Poissonsexe (2020) de Olivier Babinet

par Selenie  -  25 Mars 2022, 11:48  -  #Critiques de films

Olivier Babinet a déjà prouvé qu'il était d'une originalité sincère, d'abord en débutant avec sa rubrique Le Bidule (1999) sur l'émission Le Grand Journal sur Canal+, puis en signant son premier film avec "Robert Mitchum est Mort" (2010), en passant par le documentaire avec "Swagger" (2016) durant lequel justement il travaillait déjà sur ce projet de comédie romantique singulière. En effet, le cinéaste avoue que souvent ses films favoris restent des comédies sentimentales, mais pas "ordinaires" mais celles qui sont un peu décalées. Ainsi le réalisateur-scénariste précise ses références de l'époque avec "Ghost World" (2002) de Terry Zwigoff, "Punch Drunk Love" (2003) de Paul Thomas Anderson ou "Moi, Toi et Tous les Autres" (2005) de Miranda July. Le cinéaste précise : "Un beau matin de printemps, j'ai donc décidé de faire confiance à mon désir secret : écrire une histoire d'amour." Olivier Babinet co-signe le scénario avec David Elkaïm, collaborateur d'un certain Michel Muller sur différents projets dont leurs films "La Vie de Michel Muller est plus Belle que la Votre" (2005) et "Hénaut Président" (2012), il a ensuite collaboré avec Vincent Poymiro sur les séries TV "Ainsi Soient-ils" (2012-2014) et "En Thérapie" (2021)... Alors que Miranda, la dernière baleine du monde fait la une des journaux après avoir quitté son itinéraire de vie, Daniel physicien, tente de faire copuler des poissons dans son laboratoire dirigée par une femme un peu rigide. Mais Daniel est aussi célibataire et il est hanté par le désir de trouver la femme qui lui donnera une enfant. Le soucis, c'est que là où il vit il a une chance sur 6232,33 de rencontrer celle qui pourrait le devenir, soit seulement 3 femmes. Alors qu'il cherche son âme soeur il découvre un poisson étrange qui lui redonne espoir car tout est possible... 

Ce scientifique est incarné par Gustave Kervern vu dernièrement dans "Les Parfums" (2020) de Grégory Magne et "Cette Musique ne  joue pour Personne" (2021) de Samuel Benchetrit, et retrouve après "L'Astragale" (2015) de Brigitte Sy sa partenaire India Hair remarquée dans "Rester Verticale" (2016) de Alain Guiraudie, "Crash Test Aglaé" (2017) de Eric Gravel et vue depuis dans "Mandibules" (2021) de Quentin Dupieux" et "Une Jeune Fille qui va Bien" (2022) de Sandrine Kiberlain. Les deux acteurs retrouvent aussi après "L'Astragale" leur partenaire Jean-Benoît Ugeux qui retrouve aussi Kervern après "I Feel Good" (2018) de Kerven et son acolyte Benoît Delépine. Citons ensuite la directrice incarnée par l'actrice norvégienne Ellen Dorrit Petersen vue notamment dans "Les Révoltés de l'Île du Diable" (2010) de Marius Holst, "Blind" (2014) de Eskil Vogt et "Thelma" (2017) de Joachim Tier, Sofian Khammes révélé dans "Le Convoi" (2015) de Frédéric Schoendoerffer et "Chouf" (2015) de Karim Dridi, vu récemment dans "La Nuée" (2021) de Just Philippot et qui retrouve après "Le Monde est à Toi" (2018) de Romain Gravas son partenaire Alexis Manenti révélation du film "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly... Cinéma d'auteur qui se sent à chaque instant, chaque minute, où malheureusement le réalisateur se complaît dans sa façon très lucide d'offrir un Art et Essai trop prétentieux pour convaincre de sa sincérité de fond. La baleine n'est qu'un prétexte opportuniste qui ne sert à pas grand chose dans le récit, à l'instar d'ailleurs de ce poisson à pattes particulièrement laid par ailleurs (qui existe réellement, c'est un axolotl) qui impose un côté fantastique pas franchement probant ni dans un 1er degré ni dans un autre.

Le cinéaste tente d'imposer un certain onirisme qui ne fonctionne pas bien, d'abord parce que le contexte très scientifique ne s'y prête pas franchement, et la dimension fantastique frôle trop l'absurde car pas assumé franchement. Mais ce sont surtout les passages qui ne servent strictement à rien qui laissent perplexe outre la baleine où la voix du poisson via le téléphone sans téléphone (quitte à jouer le fantastique simple télépathie expliquerait ceci) on peut citer aussi la roue de secours qui fait des kms ou le fait que Gustave demande de l'aide pour attraper un poisson ridiculement petit. On peut aussi tiquer, carrément ne pas y croire du tout, à cette histoire d'amour entre Gustave soixantenaire et une jeune femme qui pourrait presque être sa petite fille (35 ans d'écart ?!). Niveau jeu, heureusement que Gustave Kervern a un capital empathie en béton armé car pour être honnête il joue le même personnage dans presque tous ses films, heureusement il y a les femmes, Ellen Dorrit Petersen est impeccable en femme froide et directive, mais c'est surtout India Hair qui sort son épingle du jeu, à la fois libre et perplexe (comme nous !) devant ce Gustave coincé et si terre à terre. L'actrice sera nommé d'ailleurs au César 2021 du meilleur espoir féminin, bien que d'espoir elle ne l'est plus depuis quelques années mais c'est un autre sujet. Olivier Babinet signe un film singulier assurément mais qui s'éparpille sans doute trop, à la mise en scène soporifique et surtout, on ne croit pas à grand chose ce qui est tout de même problématique. Dommage.

 

Note :        

09/20
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