Grave (2017) de Julia Ducournau
Le film sensation du moment avec ce film qui mélange les genres mais qui est évidemment diffusé sous l'étiquette du film d'horreur. Film sensation déjà au dernier Festival de Cannes, le buzz n'a cessé de gonfler (notamment à cause de spectateurs qui auraient eu des malaises comme au festival de Toronto), multi-primé à plusieurs festival jusqu'à ce Grand Prix du Jury et Prix de la Critique au Festival international du film fantastique de Gérardmer 2017. Un coup de maitre pour ce qui est le premier long métrage de la réalisatrice Julia Ducournau qui offre le premier rôle à la jeune Garance Marillier, muse qui était déjà dans son court "Junior" (2011) et son téléfilm "Mange" (2011) qui annonçait déjà "Grave". Outre la jeune Garance Marillier on retrouve au casting le jeune Rabah Naït Oufella (vu dans "Bande de filles" en 2014 de Céline Sciamma et "Nocturama" en 2016 de Bertrand Bonello), mais aussi l'excellent Bouli Lanners et surtout Laurent Lucas dans un genre qu'il connait bien (déjà dans "Calvaire" en 2005 et "Alleluïa" en 2014 de Fabrice du Welz). On reconnaitra dans un rôle d'infirmière la réalisatrice Marion Vernoux ("Reines d'un jour" en 2001 et "Les Beaux Jours" en 2013).
Outre Laurent Lucas et son expérience chez De Welz la réalisatrice-scénariste Julia Ducournau s'est emparé de ses références, les a digérés et servis pour signer son film de genre. Elle confirme et assume complètement son attirance pour les cinémas de David Cronenberg "La Mouche" en 1985 et "Crash" en 1996) et Ben Wheatley ("Kill List" et "Touristes" en 2012) . Elle engage par ailleurs le compositeur Jim Williams, fidèle de Wheatley pour sa musique. Elle apprécie l'influence de Cronenberg pour son rapport au corps mutilés et blessés, chez Wheatley elle aime cette faculté au mélange des genres - ne dit-elle pas de son film qu'il s'agit d'"un coss-over entre comédie, drame et body-horror.". En prime une photographie travaillée par Ruben Impens, fidèle de Felix Van Groeningen notamment sur "Alabama Monroe" (2013) et "Belgica" (2016). Car l'une des forces du film est bel et bien ce juste milieu idéal entre le film d'horreur et le Rom Com Teen-movie. Dans "Grave" (dans le sens premier du terme, comme quelque chose de concret et lourd, qui nous tombe dessus et nous cloue sur place) on suit Justine, végétarienne et élève surdouée, qui intègre une école vétérinaire, à qui on oblige lors d'un bizutage de manger de la viande ce qui va déclencher une sorte de réaction physiologique et physique...
Si "Grave" est un film cannibale il l'est dans les deux sens. Justine le devient clairement et le film lui-même nous secoue et nous happe devant le choc terriblement jouissif et presque inédit entre récit initiatique, teen-movie sur l'éveil sexuel et le film gore dérangeant et malsain. Même le prénom Justine n'est pas anodin (référence à "Justine ou les malheurs de la vertu" du Marquis de Sade, où Justine est une jeune pucelle qui s'éveille à la sexualité et qui finit par y trouver sa voie vers les plaisirs). Justine doit aussi beaucoup à son interprète, Garance Marillier (future grande !) est impressionnante de maitrise et de justesse, entre la jeune pucelle et la jeune femme, entre la jeune fille timide qui va petit à petit s'affirmer et prendre sa place symbolisée et jouée notamment de façon physique. Justine se tient d'abord droite et sûr d'elle, un peu pimbêche même avant de devenir plus mystérieuse, plus menaçante, le regard baissé mais pas soumise, bien au contraire comme si elle se préparait au pire. Mais si son personnage central est bien écrit, intéressant et dense le soucis tient plus à l'origine du "mal". En effet dès le début et le premier "twist" on devine le pourquoi du comment et on devine ce que va être la conclusion. Cette toute fin est d'ailleurs amenée de façon un peu maladroite, trop gratuitement. C'est bien dommageable. N'aurait-il pas été plus efficace car moins "explicable" que Justine apprenne par elle-même et "grandisse" par elle-même sans raison "raisonnable" ?! Le côté mystérieux ne tient pas longtemps, le suspense trop vite éventé et pourtant "Grave" fait partie de ces films magnifiques et audacieux qui réveillent le spectre du film de genre à la française. On peut toujours espérer qu'il ouvrira la porte un peu plus grande en France, mais ne soyons pas optimiste pour autant, rappelons-nous le chef d'oeuvre "Martyrs" (2008) de Pascal Laugier... Note un peu indulgente.
Note :