deutschland" (2015-...), Leonie Benesch révélation du magnifique "Le Ruban Noir" (2009) de Michael Haneke et vue depuis dans "Fondu en Noir" (2010) de Sophie Heldman et "Brecht" (2019) de Heinrich Breloer, puis citons la frenchy Lola Bessis vue notamment dans "Monsieur et Madame Adelman" (2017) de Nicolas Bedos et "Une Sirène à Paris" (2019) de Mathias Malzieu... Outre que le titre nous fasse forcément penser aux célèbres "Les Lettres Persanes" (1721) de Montesquieu, à la base pour sa nouvelle Wolfgang Koohlhasse s'est inspirée de plusieurs histoires vraies où des individus se sont sauvés dans de situations extraordinaires comme le précise Vadim Perelman : "Ces histoires ne sont liées que par une seule chose : elles sont insensées, précisément parce qu'il a fallu à leurs protagonistes du courage, de la chance, de la rapidité d'esprit et de l'aide pour échapper à l'implacable poursuite des fascistes allemands..." Malgré tout pour compenser une histoire qui pourrait être invraisemblable le réalisateur s'est énormément documenté jusqu'à être le plus précis possible pour la reconstitution du camps. Dans le genre de destin improbable dans un contexte historique tragique on pense évidemment au sublime et déchirant "La Vie est Belle" (1998) de et avec Roberto Begnini. Mais ici pas de fable ou de fantaisie, on est dans le drame le plus tragique même si parfois on se dit que cette histoire est tirée par les cheveux. Et pourtant, l'Histoire regorge d'anecdotes inouïes et pourtant véridiques alors pourquoi pas un opportuniste au courage insoupçonné, au culot inédit qui invente une langue comme un instinct de survie. Finalement ce n'est pas ce faux persan qui gêne, mais le fait qu'un officier allemand souhaite apprendre cette langue, rare surtout à l'époque en Allemagne, avec une explication un peu fumeuse comme le souligne par ailleurs son supérieur.

Néanmoins le récit s'installe, le farsi selon Reza/Biscayart se met en place, se façonne finalement de façon plutôt logique, assez facilement et on repense à quand on était enfant et qu'on en faisait un jeu... Ce qui rend cette histoire crédible repose aussi sur les rebondissements, les coups de pouce du destin et les erreurs qui sont forcément inévitables. On se demande si les histoires de coeur/cul des soldats allemands étaient vraiment nécessaires, mais cela apporte aussi une dimension humaine à ces soldats de la Solution Finale, une volonté du cinéaste : "Il y a des films qui montrent les Nazis comme des robots, des automates qui hurlent, qui sont pressés, horribles et diabolisés - des personnages très unidimensionnels. Je pense que nous ne pouvons pas oublier que les Nazis étaient également des personnes. Ils étaient aimés, ils étaient jaloux, ils avaient peur,  ils avaient toutes les qualités humaines. Et c'est cela, d'une certaine manière, qui rend leurs actes encore plus terrifiants." L'officier qui apprend le farsi émeut surtout quand il touche du doigt son rêve, un rêve d'autant plus touchant qu'il est finalement assez simple, tandis que son humanité envers son "prof" est surtout dû à un égoïsme et un opportunisme qui lui est nécessaire. Le mise en scène manque un peu de souffle, les montées sous tension sont un peu timorées et quelques passages restent sous-exploités ou peu approfondis comme les deux frères italiens, le sacrifice un peu bête, la rencontre d'un soldat français ou le soldat qui n'émet aucune réaction au départ de sa fiancée. Il manque un peu de rythme et des détails traités avec plus de sérieux pour convaincre pleinement mais Vadim Perelman signe un drame historique intéressant, avec une belle idée et des acteurs investis. Ca reste un bon moment. 

 

Note :        

13/20
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