Mort de la star Monica Vitti

par Selenie  -  2 Février 2022, 23:54  -  #Décès de star - Bio

2022 débute avec une hécatombe qui n'en finit décidément pas, on apprend donc aujourd'hui la mort de l'icône italienne Monica Vitti ce 02 février 2022 à l'âge de 90 ans.

Née en 1931 à Rome, Maria Luisa Ceciarelli, elle aurait été surnommée par sa famille "Sept Jupes", qui donnera le titre à sa première autobiographie (1993) qui sera suivi de "le Lit est une Rose" (1995). Elle découvre le théâtre durant la Seconde Guerre Mondiale et commence d'abord par amuser ses frères avec des spectacles de marionnettes. Sa première expérience "amatrice" est d'incarner une mère de 45 ans qui a perdu ses enfants à la guerre alors qu'elle n'a alors que 14 ans. Après la guerre elle s'inscrit à l'Académie des Arts Dramatiques de Rome dont elle sort diplômée en 1953. Elle joue ensuite quelques mois au théâtre dans une troupe qui lui permet notamment de jouer en tournée en Allemagne. 

De retour en Italie, elle obtient un petit rôle non crédité dans son premier film de cinéma, "Ridere ! Ridere ! Ridere !" (1954) de Edoardo Anton pour lequel elle obtient le prix de la meilleure actrice débutante, suivi d'un second rôle, son premier crédité, dans "Adriana Lecouvreur" (1955) de Guido Salvini.

 

Entre deux téléfilms ou séries TV elle se fait remarquée une première fois dans le long métrage "Une Pellicula di Visone" (1956) de Glauco Pellegrini et surtout dans "Le Dritte" (1958) de Mario Amendola. Mais entre temps elle fait la rencontre qui va changer son destin. Alors qu'elle double une voix dans le film "Le Cri" (1957) de Michelangelo Antonioni elle rencontre ce réalisateur qui est déjà un des plus grands de sa génération. C'est un tournant pour les deux, professionnellement puis amoureusement

Le réalisateur offre à sa compagne un des rôles principaux de son nouveau film, "L'Avventura" (1960 - ci-dessous) aux côtés de Léa Massari star débutante également. Malgré une partie du public qui ne comprend pas le style audacieux du cinéaste le film est le premier vrai succès commercial de Antonioni et permet une reconnaissance internationale de son actrice avec en prime pour Antonioni le Prix du Jury au festival de Cannes 1960.

Pensé comme une trilogie dite de "la maladie des sentiments", le réalisateur offre un nouveau rôle pour "La Nuit" (1961 - ci-dessous) aux côtés de Marcello Mastroianni et Jeanne Moreau. Nouveau succès multi-primé avec entre autre un Ours d'Or du meilleur film, le Ruban d'Argent pour le réalisateur, la musique et un premier prix d'importance pour Monica Vitti obtenant également un Ruban d'Argent de la meilleure actrice dans un second rôle.

Le couple se retrouve donc logiquement pour le troisième film de la trilogie, "L'Eclipse" (1962 - ci-dessous) où l'actrice joue avec Alain Delon. Nouveau succès critique et public, un second Prix du Jury à Cannes pour Antonioni. Le couple est alors au sommet, la muse a porté chance à son pygmalion, ou l'inverse !

Désormais, Monica Vitti est une vedette demandée, elle tourne notamment en France, d'abord dans le film à sketchs collectif "Les Quatre Vérités" (1962) dans le segment "Les Deux Pigeons" signé René Clair, "Château en Suède" (1963 - ci-dessous) de Roger Vadim adapté de Françoise Sagan, puis "Dragées au Poivre" (1963) de Jacques Barratier où elle apparaît dans un caméo au sein d'une pléthore de stars.

Elle revient en Italie pour un nouveau film collectif à sketchs, "Haute Fidélité" (1964) dans le segment "La Sospirosa" signé Luciano Salce, juste avant de retrouver son compagnon et pygmalion pour "Le Désert Rouge" (1964) avec Richard Harris, un film qui en surprend encore par son partie pris stylistique mais récompensé du Lion d'Or à la Mostra de Venise 1964. Le couple est alors à son apogée. Etonnament pourtant, le réalisateur ne fera pas appelle à elle sur ses prochains films, préférant entre autre Vanessa Redgrave pour "Blow Up" (1966). Ils se quittent en 1967, l'actrice déclarera que c'est Antonioni (ci-dessous) qui aura mis fin à leur relation.

Cette même année, Monica Vitti joue aussi dans un  "La Soucoupe Volante" (1964) de Tinto Brass, suivi d'un autre film à sketchs, "Les Poupées" (1964) de Franco Rossi. Elle retrouve ensuite un autre réalisateur pour un énième film à sketchs pour "Les Ogresses" (1966) de Luciano Salce, puis quitte l'Italie pour un film d'espionnage britannique pour "Modesty Blaise" (1966 - ci-dessous) de Joseph Losey où elle a pour partenaire Terence Stamp et Dirk Bogarde.

Citons ensuite les comédies "Tue-Moi Vite, j'ai Froid" (1967) de Francesco Maselli, "Ti Ho Sposato per Allegria" (1967) de Luciano Salce et une autre teintée d'érotisme avec le très parlant "La Ceinture de Chasteté" (1967 - ci-dessous) de Pasquale Festa Campanile avec Tony Curtis.

Mais après quelques films plus ou moins fameux, elle se fait de nouveau remarquée avec la comédie "La Fille au Pistolet" (1968 - ci-dessous) de Mario Monicelli avec Stanley Baker où son rôle de jeune femme déshonorée qui part en Ecosse pour tuer son amant fuyard lui vaut plusieurs prix dont le Ruban d'Argent et le David Di Donatello de la meilleure actrice. Elle tourne aussitôt après une comédie française sur le même sujet ou presque, "La Femme écarlate" (1969) de jean Valère où cette fois elle part à Paris pour réfléchir : soit tuer son amant soit se suicider !

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Si les années 70 sont moins fastueuses, la star tourne encore beaucoup avec un tournant vers la comédie plus probante encore. Elle joue notamment dans "Drame de la Jalousie" (1970) de Ettore Scola où elle retrouve Marcello Mastroianni, "Nini Tirebouchon" (1970 - ci-dessous) de Marcello Fondato où elle joue une femme qui fait scandale pour une danse  trop suggestive mais avec en bonus un nouveau David di Donatello de la meilleure actrice.

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Citons encore "Moi, la Femme" (1971) de Dino Risi où elle interprète pas moins de 11 rôles dans autant de sketchs, puis obtient un nouveau David di Donatello de la meilleure actrice pour "Poussière d'Etoiles" (1973 - ci-dessous) de et avec Alberto Sordi, drame sur fond de théâtre durant la Seconde Guerre Mondiale. 

Elle tourne ensuite dans "Le Fantôme de la Liberté" (1974 - ci-dessous) de Luis Bunuel avec Jean-Claude Brialy, Jean Rochefort et Michel Piccoli. Elle est accusée du meurtre de son époux dans "Histoire d'Aimer" (1975) de Marcello Fondato alors que Claudia Cardinale est une membre du jury qui croit en son innocence, puis joue la même année dans "Le Canard à l'Orange" (1975) de Luciano Salce où son époux de Ugo Tognazzi tente de la rendre jalouse malgré son amant beau, jeune et riche. Ce rôle lui vaut encore des prix avec le David di Donatello et le Ruban d'Argent.

LE FANTÔME DE LA LIBERTÉ » (1974) | BLOG DU WEST 2

Dans les seventies citons encore et surtout "Mimi Bluette" (1977) de Carlo Di Palma avec la star hollywoodienne Shelley Winters, le film d'espionnage "La Raison d'Etat" (1978 - ci-dessous) de André Cayatte avec Jean Yanne et Michel Bouquet, un autre film à sketchs avec "Les Monstresses" (1979) de Luigi Zampa puis "Amori Miei" (1979) de Steno qui lui vaut son ultime David di Donatello de la meilleure actrice, soit être une femme qui se partage à "part égale" entre deux hommes.

Les années 80 débute avec une surprise, puisque l'actrice retrouve son pygmalion Michelangelo Antonioni pour un projet dont elle est à l'origine. C'est en effet elle qui propose cette nouvelle adaptation de "L'Aigle à Deux Têtes" (1948) de Jean Cocteau au réalisateur qui accepte cette commande, "Le Mystère d'Oberwald" (1980 - ci-dessous), afin "d'échapper à la difficulté de l'engagement moral et esthétique, du désir obsessionnel de s'exprimer. C'était comme retrouver une enfance oubliée." dira le cinéaste, précisant surtout que "Le mystère consiste peut-être à savoir pourquoi j'ai fait ce film." ... Ce sera leur dernier film ensemble.

L'actrice tourne beaucoup moins, mais toujours en ayant un rôle principal, et souvent en retrouvant des réalisateurs avec qui elle a déjà tourné auparavant même si les succès se font plus rares. Ainsi elle joue entre autre dans "Le Tango de la Jalousie" (1981) de Steno, "Chambre d'Hôtel" (1981) de Mario Monicelli avec Vittorio Gassman, "Je sais que tu sais" (1982 - ci-dessous) de et avec Alberto Sordi ou encore "Scusa se è Poco" (1982) de Marco Vicario sur lequel elle retrouve son partenaire Ugo Tognazzi.

Elle tourne ensuite dans "Flirt" (1983 - ci-dessous) de Roberto Russo, ancien Chef-Opérateur notamment sur "Le Canard à l'Orange" et qui est le conjoint de la star depuis une petite dizaine d'années alors, et pour lequel l'actrice fait également office pour la première fois de co-scénariste. Monica Vitti y joue l'épouse perturbée par son époux Jean-Luc Bideau qui rêve à haute voix un ménage à trois. Le film obtient un Ours d'Argent au Festival de Berlin pour "une contribution spéciale".

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L'expérience étant heureuse le couple signe ensuite "Francesca è Mia" (1986) sur une passion amoureuse dévastatrice. Puis le couple revient en inversant un peu les postes, Roberto Russo co-signe le scénario du premier film en tant que réalisatrice de Monica Vitti, qui sera aussi le dernier film de sa carrière avec "Scandale Secret" (1990 - ci-dessous sur le tournage) avec Elliott Gould et Catherine Spaak, film qui est à la fois son dernier rôle au cinéma, son premier et unique film en tant que réalisatrice mais qui lui vaut un nouveau David di Donatello mais cette fois du meilleur réalisateur débutant !

Mais l'actrice revient pourtant pour un ultime rôle, mais pas pour le Septième Art mais pour le téléfilm "Ma Tu Mi Vuoi Bene" (1992). 

 

L'actrice a été la compagne de Michelangelo Antonioni (1957-1967), du réalisateur Carlo Di Palma (vers 1973-1974), puis du cinéaste Roberto Russo (depuis 1973-1974, mariés depuis 2000 - ci-dessous). Alors que la dernière apparition publique de l'actrice date de 2002, c'est ce dernier qui annonce en 2011 que l'actrice est atteinte de la maladie d'Alzheimer depuis 1996. En 2018, le cinéaste déclarait qu'ils vivaient toujours ensemble avec l'aide d'une aide-soignante. 

Monica Vitti reste une des plus grandes actrices italiennes de son époque, sa beauté froide presque hitchcockienne aura marqué une superbe trilogie antonionienne avant de devenir plus populaire dans les comédies italiennes. Il lui aura manqué qu'une carrière internationale plus probante.

 

Monica Vitti est morte ce mercredi 02 février 2022 à l'âge de 90 ans à son domicile à Rome.

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