Don Juan (2022) de Serge Bozon

par Selenie  -  25 Mai 2022, 14:11  -  #Critiques de films

Une comédie musicale pour Serge Bozon qui voulait d'abord sortir du registre de genre et aborder l'histoire d'amour mais pas que comme il l'explique : "Pour cette histoire d'amour, je trouvais plus simple de prendre un point de départ que tout le monde connaît, et j'ai donc proposé à Axelle Ropert, ma co-scénariste, de travailler sur Don Juan. À ce moment-là, Axelle était très investie dans ce qui se passait autour de #Metoo et nous sommes tombés d'accord sur l'idée d'un Don Juan inversé. (...) Plutôt quu'n Don Juan qui séduit toutes les femmes, lui est obsédé par une seule femme, qu'il voit se multiplier partout. Et il n'arrête pas de se faire jeter par les femmes qu'il aborde en croyant ainsi la reconnaître. Normalement, un Don Juan est victorieux, cynique et manipulateur ; là il est perdant, sincère et démuni." Le cinéaste veut aussi approfondir le chant et la danse, car par exemple rappelons que dans "Mods" (2003) il y avait des danses mais pas de chansons alors que dans "La France" (2007) c'était l'inverse. Serge Bozon retrouve donc sa scénariste habituelle, Axelle Ropert qui collabore avec lui depuis son premier film "L'Amitié" (1998), mais il a aussi fait l'acteur de nombreuses fois, pour d'autres mais aussi pour sa scénariste réalisatrice de "Etoile Violette" (2006), "La Famille Wolberg" (2009), "Tirez la Langue, Mademoiselle" (2013) et "La Prunelle de mes Yeux" (2016)...

2022, de nos jours Don Juan n'est plus le séducteur de toutes les femmes. Il est devenu l'homme d'une seule femme. un homme obsédé par une unique femme qu'il tente de séduire sans résultat, jusqu'à la voir partout. Abandonné une fois, Don Juan ne voit plus que par elle, il lui faut la reconquérir... Le séducteur de légende mais contemporain est incarné par Tahar Rahim vu ces derniers mois dans "The Kindness of Strangers" (2020) de Lone Scherfig et "Désigné Coupable" (2021) de Kevin MacDonald. Julie, la femme d'un seul homme est interprétée par Virginie Efira vue récemment dans "Madeleine Collins" (2021) de Antoine Barraud et "En Attendant Bojangles" (2022) de Régis Roinsard, et retrouve après "Un Amour Impossible" (2018) de Catherine Corsini sa partenaire Jehnny Beth omniprésente ces derniers mois avec "Kaamelott : Premier Volet" (2021) de et avec Alexandre Astier, "Les Olympiades" (2021) de Jacques Audiard et "En Même Temps" (2022) des grolandais Kervern-Delépine. Citons ensuite Damine Chapelle vu entre autre dans "Espèces Menacées" (2017) de Gilles Bourdos, "Rose" (2021) de Aurélie Saada et "En Corps" (2022)  de Cédric Klapisch, puis enfin le chanteur Alain Chamfort plutôt rare sur grand écran bien qu'aperçu dans "Les Jeux des Nuages et de la Pluie" (2013) de Benjamin De Lajarte et "Les Châteaux de Sable" (2015) de Olivier Jahan... Dès le début on sent que le film risque d'être un calvaire, d'abord à cause du paramètre chant. Désolé pour Tahar Rahim mais malgré sa cinquantaine de cours de chant il n'est pas chanteur et ça reste très laborieux et peu agréable à l'oreille, d'ailleurs Virignie Efira n'est pas tellement mieux. Deux grands acteurs ne sont pas obligatoirement deux bons chanteurs. C'est tout de même très dommageable pour une comédie musicale. Les chansons elles-mêmes ne sont pas exceptionnelles, trop similaires dans leur ton peu rythmé, on serait presque dans du "parlé".

L'autre soucis est que il faut croire au minimum au Don Juan. Désolé encore pour Tahar Rahim mais jamais on ne croit en lui en tant que séducteur, autant dans le fond que sur la forme car il est trop en retrait, trop réservé pour être crédible en séducteur en témoigne sa façon de forcer le regard en tentant de séduire avec les yeux, par là même le personnage est plutôt montré en dragueur du dimanche un peu bourrin ; quel est le rapport avec Don Juan ?! Au moins là-dessus Serge Bozon explique : "Le film montre à chaque fois une révolte des femmes qui rejettent Laurent/Tahar quand il les "harcèle" (rejet culminant dans la danse nocturne pendant la fête finale) ; Laurent/Rahar n'est jamais présenté comme une victime des femmes mais comme une victime de lui-même ; à la fin, il n'a plus rien (ni métier, ni femme) alors que Julie/Virginie resplendit au Théâtre." On comprend l'idée du réalisateur-scénariste sur la position de la femme, néanmoins on reste hors sujet quant au personnage du Don Juan à proprement dit. Pour le reste ça manque cruellement de rythme, ce côté théâtre omniprésent, que ce soit sur scène ou non dans le récit, n'invite justement pas au décalage qui aurait été nécessaire. Un rythme lancinant associé à la partie musicale très "déconnectée" font que le film est très ennuyeux pour ne pas dire soporifique ; tenir est une gageure. En conclusion, un exercice de style risqué qui ne convainc pas franchement, on aime l'idée de base, le projet mais on aurait aimé un autre traitement avec un Don Juan réellement séducteur afin de comprendre Julie/Efira, et on aurait aimé une ronde d'amour avec beaucoup plus d'émotion. 

 

Note :      

 

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