Le Tigre et le Président (2022) de Jean-Marc Peyrefitte
Premier long métrage de Jean-Marc Peyrefitte (aucun lien avec Alain) auquel on doit jusqu'à présent quelques courts métrages comme "Drôle d'Histoire" (2009) et surtout "Le Président et le Garde-Barrière" (2019) où il abordait déjà le personnage de Paul Deschanel. Pas étonnant pour ce cinéaste passionné d'Histoire et dont les parents lui parlaient souvent de ce président de la République méconnu "qui avait tout râté, alors qu'il était plein de belles promesses. J'aimais cette notion de perdant magnifique et j'avais envie de confronter cet être évanescent, insaisissable, en avance sur son temps et un peu fragile, à Clémenceau, homme viril et fort, qui, lui, a marqué l'Histoire." Pour cela il revient sur la période de l'élection de 1920 (Tout savoir ICI !) où contre toute attente Deschanel bat Clémenceau, deux grands hommes politiques qui se connaissaient bien s'étant même affrontés en duel à l'épée en 1894 ! Le réalisateur-scénariste prend pourtant des libertés avec les faits, comédie oblige : "Nous nous inscrivons dans la grande tradition du "roman historique", qui, selon sa définition "prend pour toile de fond un épisode (parfois majeur) de l'Histoire, auquel il mêle généralement des événements et des personnages réels et fictifs" Peyrefitte citant comme exemple du genre "Amadeus" (1984) de Milos Forman, mais dans le genre comédie on préférera citer des films comme "La Guerre selon Charlie Wilson" (2008) de Mike Nichols, l'excellent "La Mort de Staline" (2018) de Armando Iannucci ou encore "Edmond" (2019) de Alexis Michalik. Jean-Marc Peyrefitte a relu les trois biographies sur Paul Deschanel en se focalisant essentiellement sur celle écrite par Thierry Billard car "elle le favorisait, contrairement à celle des années 30 qui le fustigeait." Il a aussi acheté l'intégrale des discours du Président Deschanel, il a également écouté les enregistrements numérisés de ses discours à la BNF. Le réalisateur-scénariste co-écrit le scénario avec Marc Syrigas, auteur sur des films comme "Les Apprentis" (1995) de Pierre Salvadori, "La Nouvelle Eve" (1999) de Catherine Corsini, "Les Beaux Gosses" (2009) de Riad Sattouf, "La Mécanique de l'Ombre" (2017) de Thomas Kruithof ou encore "Playlist" (2021) de Nine Antico...
1920, Georges Clémenceau le Tigre, le Père de la Victoire vient de perdre l'élection présidentielle alors qu'il était grand favori face à son ennemi de longue date Paul Deschanel un idéaliste peu connu du grand public. Mais un jour, le président tombe étrangement d'un train et disparaît, ce qui pourrait être une occasion en or pour Clémenceau... Paul Deschanel est interprété par Jacques Gamblin, qui ironie du sort, retrouve une époque et Clémenceau après avoir incarné un certain Jules Bonnot dans "Les Brigades du Tigre" (2006) de Jérôme Cornuau, puis retrouve après "Les Enfants du Marais" (1999) de Jean Becker son partenaire André Dussolier alias Georges Clémenceau qui connaît ce genre du "roman historique" puisqu'il a incarné Staline et Nordling respectivement dans "Une Exécution Ordinaire" (2010) de Marc Dugain et "Diplomatie" (2014) de Volker Schlöndorff, puis retrouve aussi une actrice fétiche de Robert Guéduguian, Lola Naymark après "Brèves de Comptoir" (2014) de Jean-Michel Ribes, puis après "Musée Haut, Musée Bas" (2008) du même réalisateur Christian Hecq qui retrouve de son côté après "Cash" (2008) de Eric Besnard son partenaire Cyril Couton qui retrouve aussi Olivier Claverie après "Divorces" (2009) de Valérie Guignabodet. Citons encore Astrid Whetnall et Patrick d'Assumçao qui se retrouvent après "Nos Patriotes" (2017) de Gabriel Le Bomin, puis enfin Anna Mouglalis vue récemment dans "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan et "En Même Temps" (2022) de Benoît Delépine et Hustave Kervern... Le film débute avec un encart qui précise qu'il s'agit d'une Histoire Vraie bien que des éléments ont été ajoutés afin de renforcer la rivalité entre Deschanel et Clémenceau. Mais effectivement, le scénario reprend la ligne directrice des événements de l'époque, le réalisateur-scénariste se servant d'un paramètre essentiel, celui qui suit l'avis et la thèse du psychiatre Gérard Milleret qui soutient que ce médicament aurait été une cause non négligeable dans les incidents du Président Deschanel.
Mais malgré une certaine tragédie dans le destin de ce président, le film reste une comédie qui repose essentiellement sur les personnalités hautes en couleur et si différentes entre Deschanel et Clémenceau. Le premier était sans nul doute un politique plus moderne, ou du moins était-il plus enclin à une certaine ouverture d'esprit, le réalisateur a voulu alors mettre sa mise en scène en adéquation avec le personnage avec "plongées, contre-plongées, des mouvements, pour être dans l'axe des regards. (...) Il nous fallait du recul, et rendre toute la solitude de ce petit personnage perdu sous les plafonds trop hauts pour lui." A contrario, Clémenceau est dans des situations plus statiques et des plans plus resserrés. On apprécie aussi les dialogues, ciselés, et qui appuie le fait que Deschanel était alors connu comme l'un des plus grands orateurs de la IIIème république. Néanmoins, on notera que le film ment sur un point important, car si Deschanel était contre le Traîté de Versailles dont l'un des maîtres d'oeuvre etait Clémenceau ce n'était pas pour sa dureté envers l'Allemagne mais bien pour le contraire "jugeant ses dispositions trop peu contraignantes alors qu'il redoute un retour des prétentions germaniques." ! rappelons entre autre par ailleurs que Deschanel a appelé la poursuite des combats jusqu'en Allemagne au contraire de Clémenceau (sources Wikipedia). Il est dommage que le réalisateur ait senti le besoin d'arranger les choses pour rendre Deschanel encore plus empathique et Clémenceau pour un belliqueux complotiste. Mais la dimension "comédie politique" est plutôt réussie, les deux acteurs sont épatants, la fantaisie de plusieurs scènes emporte l'adhésion et dessine immanquablement quelques sourires jusqu'à cette fin qui reste malheureusement mais logiquement bien triste.
Note :