Les Cinq Diables (2022) de Léa Mysius

par Selenie  -  7 Septembre 2022, 15:01  -  #Critiques de films

Second long métrage de Léa Mysius après son très réussi et remarqué "Ava" (2017), sans compter son travail de scénariste pour les autres dont "Les Fantômes d'Ismaël" (2017) et "Roubaix, une Lumière" (2019) tous deux de Arnaud Desplechin. Pour son nouveau projet, la réalisatrice-scénariste inspirée de son propre vécue, quand petit elle était obsédée par les odeurs au point d'avoir suivi des formations sur l'extraction et la composition des parfums. Mais la cinéaste n'a pas voulu aller vers la parfumerie à proprement parlé : "J'ai tout de suite cherché quelque chose de plus primitif, de plus purement sensoriel sans rapport avec l'industrie." Léa Mysius co-signe le scénario avec Paul Guilhaume qui retrouve Léa Mysius après "Ava" (2017), et après "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard dont Léa Mysius était co-scénariste et lui-même Directeur Photo. Sur ce nouveau film, il assume d'ailleurs les deux postes, et précisons que le poste de Directrice artistique est tenue par Esther Mysius, la soeur jumelle de la réalisatrice. Pour son histoire la réalisatrice-scénariste a lu plusieurs auteurs dont Jim Harrison, James Baldwin, Jonathan Franzen ou Maya Angelou, et elle précise ensuite : "Je ne voulais pas que ce soit un film trop cérébral. Choisir le genre fantastique me permet de parler des méandres des obsessions humaines de manière ludique, spectaculaire et angoissante à la fois. C'est comme ça que des références comme Twin Peaks de Lynch, Shining de Kubrick ou Get Out et Us de Jordan Peele se sont superposées aux références littéraires et psychanalytiques. Le film est au croisement de toutes ces réflexions et de ces envies que j'ai fait miennes, ce qui lui donne cette forme un peu hybride..."

Vicky est une petite solitaire qui a un don singulier, celui de sentir et reproduire n'importe quelle odeur qu'elle collectionne dans des bocaux soigneusement étiquetés. Vicky a extrait en secret l'odeur de sa mère dont elle est très proche mais un jour, la soeur de son père, Julia arrive à la maison et Vicky décide d'extraire également son odeur ce qui va la mener dans les souvenirs enfouis et les secrets de la famille... La fillette est interprétée par la jeune Sally Dramé pour sa première apparition à l'écran, la papa est joué par Moustapha Mbengue aperçu dans "Les Caprices d'un Fleuve" (1996) de et avec Bernard Giraudeau et surtout remarqué dans "Amin" (2018) de Philippe Faucon, la maman est incarnée par Adèle Exarchopoulos vue récemment dans "Mandibules" (2020) de Quentin Dupieux, "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez et "Rien à Foutre" (2021) de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre. La soeur du père est interprétée par Swala Emati vue dans "La Nuit d'Ismaël" (2018) de Ozal Emier. Citons ensuite Daphné Patakia vue dans "L'Eveil du Printemps" (2015) de Constantinos Giannaris, "Djam" (2017) de Tony Gatlif et "Benedetta" (2021) de Paul Verhoeven, Patrick Bouchitey acteur fétiche de Etienne Chatiliez qui se fait rare n'ayant tourné que trois films ces dix dernières années avec "Victor Young Perez" (2013) de Jacques Ouaniche, "Les Têtes de l'Emploi" (2016) de Alexandre Charlot et Franck Magnier puis "Vous êtes Jeunes, vous êtes Beaux" (2019) de Franchin Don, et enfin n'oublions pas Noée Abita révélation de "Ava" (2017) et vue depuis dans "Le Grand Bain" (2018) de Gilles Lellouche, "Slalom" (2021) de Charlène Favier et "Les Passagers de la Nuit" (2022) de Mikhaël Hers... On suit donc une fillette qui aurait un don pour les parfums et les senteurs, tandis que ses parents ne semblent pas franchement heureux dans un quotidien routinier et sans amour conjugal. Mais ce qui frappe surtout et qui déçoit d'emblée c'est le manque de crédibilité autour, justement, du don de la fillette.

En effet, alors que la fillette se passionne depuis un moment la maman tombe presque des nues quand elle comprend la singularité de sa fille, tandis que les reconstitutions des parfums par la fillette sont aussi primitives que simplistes pour convaincre de son don inné. Ensuite arrive donc la soeur, qui réveille un passé lourd et énigmatique et là encore deux choses plombent le récit, d'abord un flacon mystérieux au pouvoir étonnant dont on ne saura jamais rien jusqu'à s'étonner que cette soeur ne s'interroge jamais sur la disparition de son flacon, et enfin, si le don de la fillette est vendu comme l'intérêt premier du film il n'en est rien, il est juste un système pour ajouter une pincée de fantastique dans un drame social et familial assez classique. Il est donc dommage que la dimension mystique soit un simple concept qui n'est jamais étoffé voir même sous-exploité qui laisse des trous béants dans le scénario. Dommage... Car sinon les révélations qui éclairent le passé sont amenées avec parcimonie et les tenants et aboutissants se dessinent au fur et à mesure dans un climax pesant digne d'un thriller alors qu'on est dans un "simple" drame. L'idée du film est pourtant très bonne, avec en prime une Adèle une fois de plus épatante, mais la dimension sensorielle et mystique est bâclée ce qui empêche tout envolée onirique avec des questions sans réponses qui frustrent un tantinet. Note indulgente et généreuse !

 

Note :      

 

12/20
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