Anora (2024) de Sean Baker
Après deux prix du Jury au festival de Deauville, respectivement pour "Tangerine" (2015) et "Red Rocket" (2021) Sean Baker a marqué l'Histoire du cinéma en remportant la mythique Palme d'Or au Festival de Cannes 2024 avec ce nouveau film où il reprend une variation autour du conte de "Cendrillon" dont il avait offert justement une relecture avec "Tangerine", mais aussi et surtout inspiré de la vie de son ami et acteur fétiche Karren Karagulian, dont la femme est d'origine russe dont la communauté est très ancrée sur le secteur Coney Island. Le producteur-réalisateur-scénariste avoue avoir pris comme référence des films comme "Le Mépris" (1964) de Jean-Luc Godard, "French Connection" (1972) de William Friedkin, "Les Pirates du Métro" (1974) de Joseph Sargent et le cinéma italien des seventies... Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn rencontre un jeune homme qui tombe fou amoureux d'elle. Sur un coup de tête il lui demande de l'épouser, et sur un coup de tête elle lui dit oui se transformant ainsi en cendrillon des temps modernes. Le conte de fée mais le jeune homme s'avère le fils d'un oligarque russe qui devient fou de rage quand il apprend que son fils s'est marié avec une "prostituée". Le père part donc pour New-York pour faire annuler le mariage quitte à user de violence...
Anora dit Ani est incarnée par Mikey Madison aperçue dans "Once Upona Time in Hollywood" (2019) de Quentin Tarantino et remarquée dans "Scream" (2022) de Matt Bettinelli-Olpin. Le jeune marié est interprété par Mark Eydelshteyn aperçu dans "Strana Sasha" (2022) de Yuliya Trofimova ou "Pravednik" (2023) de Serguey Ursulyak, tandis que son père est joué par Youri Borissov vu dans "Elena" (2011) de Andreï Zviaguintsev, "Compartiment n°6" (2021) de Juho Kuosmanen et surtout dans l'excellent "Le Capitaine Volkonogov s'est échappée" (2023) de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov. Citons encore Karren Karagulian fidèle du réalisateur depuis les débuts et sur tous ses films, Vache Tovmasyan apparu dans "Lost and Found in Armenia" (2012) de Gor Kiralosian et dans plusieurs séries TV depuis, Ivi Wolk aperçue dans "La Bulle" (2022) de Judd Apatow, Luna Sofia Miranda dans son premier rôle au cinéma, Lindsey Normington apparue dans "Snuff Queen" (2023) de Sean Russell, Paul Weissman qui était dans "Four Letter Words" (2000) premier film de Sean Baker et vu plus tard dans "The Final Equation" (2009) de Daniel Ulysses Abella ou "Cryptid" (2022) de Brad Rego, Darya Ekamasaova vue dans "The Bomber" (2012) de Vitaliy Vorobyov et "Train de Guerre : le Corridor de l'Espoir" (2019) de Feodor Popov, Ross Brodar aperçu entre autre dans "La Nuit nous Appartient" (2007) ou "The Immigrant" (2013) tous deux de James Gray, et enfin Brittney Rodriguez qui retrouve son réalisateur après "Red Rocket" (2022)... Le film débute de façon aussi stéréotypé que stylé avec une immersion frontale et directe dans l'univers des "gogo-danseuses-escorts-strip-teaseuses-prostituées" dont les frontières auront rarement été aussi poreuses. On apprécie le style de la mise en scène, directe et quasi docu-fiction à la façon de Scorcese des premières années, ou aussi un peu à du Nicolas Winding Refn, qui revisiterait le "Pretty Woman" (1990) en mode plus sulfureux, plus réaliste et plus dramatique aussi.
Le film a été vendu comme une comédie déjantée, drôle et fun avec une "Pretty Woman" moderne. Malheureusement on reste un peu sur notre faim car la promesse tient la route environ 15-20 minutes seulement. La première partie est une continuelle fiesta entre orgie sex drug et alcool et sexe tarifé. Une partie longue car redondante et qui ne fait jamais évoluer l'histoire. Puis arrive la petite partie prometteuse avec l'arrivée des gros bras, Anora/Madison qui se rebelle et un petit twist savoureux. Puis soudain ça tourne en rond et le film devient plus dramatique, la plupart des personnages s'avèrent soit des caricatures (les parents oligarques), soit pathétiques (le jeune marié, et par alternance Anora elle-même), dans un récit dont le fond reste tragique ou bien triste. On aurait donc aimé que le ton promis habite réellement tout le film, avec un récit qui évolue réellement alors qu'il fait quasi du sur place la moitié du temps. L'humour ne fonctionne d'ailleurs pas car la call girl qui croit au conte de fée c'est un peu dépassé, surtout quand le réalisateur insiste sur son côté quasi "documentaire" de sa mise en scène. Les 15-20 minutes du milieu du film restent très largement la meilleure partie du film, et surtout il y a la révélation Mikey Madison qui assume et assure un rôle ingrat la tête haute et avec quelle classe ! Sean Baker signe un film intéressant, mais auquel il manque une réelle folie sur l'ensemble de l'histoire. Surtout, ce film est surestimé par une Palme d'Or franchement pas méritée.
Note :