Roqya (2024) de Saïd Belktibia

par Selenie  -  18 Octobre 2024, 14:24  -  #Critiques de films

Premier long métrage de Saïd Belktibia qui avait jusque là signé un court métrage avec "Ghettotube" (2015), a pu réaliser un épisode de la série TV "6 x confin.é.e.s." (2021) et a fait aussi l'acteur dans "Athena "(2022) de Romain Gavras. Le cinéaste cherchait un idée originale et s'est alors souvenu d'un événement de son enfance, croyant être possédé par un djinn, sa mère faisait fondre de l'étain dans une bassine d'eau en marmonnant des incantations : "Je ne le comprenais pas à l'époque mais elle pratiquait de la sorcellerie pour tenter d'éloigner le mal de moi... Je souhaitais également continuer à explorer le thème de la violence engendrée par internet et les réseaux sociaux initié dans mion court métrage Ghettotube (2015). Avec mon co-scéanriste Louis Penicaut, nous sommes très vite partis sur l'idée d'une chasse aux sorcières modernisées." Ainsi le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec Louis Pénicaut qu'il retrouve donc après une première collaboration sur la série TV "6 x confin.é.e.s." (2021), après laquelle il a été dialoguiste de la série TV "Lupin" (2023) et co-scénariste sur le film "La Plus Belle pour aller Danser" (2023) de Victoria Bedos. Le titre "Roqya" renvoie à Ruqiya Charia, cliquez ICI pour en savoir plus !... 

Nour vit de contrebande d'animaux exotiques pour fournir des guérisseurs musulmans. Mais quand une consultation dérape elle devient la bouc-émissaire idéale et elle est accusée de sorcellerie. Elle devient pourchassée par les habitants du quartier et finit par être séparée de son fils. Malgré la traque qu'elle subit elle va devoir retrouver son fils... Nour est incarnée par l'excellente Golshifteh Farahani, star iranienne de "Syngué Sabour, Pierre de Patience" (2012) de Atiq Rahimi ou "My Sweet Pepper Land" (2014) de Hiner Saleem, star français avec "Les Filles du Soleil" (2018) de Eva Husson ou "Un Divan à Tunis" (2019) de Manele Labidi mais aussi star internationale avec "Paterson" (2016) de Jim Jarmush ou le dyptique "Tyler Rake" (2020-2023) de Sam Hargrave. Elle est entourée en plein contre-emploi de l'humoriste Jeremy Ferrari aperçu déjà dans le navet "Brutus vs César" (2020) de et Kheiron et qui retrouve le duo Belktibia-Pénicaut après "6 x confin.é.e.s." (2021), Denis Lavant vu récemment dans "Tralala" (2021) des frères Larrieu ou "Sentinelle Sud" (2022) de Mathieu Gerault et retrouve après "La Nuit des Rois" (2020) de Philippe Côte son partenaire Issaka Sawadogo vu entre autre dans "Walter" (2019) de Varante Soudjian, "Twist à Bamako" (2021) de Robert Guédiguian, "Le Roi des Ombres" (2023) de Marc Fouchard ou "Moi, Capitaine" (2023) de Matteo Garrone, Isma Kébé vu dans "Noël Joyeux" (2023) de Clément Michel et "Numéro 10" (2024) de David Diane, puis l'inconnu Amine Zariouhi dans son premier rôle... Le réalisateur a déclaré ne pas vouloir être dans un film naturaliste mais de rester dans un divertissement mêlant profondeur et réalisme et, dans ce genre, précise comme référence le nom du coréen Kim Jee-Woon réalisateur notamment de "A Bittersweet Life" (2005), "J'ai Rencontré le Diable" (2010) ou "Ca tourne à Séoul" (2023)... Le film débute très mal, d'abord et avant tout parce que le personnage principal Nour, bien qu'incarné par la belle et talentueuse Golshifteh Farahani, s'avère particulièrement antipathique et ce n'est pas les précisions du réalisateur qui arrangent les choses : "Elle se bat contre coutumes, religions, modernité du monde dans lequel elle évolue - un monde notamment ultra-capitaliste et masculin. Le business de l'ésotérisme est l'un des marchés parallèles les plus lucratifs ; o peut gagner beaucoup d'argent.(...) Elle s'interroge sur ses croyances, sa foi, mais elle est rattrapée, comme c'est souvent le cas, par son environnement. Est-ce qu'elle y croit ? Est-elle possédée ? Est-ce une sorcière ? Je veux laisser la porte ouverte pour que les spectateurs puissent se faire leur propre idée..."

Le cinéaste n'a donc pas franchement réussit son projet ; Nour/Farahadi ne sa bat pas contre coutumes et/ou religions, elle est au contraire très claire sur le sujet, elle l'explique même à son fils ce n'est que du business et donc le capitalisme lui va très bien, quand bien même il serait masculin, le seul mâle qui lui gâche la vie reste celui qu'elle a choisi comme père de son fils. Par là même on ne voit pas bien les interrogations qui supposerait un semblant de suspense, non elle n'est pas une sorcière, elle est même très terre à terre, il n'y a finalement aucune porte ouverte, le récit est limpide et ne repose donc que sur le survival, un survival dans une cité où une femme est prise comme la sorcière à envoyer au bûcher. Un(e) contre cent dans le huis clos d'une cité, on peut penser dans le (sous-)genre à des films comme "'71" (2014) de Yann Demange ou "Shorta" (2021) de Anders Olholm et Frederik Louis Hviidjghy, toute proportion gardée, et avec la différence notable qu'ici il s'agit d'une hors-la-loi qui reçoit finalement une sorte de punition divine. Rappelons qu'elle trafique des animaux rares et donc protégés, comme elle est responsable elle commet ses délits (crimes ?!) avec son enfant, arnaque ses semblables en avouant toute son immoralité à son enfant mais elle s'étonne après des conséquences. Mais heureusement le film surnage (dans le dur !) grâce à une très bonne instauration d'un climax anxiogène qui s'étoffe soudain, une montée en puissance violente dès l'"indicent" qui prend au tripe et ça frappe fort. La traque qui s'ensuit est efficace, viscéral et constamment sous tension avec une réelle question de danger. C'est le point fort du film. C'est d'autant plus dommage que le personnage principal soit si mal écrit, on est triste pour Golshifteh Farahani qui offre une sacré performance, aux côtés d'ailleurs d'un Jérémy Ferrari assez épatant en complet contre-emploi. 

 

Note :                 

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