Sans Filtre (2022) de Ruben Östlund

par Selenie  -  30 Septembre 2022, 10:15  -  #Critiques de films

Nouveau film de Ruben Östlund, réalisateur remarqué de "Play" (2011), "Snow Therapy" (2014) et surtout de l'excellent et singulier "The Square" (2017) Palme d'Or au Festival de Cannes 2017 qu'il a renouvelé avec ce nouveau projet lauréat de sa second Palme d'Or 2022. Pour ce 5ème long métrage, le réalisateur-scénariste s'est inspiré des discussions avec sa femme, Andrea Östlund, cinéaste ayant notamment signée les courts métrages "La Fille qui a cessé de Mentir" (2004) et "Majken" (2008), mais également et surtout photographe de mode domaine qui a ouvert la voie à cette histoire. D'où le titre qui renvoie à un terme utilisé en chirurgie esthétique pour une ride... Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs sont invités pour une croisière de luxe sur un yacht. L'équipage est au petit soin, le service haut de gamme mais alors qu'un fameux dîner de gala est prévu le capitaine refuse de sortir de sa cabine. C'est le début d'une succession d'événements inattendus alors qu'une tempête se lève... 

Le casting est international avec quasi autant de nationalité que de protagonistes. Le couple d'influenceurs-mannequins est incarné par la sud-africaine Charlbi Dean remarquée avec le dyptique "Spud" (2010-2013) de Donovan Marsh et vue plus récemment dans "Interview avec Dieu" (2018) de Perry Lang, et le britannique Harris Dickinson vu dernièrement dans "Là où Chantent les Ecrevisses" (2022) de Olivia Newman et "Coup de Théâtre" (2022) de Tom George. Le capitaine est interprété par l'américain Woody Harrelson vu dans "Kate" (2021) de Cédric Nicolas-Troyan et "Venom : Let There Be Carnage" (2021) de Andy Serkis. Puis citons l'acteur croate Zlatko Buric célèbre Milo dans la trilogie "Pusher" (1996-2005) de Nicolas Winding Refn et son reboot éponyme (2012) de Luis Prieto, l'actrice allemande Iris Berben vue dans "Companeros" (1970) de Sergio Corbucci, "Un Amour d'Eté" (1994) de Iris Gusner et "Eddie the Eagle" (2016) de Dexter Fletcher, le britannique Oliver Ford Davies vu dans "The Mother" (2003) de Roger Michell et "The Deep Blue Sea" (2011) de Terence Davies, la suissesse Sunnyi Melles vue dans "La Bande à Baader" (2008) de Uli Edel, "Les Arpenteurs du Monde" (2012) de Detley Buck, la suédoise Camilla Läckberg romancière entre autre de "Femmes dans Merci" (2020) et "Sans passer par la Case Départ" (2021) dans son premier rôle, puis enfin le frenchy Jean-Christophe Folly vu dans "Vous n'avez Encore rien Vu" (2012) de Alain Resnais, "Jeune Femme" (2017) de Léonor Serraille ou "I Comete" (2021) de Pascal Tagnati... Le film débute par l'acte 1, ce qui nous prépare alors à un film en trois parties comme l'annonce le titre en V.O. "Triangle of Sadness". Nous voici donc plonger dans un univers aussi vain, inepte et superficiel des mannequins et de la mode. Un couple jeune et beau mais pas spécialement riche se retrouve propulsé comme invité sur un yacht pour une croisière où normalement il n'y a que des hyper riches. Première ironie, alors que les hypers riches sont laids ou vieux et souvent aussi abjects qu'insupportables la seule richesse de ce jeune couple reste leur beauté qu'on sait limité dans le temps. Cette première partie est très sarcastique et on sent que le réalisateur veut choquer et impose un ton caustique et acerbe.

La seconde partie est celle qui reste très attendue vue qu'elle compose l'essentiel de la promo et de la bande-annonce. La croisière où on devient le voyeur au sein d'une croisière entre gens aux fortunes indécentes et qui se permettent tout sous couverts d'être des gens polis et/ou respectables... en surface seulement ! Cette fois le réalisateur y va à fond en imposant des scènes aussi vulgaires que malaisantes voir même on frôle le mauvais goût immonde en poussant le bouchon vomitif. L'humour y est noir et très satirique, le cynisme y est jusqu'au-boutiste à tel point que ce second chapitre se partage entre malaise et délire jubilatoire. En effet, taper aussi fort et aussi gratuitement sur les nantis est sans doute un peu facile et consensuel. Néanmoins, si ça secoue l'estomac on ne peut nier l'effet choc qui reste efficace. Arrive ensuite un dernier acte qui s'avère plus subtil, ou du moins on passe de l'uppercut au crochet du gauche où les privilégiés s'avèrent incapables de se débrouiller seul, comme quoi dame pipi est un métier essentiel ! Les rapports de force deviennent plus flous, les sentiments fluctuent, le bien et le mal n'est plus aussi limpide et l'opportunisme reste le maître-mot qu'on soit pauvre ou riche. Le réalisateur-scénariste frappe fort, fait mal, mais il frappe aussi peut-être trop aveuglément ce qui ne manquera pas de gêner certains spectateurs (ne serait pas étonner que certains sortent de la salle au milieu de croisière). Plusieurs passages usent sans doute de trop de facilités (seconde moitié de croisière) mais le résultat reste un délire aussi âpre que jouissif. Néanmoins Ruben Östlund ne peut laisser indifférent et sur ce point il doit être en train de savourer sa réussite.

 

Note :      

 

14/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :