House of Gucci (2021) de Ridley Scott
Juste après son puissant "Le Dernier Duel" (2021) voici le retour pressé de Ridley Scott avec un nouveau drame historique comme il les a toujours apprécié de "1492 : Christophe Colomb" (1992) à "Tout l'Argent du Monde" (2017) en passant par "La Chute du Faucon Noir" (2002) et "American Gangster" (2007). Ce projet est dans ses cartons depuis 2006 mais c'est avant tout un projet apporté par son épouse, Giannina Scott qui produit et a acheté les droit du livre "The House of Gucci : a Sensational Story of Murder, Madness, Glamour and Greed" (2000) de Sara Gay Forden. Un temps un projet similaire avait été envisagé avec Martin Scorcese derrière la caméra avant que Ridley Scott et son épouse prévoit de placer la fille du cinéaste, Jordan Scott comme réalisatrice qui semble avoir préférée s'atteler à un film plus personnel avec "Cracks" (2009). Le film est produit par Scott Free Productions, qui fait appel à deux jeunes scénaristes, Roberto Bentivegna , remarqué pour ses courts métrages comme "The Mirakle" (2005) ou "El Otro Lado" (2008) et qui a surtout un oeil artistique sur les Gucci étant lui-même italien mai surtout ayant grandi dans une famille de stylistes, puis Becky Johnston, scénariste plus expérimenté avec entre autre les films "Le Prince des Marées" (1991) de et avec Barbara Streisand, "Sept Ans au Tibet" (1997) de Jean-Jacques Annaud et "Arthur Newman" (2014) de Dante Ariola... Gucci devient une des plus grandes marques de luxe durant les années 60-70, mais des luttes intestines au sein de la famille érodent l'image et les revenus de la société. En 1983, Maurizio reprend les parts de son défunt père Rodolpho et tente d'évincer son oncle Aldo tandis qu'entre temps Maurizio divorce pour une femme plus jeune qui aura des répercussions quelques années plus tard...
Parmi les héritiers Gucci il y a deux enfants du fondateur, Aldo incarné par Al Pacino qui multiplie les histoires vraies hors normes après "The Irishman" (2019) de Martin Scorcese et "American Traitor : the Trial of Axis Sally" (2021) de Michael Polish, puis son frère Rodolfo incarné par Jeremy Irons qui retrouve Ridley Scott après "Kingdom of Heaven" (2005) et retrouve Jared Leto qui joue ici un cousin, avec qui il était au générique de "Zack Snyder's Justice League" (2021). Et enfin citons le fils de Rodolfo, Maurizio incarné par Adam Driver qui retrouve Ridley Scott aussitôt après "Le Dernier Duel" dans un énième drame historique, genre qu'il a déjà abordé notamment dans "J. Edgar" (2011) de Clint Eastwood, "Silence" (2016) de martin Scorcese ou encore "BlacKkKlansman" (2018) de Spike Lee. Son épouse par qui tout arrive est incarnée par la pop star Lady Gaga qui joue là dans son quatrième film après "Machete Kills" (2013) et "Sin City : J'ai tué pour Elle" (2014) tous deux de Robert Rodriguez et surtout "A Star is Born" (2018) de et avec Bradley Cooper dans lequel Ridley Scott avoue l'avoir remarquée. Dans un second rôle central citons la bomba latina Salma Hayek qui termine une année prolifique après "Etat d'Esprit" (2021) de Mike Cahill, "Hitman and Bodyguard 2" (2021) de Patrick Hugues et surtout "Les Eternels" (2021) de Chloe Zhao, puis citons une icône, une certaine Sophia Loren qui n'apparaît que quelques secondes est incarnée par Madalina Ghenea particulièrement remarquée dans le joli "Youth" (2015) de Paolo Sorrentino. Et enfin, citons deux frenchies, Mehdi Nebbou dont l'origines maghrébine alliée à un statut polyglotte a déjà offert quelques rôles à l'étranger comme dans "Munich" (2005) de Steven Spielberg et "Mensonges d'Etat" (2008) de Ridley Scott, puis Camille Cottin vue récemment dans "Mon Légionnaire" (2021) de Rachel Lang et qui perce aussi hors de nos frontières après également "Stillwater" (2021) de Thomas McCarthy... On n'est pas étonné que ce film ne soit pas du goût de la famille Gucci ! Plusieurs membres ont fait savoir leur désaccord et/ou ont envoyé des communiqués pour faire connaître leurs désapprobations. Sur le fond on ne peut savoir ou on ne peut critiquer les avis de la famille mais on peut noter que sur certains points la famille n'a pas complètement tort. Et en premier lieu les soucis de ressemblance physique entre les protagonistes et leurs interprètes qui sont effectivement très aléatoires voir très approximatifs. Un détail sans doute, mais sans tomber dans le sosie parfait un minimum de respect vis à vis des faits devrait assurer un soin sérieux sur ce point. En premier lieu on pense au cousin Paolo incarné par Jared Leto. En effet, il reste un acteur fabuleux mais ses 4h30 quotidiennes de maquillages (signés de Göran Lundström qui a travaillé sur "Border" en 2018 de Ali Abbasi) pour finir en une caricature grotesque est tout de même très décevant. Par là même, on constate que la production a opté pour un luxe éhonté qui n'est pas toujours à l'image de la réalité ! Par exemple la robe de mariée de Patrizia Reggiani/Lady Gaga est beaucoup plus luxueuse et élaborée que dans les faits, ou, clairement plus discutable, les lieux du meurtre étaient trop glauques et le chef décorateur aurait insisté pour un lieu plus "larges" et architecturalement plus fastes.
Mais le plus gênant ce sont les libertés prises avec les faits, d'autant plus que le carton du début indique bien qu'il s'agit d'une histoire vraie, et non pas "inspiré de" ou "tiré de", on pouvait donc s'attendre (pour une fois !) à une fidélité plus forte aux événements.Et cela débute dès les premières secondes, le film débutant en 1978 alors que le couple Maurizio Gucci- Patrizia Reggiani s'est en réalité marié en 1973. Ca paraît un détail mais cela engendre d'autres petits incohérences. Ils ont eu deux filles, Alessandra née en 1977 et Allegra née en 1981, mais dans le film seule existe la première qui serait donc née début des années 80 alors qu'elle avait déjà 18 ans lors de l'assassinat de son père. Par là même on a bien du mal à comprendre la stigmatisation autour de Paolo, fils de Aldo alors qu'en vrai il avait été chef concepteur à la fin des années 60 et même vice-président en 1978. Paolo avait des soeurs, dont une, Patricia Gucci était membre du conseil d'administration il est donc bizarre de ne jamais la voir apparaître... Etc... Une grande déception donc du point de vue historique même si sur les grandes lignes la grande tragédie dynastique ne manque pas de rebondissements et de coups comme on les aime. À priori Sara Gay Forden n'a pas été attaqué en justice pour son le livre, on peut donc légitimement penser qu'il n'y pas lieu à diffamation et qu'on peut croire à cette saga familiale. Dans le style ascension et chute d'un empire ce drame reste passionnant même si on reste peu touché par ces personnages finalement peu intéressants car trop stéréotypés, qui ne sortent pas franchement du lot comparés à d'autres destins. Patrizia Reggiani n'a rien d'une femme intelligente et, au contraire, symbolise à merveille la fille de rien qui annonce la couleur de ses ambitions sans le vouloir, tandis que les manipulations intra-familiales semblent si évidentes qu'on ne sent jamais le talent et/ou le don de ces héritiers pour avoir mené Gucci si haut, et si bas à la fois. Le film se focalise tant sur cette "parvenue" que toute la dimension créatrice familiale est occultée. Néanmoins, les acteurs sont excellents, l'osmose est palpable et le côté comedia del 'arte des Gucci est parfaitement rendu si tant est que ce soit si "grandiloquent" dans les faits. Ridley Scott n'est pas dans la rigueur et l'audace de son dernier film mais il est assez fort pour nous tenir en haleine en compensant le fond par la forme.
Note :