Lili Marleen (1980) de Rainer Werner Fassbinder

par Selenie  -  22 Août 2022, 08:42  -  #Critiques de films

21ème long métrage sur les 24 de Rainer Werner Fassbinder, sans compter ses deux premiers courts métrages "Le Clochard" (1966) et "Le Petit Chaos" (1966), et son documentaire "Theater in Trance" (1981). Réalisateur majeur du cinéma allemand d'après-guerre, Fassbinder a essentiellement abordé des thèmes d'actualité comme le nazisme, les trentes glorieuses allemandes ou la période Faction Armée Rouge. Avec ce film le cinéaste revient sur l'histoire d'une chanson historique, d'abord parce qu'elle est souvent associée à l'interprétation mythique de Marlene Dietrich, mais surtout parce qu'elle a été un hymne de l'Allemagne nazie avant de symboliser avant tout la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi Fassbinder raconte l'histoire de la chanson "Lili Marleen" (Tout savoir ICI), et donc logiquement le réalisateur-scénariste se penche de façon très libre sur le destin de la chanteuse originelle Lale Andersen (Tout savoir ICI) qui se nomme ici Willie... Suisse, Zurich en 1938, Willie est une chanteuse allemande qui se produit dan sun cabaret tandis qu'elle entretient une relation amoureuse avec Robert Mendelsson, un juif riche qui est aussi membre d'une organisation anti-nazie. Les membres de cette organisation, dont le père David Mendelsson, voient d'un mauvais oeil cette liaison. Par quelques manoeuvres, Willie se retrouve bloquée en Allemagne et se retrouve obligée de travailler pour un cabaret allemand où elle commence à se faire des relations douteuses. Par la force des choses, Robert et son organisation intensifie leur réseau pour sauver les juifs allemands alors qu'en parallèle Willie devient une vedette, puis une star icône hitlérienne avec la chanson "Lili Marleen". Mais Robert organise des retrouvailles clandestines qui les mettent tous les deux en danger... 

Willie est incarnée par Hanna Schuygulla, muse de Fassbinder depuis "Le Bouc" (1969) et qui jouera dans 20 de ses films jusqu'à cet ultime "Lili Marleen", actrice qui joue encore comme récemment dans "Tout  s'est bien Passé" (2021) de François Ozon, et surtout "Peter Von Kant" (2022) toujours de Ozon qui est un bel hommage à Fassbinder. Son amant juif suisse est interprété par l'italien Giancarlo Giannini vu dans "Drame de la Jalousie" (1970) de Ettore Scola et "L'Innocent" (1976) de Luchino Visconti, et que les plus jeunes ont vu aux cotés de 007 dans "Casino Royale" (2006) de Martin Campbell et "Quantum of Solace" (2008) de Marc Forster. Le père de ce dernier est incarné par une star hollywoodienne qui a connu l'Âge d'Or avec entre autre "L'Ange des Maudits" (1952) de Fritz Lang et "Guerre et Paix" (1956) de King Vidor avant de connaître un net déclin après sa séparation de Audrey Hepburn, citons d'ailleurs dans cette même année le film français "Mille Milliards de Dollars" (1981) de Henri Verneuil. Les autres acteurs qui suivent ont tous déjà tourné pour Fassbinder, où le retrouveront pour ses derniers films. Les plus fidèles (après Hanna Schuygulla !) sont Lilo Pempeit qui n'est autre que la mère du réalisateur et qui apparaît dans une dizaine de films de son fils, Irm Hermann qui joue là son 12ème film depuis "Le Clochard" (1966) et sinon outre Fassbinder citons "Woyzeck" (1979) de Werner Herzog, Harry Baer 9ème film depuis "Le Bouc" (1969), Hark Bohm 9ème aussi depuis "Le Soldat Américain" (1970) jusqu'à "Lola, une Femme Allemande" (1981) et qu'on verra aussi dans "Undergournd" (1995) de Emir Kusturica, Brigitte Mira 9ème également depuis "Tous les Autres s'appellent Ali" (1974). Puis il y a encore les fidèles avec les 5 films siglés Fassbinder avec Gottfried John depuis "Maman Küsters s'en va au Ciel" (1975) et remarqué chez 007 dans "Rien que pour vos Yeux" (1981) de John Glen et "Goldeneye" (1995) de Martin Campbell, Peter Chatel depuis "Le Marchand des Quatre Saisons" (1972), Roger Fritz chez tous les derniers films depuis "Despair" (1978) juste après avoir joué dans "Croix de Fer" (1977) de Sam Peckinpah, Alexander Allerson depuis "Le Rôti de Satan" (1976) et vu auparavant dans quelques grands films comme "Ludwig le Crépuscule des dieux" (1972) de Luchino Visconti ou "Mon Nom est Personne" (1973) de Tonino Valerii. Et citons encore les acteurs Adrian Hoven (4), Barbara Valentin (4), Erik Schumann (2) vu auaparavant entre autre dans "Ciel sans Etoile" (1955) de Helmut Kautner et "Le Grand Retour" (1963) de Arthur Hiller, Karin Baal (2), Christine Kaufman (2) vu aussi dans "Les Derniers Jours de Pompéi" (1959) de Mario Bonnard, "Un Nommé La Rocca" (1961) de Jean Becker ou "Bagdad Café" (1987) de Percy Adlon, Helen Vita (2) vue aussi dans "Cabaret" (1972) de Bob Fosse, Udo Kier (3) vu avant dans "Histoire d'O" (1975) de Just Jaeckin et "Suspiria" (1977) de Dario Argento et qui deviendra un acteur fétiche du réalisateur danois Lars Von Trier, puis enfin n'oublions pas Fassbinder lui-même qui s'octroie comme souvent un petit rôle... Le premier soucis, écueil de très et de trop nombreux "faux biopics", est d'avoir réécrit l'histoire de Lale Andersen et d'en avoir presque fait une héroïne alors qu'elle a seulement été une artiste opportuniste. Ainsi, rappelons qu'elle n'a pas été amante d'un juif résistant et que son apport anti-nazi n'est pas très probant.

Le film se scinde donc en deux niveaux de lecture, la première concerne la chanson "Lili Marleen" et son parcours,, l'autre se focalise sur la chanteuse et son destin hors succès musical. La partie "Lili Marleen" est plutôt fidèle aux événements, le succès tardif, l'évolution du titre durant les années de guerre, la propagande etc... historiquement le parcours de la chanson est vraiment intéressante même si on peut regretter quelques tics de mise en scène qui gâche la portée émotionnelle de la chanson en découpant les morceaux musicales par des images d'archives et/ou de guerre. On aurait compris la symbolique sans ces canonnades. La partie "résistance" et l'idylle est la partie mensongère vis à vis de l'artiste Lale Andersen alias Willie mais on peut comprendre les choix de Fassbinder qui avait besoin de ça pour dénoncer justement le nazisme. Cependant, on aurait peu imaginer deux autres protagonistes plutôt que la chanteuse "nazie mais à l'insu de son plein gré". Par contre le scénario reste prenant, les enjeux des uns et des autres sont assez dramatiques pour tenir en haleine même si le départ n'est pas très convaincant ; en effet comment croire que les allemands ferait d'une star la maîtresse d'un juif ?! Surtout qu'au départ ni l'un ni l'autre ne cache leur amour. Heureusement il y a le style très singulier de Fassbinder, à la fois réaliste (ce qui est palpable, décors costumes...) et onirique (minimalisme, jeu des halos de lumière...). Et surtout il y a le charme de Hanna Schuygulla, à la fois abordable et magnétique. Tout n'est pas parfait, des petites incohérences (par exemple comment s'en sortent-ils ?!) empêchent le film d'être placé dans les chefs d'oeuvres du réalisateur allemand. Un grand film néanmoins, à voir et à conseiller.

 

Note :      

 

16/20
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I
Je l'ai découvert sur Arte et cela a vraiment été une belle surprise. Hanna Schuygulla porte littéralement le film !
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