Harvest (2025) de Athina Rachel Tsangari
Le projet est avant tout celui de Joslyn Barnes, surtout connue comme productrice notamment de "Le Temps qu'il Reste" (2009) de Elia Suleiman, "Oncle Boonme, Celui qui se souvient de ses Vies Antérieures" (2010) de Apichatpong Weerasethakul ou "Capharnaüm" (2018) de et avec Nadine Labaki. La productrice a acquis les droits du roman éponyme (2013) de Jim Crace et assume aussi le poste de scénariste mais elle a mis du temps à trouver le réalisateur. Finalement la productrice-scénariste américaine a opté pour la réalisatrice grecque Athina Rachel Tsangari apparue comme actrice dans "Slacker" (1991) ou "Before Midnight" (2013) tous deux de Richard Linklater avant de passer derrière la caméra pour "Attenberg" (2010) et "Chevalier" (2015). Notons que s'il ne s'agit pas d'un film d'horreur la dimension psychologique tendue font que le film est tout public mais avec avertissement... Walter Thirsk est un citadin devenu fermier dans un domaine tenu par le seigneur Charles Kent. Le domaine est un Eden luxuriant où toute la communauté vit une existence paisible sous l'autorité peu pregnante du seigneur. Mais un jour, un cousin du seigneur arrive et impose des changements qui vont mettre en péril leur univers. Les habitants vont alors vivre sept jours hallucinés pour voir peut-être la fin de leur monde...
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Le seigneur Charles Kent est joué par Harry Meiling vu dans "Macbeth" (2021) de Joel Coen ou "The Pale Blue Eye" (2022) de Scott Cooper, et retrouve après "Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé" (2009) de David Yates son partenaire Frank Dillane vu dans "Au Coeur de l'Océan" (2015) de Ron Howard ou "Comment je suis devenue une Jeune Femme influente" (2019) de Coky Giedroyc, et retrouve également après "Viena and the Fantomes" (2020) de Gerardo Naranjo l'acteur Caleb Landry Jones vu dans "Nitram" (2021) de Justin Kurzel et "DogMan" (2023) de Luc Besson. Citons encore Rosy McEwen aperçue dans "Vesper Chronicles" (2022) de Kristina Buozyte et Bruno Samper ou "Apartment 7A" (2024) de Natalie Erika James puis Stephen McMillan apparu dans "Outlaw King" (2018) de David Mackenzie ou "The Chef" (2021) de Philip Barantini. Précisons que les rôles principaux sont donc tenus par des acteurs plus ou moins connus mais que le reste du casting est assuré par des non-professionnels essentiellement campés par des locaux du lieu de tournage sur les berges du Loch Nell en Ecosse - mais précisons que l'histoire censée se dérouler dans la campagne anglaise vers 1600. Un film historique donc mais la productrice-scénariste et sa réalisatrice n'ont pas été obnubilés par les caractéristiques d'époque, surtout sur deux paramètres, d'abord avec des dialogues qui restent plutôt modernes et d'aujourd'hui, puis ensuite sur le style en empruntant au thriller psychologique et surtout au western contemplatif. Les paysages sauvages semblent tout aussi vierges, accentuant la sensation que la communauté est isolée, on pense à une secte en autarcie au départ entre "Le Village" (2004) de M. Night Shyamalan et "Le Bon Apôtre" (2018) de Gareth Evans, où les villageois vivent en harmonie avec leur environnement loin des affres du monde mais qui cache un secret.
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Mais finalement, pas de secret, pas d'isolement réelle, pas d'utopie ou de dystopie, mais un village sous autorité à qui on va rappeler que tous dans ce village vivent bel et bien au sein d'une société hiérarchique et mercantile. Finalement pas de surprise, le récit va s'avérer moins singulier que promis, et va même s'avérer bien plus moderne que prévu. En effet, on se situe environ vers 1600, mais les costumes mêlent époque et contemporain, alors que les décors pourraient très bien être un sorte de lieu de nos jours pour une communauté survivaliste ou du style "retour à la terre". Les sujets plus ou moins abordés renvoient frontalement à notre actualité du, comme les conflits sociaux, l'immigration et la peur de l'autre, la place de la femme... etc... mais le rapport époque-thématiques-enjeux ne convainc pas franchement, soit parce que les sujets ne sont qu'effleurés, soit que le décalage "historique" n'est pas utiles. Ainsi pourquoi insister sur l'époque et la dimension historique si c'est pour s'en moquer finalement (costumes dystopiques des "méchants", dialogues modernisés...), et pourquoi avoir pousser les acteurs à se former au métier d'antan pour appuyer l'authenticité tout en traitant les thématiques comme une histoire moderne alors même qu'en 1600 la société était forcément bien différente ?! Par contre les acteurs sont investis et inspirés, la mélancolie se mêle au danger, le malaise à l'angoisse, grâce à un travail impeccable sur la photographie. Le style appuie le côté organique et sensoriel qui donne une image entre naturalisme et fable assez singulière. En conclusion un film intéressant, hors des sentiers battus, original, mais qui reste un peu vain piégé par la volonté d'assumer son statut de cinéma d'auteuriste et élitiste.
Note :