Le Ravissement (2023) de Iris Kaltenbäck

par Selenie  -  14 Juin 2024, 15:51  -  #Critiques de films

Premier long métrage de Iris Kaltenbäck, qui a co-écrit le scénario du film "L'Enfant Rêvé" (2020) de Raphaël Jacoulot, et qui après son court métrage "Le Vol des Cigognes" (2015) aborde une nouvelle fois le thème de la maternité. L'idée lui est venu en lisant quelques lignes sur un fait divers sur une jeune femme qui a "emprunté" l'enfant d'une amie pour faire croire à son amant que c'est le leur. La réalisatrice-scénariste explique son projet  : "J'ai moi-même vécu ce décalage étrange quand uen amie très proche est devenue mère à un moment où je ne me sentais moi-même pas concernée par cela. On parle beaucoup de ce que provoque l'arrivée d'un enfant dans un couple, mais moins de ce que ça déclenche dans une amitié. L'autre question que soulevait ce fait divers, c'est la place des faux-semblants dans la naissance d'une histoire d'amour. Même si dans cette histoire le mensonge est énorme, j'avais le sentiment qu'elle pouvait parler à beaucoup de gens. On a presque tous un jour travesti la réalité pour plaire ou pour correspondre à une image qu'on croit plus désirable de nous-mêmes." Notons qu'outre plusieurs références cinématographiques très diverses (de Hitchcock à "Taxi Driver" de Scorcese en passant par "Millenium Mambo" de Hou Hsia-Hsien ou  Kelly Reichardt), la cinéaste précise que le titre a été inspiré par le roman "Le Ravissement de Lol V. Stein" (1964) de Marguerite Duras : "La scène du bal , où l'héroïne voit son fiancé tomber fou amoureux d'une autre femme sous ses yeux, m'avait marquée, adolescente. J'adore la manière dont elle raconte le trauma initial du personnage de façon presque sourde, dissociée ; ce déni de chagrin qui habite le personnage pendant tout le livre et qu'elle a besoin de revisiter."... 

Lydia, sage-femme, suit la grossesse de sa meilleure amie Salomé. Cet événement éveille quelque chose d'inexplicable chez Lydia qui semble plus seule que jamais. Elle rencontre Milos, un possible nouvel amour mais Lydia commence à s'enfermer dans une spirale de mensonges... Lydia est incarnée par Hafsia Herzi vue dernièrement dans "À l'Ombre des Filles" (2022) de Etienne Comar, "Trois Nuits par Semaine" (2022) de Florent Gouëlou et "La Gravité" (2023) de Cédric Ido. Son amie Salomé est interprétée par Nina Meurisse révélée dans "Saint-Cyr" (2000) de Patricia Mazuy, remarquée entre autre dans "Au Bout du Conte" (2013) et "Place Publique" (2018) tous deux de et avec Agnès Jaoui et plus récemment dans "Petite maman" (2021) de Célien Sciamma. L'amant est joué par Alexis Manenti vu récemment dans "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2022) de Thierry De Peretti, "Athena" (2022) de Romain Gavras et "Dalva" (2023) de Emmanuelle Nicot. Citons ensuite Younès Boucif vu dans "Les Magnétiques" (2021) de Vincent Maël Cardona et qui retrouve après "Avant l'Effondrement" (2023) de Alice et Benoît Zeniter sa partenaire Ana Blogajevic vue dans "Le Sel des Larmes" (2020) de Philippe Garrel ou "À l'Abordage" (2021) de Guillaume Brac, Grégoire Didelot aperçu dans "Tout nous Sourit" (2021) de Melissa Drigeard puis Mathieu Perotto apparu dans "Sentinelle Sud" (2022) de Mathieu Gérault... Le film débute d'emblée dans une sorte d'apathie, une atmosphère pesante malgré l'amitié qui lie Nina/Herzi et Salomé/Meurisse qui est finalement à l'image de la première qui ne semble de toute façon pas heureuse. On s'interroge alors sur deux points : comment Salomé ne peut-elle pas voir que son amie n'est pas heureuse ?! Est-ce que Nina n'est pas bien justement parce que son métier lui renvoie un bonheur qui ne lui semble pas accessible ?!

Evidemment Nina/Herzi prend un petit coup au moral quand la grossesse de Salomé/Meurisse arrive alors qu'au même moment Nina confond amour et coup d'un soir. Cette partie est intelligente et plein d'acuité sur les rapports entre les gens au jour d'aujourd'hui, mais aussi sur la solitude, la maternité, l'amitié sans que ce soit appuyé ou un peu lourd. C'est plutôt traité de façon subtil même si on ne comprend pas le choix de la voix Off qui gâche un peu cette sensation malgré la justification de la réalisatrice : "Je trouvais intéressant que Milos, qui pourrait être vu comme la victime, interroge sa place de complice inconscient dans cette histoire." Pourtant c'est malheureusement un choix incohérent, en effet Milos/Manenti commente des événements dont il n'est pas témoin ou qu'il soit impossible qu'il puisse savoir les tenants et aboutissants. La voix Off, s'il devait en avoir une, aurait dû être celle de Nina tout simplement. Néanmoins, les thématiques sont très actuels, les sujets intéressants et le scénario prenant car émotionnellement ne peut laisser indifférent avec en prime un joli casting dont un joli duo/portrait de femmes.

 

Note :                 

13/20
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