Le Tambour (1979) de Volker Schlöndorff
Un des plus grands réalisateurs allemand avec depuis "Les Désarrois de l'Elève Törless" (1966) jusqu'à aujourd'hui avec des films comme "Le Roi des Aulnes" (1996), "Les Trois Vies de Rita Vogt" (2000) ou "Diplomatie" (2014), Volker Schlöndorff adapte le roman éponyme (1959) de Gunter Grass, auteur polémique en Allemagne car il était alors le premier à dénoncer la "mauvaise conscience" allemande qu'il qualifiait comme étant son "devoir de mémoire à retardement". L'auteur avait reçu plusieurs demande d'adaptation mais il a fallu attendre deux décennies avant qu'il trouve en Sclöndorff le cinéaste idéal. Le réalisateur-scénariste co-écrit le scénario avec Franz Seitz confrère compatriote réalisateur de "Une Fille de paris" (1954), scénariste de "Bataille de Polochons" (1962) de Rolf Thiele ou "Grec cherche Grecque" (1966) de Friedrich Dürrenmatt qui retrouve Schlöndorff après "Les Désarrois de l'Elève Törless" (1966) dont il est le producteur, puis avec le français Jean-Claude Carrière devenu un des plus grands scénaristes après ses scénarios pour Luis Bunuel et Jacques Deray, et qui retrouvera Schlöndorff pour "Un Amour de Swann" (1984), "Le Roi des Aulnes" (1996) et "Ulzhan" (2007). Plusieurs ébauches ont été envisagé vu la insgularité du roman, reprendre en gros la construction du livre avec deux parties distinctes (le Seconde Guerre mondiale, pet l'après-guerre jusqu'en 1953), puis un récit entièrement en flash-back avant de choisir une fresque sur plusieurs décennies et un narrateur qui s'avère être Oskar lui-même. Le réalisateur avoue s'être inspiré du film "The Kid" (1922) de et avec Charles Chaplin pour "... cette révolte de l'enfant contre le monde des grandes personnes." A sa sortie en salles, le film fut interdit au Canada et aux Etats-Unis pour "cause de sexualité explicite de mineurs". A l'époque le film durait 2h15 sur une exigence des distributeurs, mais 30 ans après le réalisateur a pu réaliser son montage final en Director's Cut avec 20 mn supplémentaires - version privilégiée évidemment. Le film a malgré tout été un succès et a remporté de nombreux prix dont la Plame d'Or à Cannes et, ironie du sort, l'Oscar du meilleur film étranger... Le film débute à la fin du 19ème siècle dans la région frontalière de Dantzig, puis deux générations après naît Oskar. Refusant le monde des adultes, Oskar prend un risque inconscient qui a pour conséquence de plus jamais grandir en restant dans son corps de petit garçon de 3 ans. Il joue continuellement de son petit tambour comme pour décontenancer ces adultes qui ne peuvent s'empêcher de trahir ou d'être cruels, puis constate qu'il a une voix qui brise le verre. De la fin des années 20 à la fin des années 40 on suit le destin incroyable de Oskar, qui grandit dans sa tête mais pas dans son corps...
L'éternel enfant au tambour est incarné par le jeune David Bennent, 13 ans alors, qui tournera encore mais avec parcimonie notamment pour "Canicule" (1984) de Yves Boisset ou "Legend" (1985) de Ridley Scott et retrouvera son réalisateur pour "Ulzhan" (2007). Les membres de sa famille sont joués par Mario Adorf vu dans "Les Mutins du Yorik" (1959) de Georg Tressler, "Fantômes à l'Italienne" (1968) de Renato Castellani ou le dyptique "Milan Calibre 9" (1972) et "L'Empire du Crime" (1972) tous deux de Fernando Di Leo et retrouve aussi son réalisateur dans "L'Honneur perdu de Katharina Blum" (1975) à l'instar de sa partenaire Angela Winkler vu plus tard dans "Benny's Video" (1992) de Michale Haneke ou "Suspiria" (2018) de Luca Guadagnino, Katahrina Thalbach vue dans "Lotte in Weimar" (1975) et "Les Souffrances du Jeune Werther" (1976) tous deux de Egon Günther et plus tard dans "le Choix de Sophie" (1982) de Alan J. Pakula, Daniel Olbrychski acteur fétiche de Andrzej Wajda de "Cendres" (1965) à "Pan Tedeusz : quand Napoléon traversait le Niémen" (1999), puis n'oublions pas Heinz Bennent, père à la ville de David Bennent, vu également dans "L'Honneur perdu de Katharina Blum" (1975) puis dans "Section Spéciale" (1975) de Costa Gravas, "L'Oeuf du Serpent" (1977) de Ingmar Bergman ou "Le Dernier Métro" (1980) de François Truffaut dans lequel il retrouvera l'actrice française Andréa Ferréol vue auparavant dans "La Grande Bouffe" (1973) de Marco Ferreri, "Les Galettes de Pont-Aven" (1975) de Joël Séria ou "Despair" (1978) de Rainer Werner Fassbinder. Citons encore Berta Drews vue dans "Le Jeune Hitlérien Quex" (1933) de Hans Steinhoff ou "Ca s'est passé en plein Jour" (1958) de Ladislas Vajda, Ilse Pagé actrice fétiche de Alfred Vohrer dans "La Main de l'Epouvante" (1967), "Le Moine au Fouet" (1967), "Le Château des Chiens Hurlants" (1968) et "L'Homme à l'Oeil de Verre" (1969), Otto Sander vu dans "Les Estivants" (1975) de Peter Stein ou "La Marquise d'O..." (1976) de Eric Rohmer mais surtout connu pour "Le Bateau" (1981) de Wolfgang Petersen et "Les Ailes du Désir" (1987) de Wim Wenders, Charles Aznavour vu entre autre dans "Tirez sur le Pianiste" (1960) de François Truffaut ou "Un Taxi pour Tobrouk" (1960) de Denys de La Patellière, puis Henning Schlüter vu dans "L'Opéra de Quat'Sous" (1963) de Wolfgang Staudte, "Ludwig ou le Crépuscule des Dieux" (1972) de Luchino Visconti ou "Le Dossier Odessa" (1974) de Ronald Neame... Dès les premières minutes on devine la volonté d'un certain surréalisme dans le récit, puis ensuite une présence de la sexualité qui peut laisser perplexe ou qui peut interroger surtout aujourd'hui près d'un demi-siècle après. Le film débute avec les grands-parents d'Oskar pour montrer, déjà, la traque des minorités puis, a contrario, une liberté qui semble exulter dans la vie sexuelle des personnages. Mais dans la première partie on est surtout fasciné par le petit Oskar, sn tambour, puis son cri briseur de verre, et sa volonté farouche de rester un enfant de trois ans. On est un peu gêné par ce gosse qui doit avoir trois ans mais qui en paraît plutôt 8-9 an joué par un acteur de 13 ans, finalement jamais on ne peut croire à un enfant de trois ans, on s'accroche à l'histoire en se disant que c'est plutôt un enfant de 8-9 ans ou un jeune ado qui fait plus jeune. Ca paraît un détail mais au vu de l'histoire, à savoir un enfant qui reste intelligent et qui a un instinct de survie certain, croire à une cohérence âge-maturité-corps est une nécessité.
Le film peut se lire à deux niveaux, comme un pamphlet contre la bêtise des adultes et comme un film anti-fasciste avec le lien entre les deux symbolisé par Oskar qui traverse les années comme un témoin aussi neutre qu'inoffensif. On peut rester un peut perplexe encire par un personnage qui reste étonnamment sans émotion ou presque mais pas toujours à quelques instants près ce qui fait penser à un spectre de l'autisme ce qui permet une empathie pour ce jeune garçon. Par là même, Oskar veut rester un enfant de trois ans mais paradoxalement veut pourtant avoir une vie sexuelle épanouie. Régulièrement on pense ainsi à d'autres films sur le refus de grandir et/ou sur les soucis de développement comme tous les films sur Peter Pan évidemment, mais aussi "L'Etrange Histoire de Benjamin Button" (2007) de David Fincher. Le film oscille constamment entre le surréalisme voir l'incongruité des situations (comme Raspoutine !) et la tragédie et l'horreur de la guerre de ses causes à ses conséquences mais pas que (comme en témoigne la partie assez ragoutante des anguilles). On sent la volonté aussi de choquer plus ou moins gratuitement (les anguilles dans le plus, le sexe "en famille" dans le moins) ce qui rend sans doute un peu vaporeux tous les messages plus sérieux comme sur l'intolérance, la méchanceté, le fascisme... Un film passionnant, intrigant, merveilleusement joué et filmé mais qui va aussi troubler pour ne pas dire perturber certains spectateurs. Un film à voir assurément.
Note :