La Vie Privée de Sherlock Holmes (1970) de Billy Wilder

par Selenie  -  12 Août 2024, 08:21  -  #Critiques de films

Grand réalisateur avec quelques chefs d'oeuvres  historiques comme "Assurance sur la Mort" (1944), "Boulevard du Crépuscule" (1950) ou "Certains l'aiment Chaud" (1959), Billy Wilder attend quelques années avant de revenir après l'échec (relatif !) de "La Grande Combine" (1966). Pour ce nouveau projet le producteur-réalisateur-scénariste retrouve I.A.L. Diamond, son co-producteur-scénariste attitré depuis "Certains l'aiment Chaud" (1959) et qui le sera jusqu'au dernier film "Victor la Gaffe" (1981) avec qui il décide de s'attaquer à un monument de la littérature, Sherlock Holmes créé par Sir Arthur Conan Doyle en 1887. Mais il ne s'agit pas d'une adaptation, le duo Wilder-Diamond préfère signer une histoire originale avec l'idée de pousser les défauts du détective au maximum et donc d'égratigner le mythe. Le premier montage dépasse les 3h mais les distributeurs de United Artists les obligent à raccourcir drastiquement le film. La version originelle n'existe plus aujourd'hui mais deux scènes existent en système NTSC Laserdisc. Le scénario va être novelisé par Michael et Mollie Hardwicke, deux experts de Sherlock Holmes. Pour l'anecdote, le Directeur du son n'est autre que Ron Ward Baker, réalisateur de "Atlantique, Latitude 41°" (1958), "Le Cavalier Noir" (1961) ou "Le Caveau de la Terreur" (1973)... Dans leur appartement de Baker Street, Holmes et son complice Watson voient arriver une jeune veuve sauvée des eaux de la Tamise. Tandis qu'elle sort peu à peu de son amnésie, les deux compères vont se lancer dans une enquête qui va les emmener jusqu'au lac du Loch Ness... 

Sherlock Holmes est incarné par Robert Stephens, acteur de seconds rôles notamment dans "Cléopâtre" (1963) de J.L. Mankiewicz ou "Roméo et Juliette" (1968) de Franco Zeffirelli ou plus tard dans "Les Duellistes" (1977) de Ridley Scott ou "Empire du Soleil" (1987) de Steven Spielberg, tandis que Watson est joué par Colin Blakely également acteur de seconds rôles aperçu dans "Les Drakkars" (1964) de Jack Cardiff ou "Un Homme pour l'Eternité" (1966) de Fred Zinnemann et plus tard "Les Griffes du Lion" (1972) de Richard Attenborough ou "Le Crime de l'Orient-Express" (1974) de Sidney Lumet. La belle veuve est incarnée par la star Geneviève Page vue entre autre dans "Michel Strogoff" (1956) de Carmine Gallone, "Le Cid" (1961) de Anthony Mann, "Belle de Jour" (1967) de Luis Bunuel ou "Mayerling" (1968) de Terence Young. Le frère Holmes est incarné par la légende Christopher Lee qui a déjà abordé l'univers de Sir Conan Doyle, d'abord dans "Le Chien de Baskerville" (1959) puis en étant lui-même Sherlock dans "Sherlock Holmes et le Collier de la Mort" (1962) tous deux de Terence Fisher sans compter deux téléfilms début des années 90. Citons ensuite Irene Handl apparue dans "Brève Rencontre" (1945) de David Lean, "Le Grand Alibi" (1950) de Alfred Hitchcock ou "L'Or se Barre" (1969) de Peter Collison, Clive Revill aperçu dans "Bunny Lake a disparu" (1965) de Otto Preminger ou "Assassinats en tous Genres" (1969) de Basil Dearden, Tamara Toumanova célèbre ballerine russe apparue dans "Invitation à la Danse" (1956) de Gene Kelly ou "Le Rideau Déchiré" (1966) de Alfred Hitchcock, George Benson aperçu dans "L'Homme au Costume Blanc" (1951) de Alexander Mackendrick ou "Dracula" (1958) de Terence Fisher après lequel il retrouve Christopher Lee à l'instar de Peter Madden avec "Le Train des Epouvantes" (1965) de Freddie Francis mais vu aussi dans "Bons Baisers de Russie" (1963) de Terence Young ou "Le Docteur Jivago" (1965) de David Lean, puis Catherine Lacey vue dans "Une Femme Disparaît" (1938) de Alfred Hitchcock ou "The Servant" (1963) de Joseph Losey... Notons que la musique est signée de Miklos Rozsa qui retrouve Billy Wilder après "Les Cinq Secrets du Désert" (1943), "Assurance sur la Mort" (1944) et "Le Poison" (1945) et qu'il retrouvera pour "Fedora" (1978), le compositeur assure aussi devant l'écran son orchestre pour son oeuvre Concerto pour Violon et Orchestre"... D'emblée ce qui frappe est le caractère des deux compères et colocataires, si Sherlock Holmes/Stephens est quasi le personnage avec ses travers comme son égocentrisme, son addiction à la cocaïne (diluée à 7% comme décrit par Doyle) ou sa misogynie, Watson surprend un peu en étant une sorte de groupie légèrement surexcitée et finalement quasi inutile lors des enquêtes. Les auteurs (Wilder-Diamonds) s'amusent du décalage qu'il peut y avoir entre la vérité selon Doyle dans ses romans et la version romancée de Watson qui conte les aventures de son ami dans The Strand Magazine. Ainsi, dans le film l'homosexualité de Holmes est suggérée, il est logiquement cocaïnomane (ce qui est à l'époque plutôt nouveau), mais surtout on nous montre les failles et/ou les échecs lors de ses enquêtes !

En vérité, Wilder et Diamonds n'inventent pas grand chose en ce qui concerne Holmes, ils accentuent juste ses défauts et le tourne un peu en dérision, ce qui est d'autant plus malin que l'acteur le joue avec tout le sérieux nécessaire ce qui est aussi en contraste avec la clownerie de Watson. Une fois les personnages installés l'intrigue met un peu trop de temps à démarrer réellement, il faut bien trois quarts d'heure avant que l'enquête débute. Si on appréciait dès le départ les décors/costumes, la reconstitution d'époque, la partie écossaise finit de nous séduire façon exotisme des Highlands avec le mystère du Loch Ness en prime. L'enquête est intéressante montrant un Mycroft supérieur à Sherlock et jouant sur l'empire allemand alors naissant et déjà ambitieux et une envoûtante Mata-Hari. Le film reste un film original mais s'avère finalement un peu timoré dans le sens où on aurait aimé que les vices de Sherlock soient encore plus appuyés et assumés quitte à jouer cette carte. Un film sans doute un chouïa surestimé, car un peu long et un duo d'acteurs principal qui manque de charisme mais qui reste divertissant surtout dans sa seconde partie.

 

Note :                 

14/20
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T
Je l'avais d'abord lu en livre de poche, gamin: j'avais bien du mal à "comprendre" la différence entre les oeuvres "canoniques" que je dévorais aussi en poche, et un pastiche (à l'époque - il y a quasiment un demi-siècle! - , il y en avait nettement moins qu'aujourd'hui!). Ce n'est que des années plus tard que j'ai eu l'occasion de voir le film (revu récemment). C'est savoureux... ou comment rouler un génie dans la farine!<br /> Concernant la mise en évidence des addictions de Holmes, je crois qu'effectivement, on a fait plus "hard" depuis (la solution à 7% de Nicholas Meyer et le film qui en a été tiré?)...<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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