Alien 3 (1992) de David Fincher
Après deux succès devenus aussi cultes que "Alien le Huitième Passager" (1979) de Ridley Scott "Aliens le Retour" (1986) de James Cameron, la 20th Century Fox réveille la bête et propose aux producteurs-scénaristes David Giler et Walter Hill de chez Brandywine Productions d'envisager un troisième film, toujours d'après l'histoire originelle et les personnages créés par Dan O'Bannon et Ronald Shusett dans les années 70. Les deux compères ont la tête qui chauffe, les idées fusent avec par exemple une Ripley en simple caméo. La Fox est d'abord sceptique mais suit si c'est Ridley Scott qui prend les commandes. Malheureusement ce dernier est débordé par d'autres projets, le duo Giler-Hill vont alors user plusieurs auteurs comme le romancier cyber-punk William Gibson ou le scénariste Eric Red, d'ailleurs quelques idées de Gibson sont gardées tandis que le second précipite le départ de Renny Harlin le réalisateur qui était prévu au départ et qui part signer une autre suite avec "58 Minutes pur Vivre" (1990). Avec Giler-Hill les deux derniers scénaristes qui seront crédités sont Vincent Ward réalisateur-scénariste des films "Vigil" (1984) et "Le navigateur : une Odyssée Médiévale" (1988), et Larry Ferguson qui a signé les films "Highlander" (1986) de Russell Mulcahy, "Le Flic de Beverly Hills 2" (1987) de Tony Scott et "À la Poursuite de l'Octobre Rouge" (1990) de John McTiernan. Malgré tout, Joe Roth, patron de la Fox impose le retour de Ripley comme personnage central car il pense qu'elle reste la première et unique femme soldat du cinéma, et étant donné que Sigourney Weaver est devenue une star incontournable l'actrice en profite pour toucher un cachet mirobolant (pour l'époque) de 5 millions de dollars plus un pourcentage. Puis enfin, après le départ de Renny Harlin, le duo Giler-Hill choisisse un inconnu (une fois n'est pas coutume après Ridley Scott et James Cameron et force est de constater qu'ils ont le nez fin !), à savoir David Fincher qui n'a jamais réalisé un seul long métrage. Ce dernier a débuté dans les Effets Spéciaux sur "Le Retour du Jedi" (1983) de Richard Marquand et "L'Histoire sans Fin" (1984) de Wolfgang Petersen avant de signer des centaines de clips musicaux, essentiellement entre 1984 et 1994, notamment pour des artistes comme Patti Smith, Sting, Madonna, Michael Jackson, Aerosmith ou les Rolling Stones. Le duo de Brandywine décèle du talent voir du génie et lui offre les rênes du film, enfin le croit-il ! Malheureusement si le tournage se déroule bien dans l'ensemble les désaccords se multiplient et la rupture est annoncée quand la production n'est pas satisfait de la fin qui est remontée sans l'accord de David Fincher qui quitte donc le navire avant le montage final. David Fincher désavoue le résultat et renie le travail à tel point qu'il n'évoquera plus le film tandis qu'il va devenir un des plus grands réalisateurs de son temps de "Seven" (1996) à "Mank" (2020) en passant par "Fight Club" (1999) ou "L'Etrange Histoire de Benjamin Button" (2007) ! Comme les autres films de la franchise, le film connaît une nouvelle version longue de plus de 30mn, mais qui n'est pas un Director's Cut puisque Fincher refuse d'en parler, mais qui a été effectué grâce à la version de travail de Fincher avait validé ; cette version longue a donc été appelée "Assemble Cut" officiellement. Notons toutefois que la monteur du film est Terry Rawlins déjà à l'oeuvre sur "Alien le Huitième Passager" et "Blade Runner" (1982) tous deux de Ridley Scott. Et surtout rappelons qu'il vaut sans doute mieux un David Fincher déçu qu'un Renny Harlin en forme !...
Une navette s'écrase sur une planète-pénitentiaire Fiorina 161. Il s'avère qu'il y a une seule survivante, Ellen Ripley qui comprend à son réveil que ses autres compagnons de voyage n'ont pas survécu. Esseulée dans un univers carcéral aussi viril que dangereux elle doit attendre quelques jours avant que la corporation Weyland vienne la secourir. Mais très vite, Ripley comprend qu'un ou plusieurs xénomorphes ont dû la suivre jusqu'ici alors qu'au vu de la population elle ne sait à qui faire confiance... La star Sigourney Weaver incarne donc à nouveau Ellen Ripley après entre temps joué dans des films comme "Working Girl" (1988) de Mike Nichols, "Gorilles dans la Brume" (1988) de Michael Apted et "S.O.S. Fantômes 2" (1989) de Ivan Reitman. Le directeur de la prison et son second sont interprétés par Brian Glover vu notamment dans "Le Loup-Garou de Londres" (1981) de John Landis et "Kafka" (1991) de Steven Soderbergh, puis Ralph Brown vu plus tard dans "Good Morning England" (2009) de Richard Curtis ou "Stoker" (2013) de Park Chan-Wook. Le médecin est incarné par Charles Dance apparu d'abord dans le 007 "Rien que pour vos Yeux" (1981) de John Glen, qui deviendra un second couteau prolifique de "Last Action Hero" (1993) de John McTiernan à "Mank" de Fincher en passant par "Gosford Park" (2001) de Robert Altman ou "Imitation Game" (2014) de Morten Tyldum et surtout son passage remarqué dans la série TV "Game of Thrones" (2011-2015). Parmi les prisonniers citons le leader Charles S. Dutton remarqué dans "Mississippi Masala" (1991) de Mira Nair, qui retrouvera pour un caméo son réalisateur dans "Seven", puis notons ses rôles dans "Mimic" (1997) de Guillermo Del Toro ou "Cookie's Fortune" (1999) de Robert Altman, Pete Postlethwaite grand acteur qui retrouvera Ralph Brown dans "Amistad" (1997) de Steven Spielberg et vu entre autre auprès de Daniel Day Lewis dans "Le Dernier des Mohicans" (1992) de Michael Mann et "Au Nom du Père" (1993) de Jim Sheridan, Danny Webb vu plus tard dans des films comme "Walkyrie" (2008) de Bryan Singer ou "Crazy Joe" (2013) de Steven Knight, Phil Davis acteur fidèle de Mike Leigh de "Secrets et Mensonges" (1996) à "Mr. Holmes" (2015) en passant par "Vera Drake" (2044) et "Another Year" (2010), Christopher John Fields qui retrouvera David Fincher dans "The Game" (1997), "Fight Club" et "Zodiac" (2007), Holt McCallany qui sera aussi dans "Fight Club" et qui sera un second couteau omniprésent jusqu'aux tous récents "Un Homme en Colère" (2021) de Guy Ritchie et "Nightmare Alley" (2021) de Guillermo Del Toro, puis enfin le retour de Lance Henrikssen après "Aliens", gueule récurrente dans les premiers films de James Cameron et qui reviendra à la rencontre des monstres dans le spin-off crossover "Alien vs Predator" (2004) de Paul W.S. Anderson... Parlons musique, signée de Elliott Goldenthal qui venait de composer pour les films "Drugstore Cowboy" (1989) de Gus Van Sant et "Simetierre" (1989) de Mary Lambert. Le compositeur a composé pour le film une musique spécifique d'après des enregistrements des émeutes de Los Angeles 1992... Le film plonge Ripley dans un nouveau drame, intime d'abord, puis comme un retour aux sources qu'elle aurait bien aimé oublier. Si on décèle l'envie d'étoffer la dimension capitaliste des multinationales avec la Weyland Corporation toute puissante, on constate malheureusement un grand nombre d'incohérences, certaines vraiment problématiques et d'autres qu'on pourrait mettre sur l'évolution naturelle des choses et de l'espèces. Le soucis réside surtout en Ripley qui est à la fois stupide (elle ne s'interroge jamais sur son mal de ventre et ses malaises ?!) et devin (comment sait-elle qu'elle porte une mère ?!), tandis qu'on se demande pourquoi et comment se fait-il que l'embryon reste aussi longtemps ?!
Par contre, on peut accepter (ou pas !) une certaine évolution des aliens, qui pondent et naissent de façon nécrologique, et qui physiquement se retrouvent avec des membres façon petit mammifère. Passons sur quelques faux raccords et autres maladresses comme un soldat mort qu'on revoit ensuite courir dans un couloir, mais le plus décevant reste, pour la première fois dans la saga, la qualité des Effets spéciaux ! En effet l'alien est incrusté de façon un peu grossière et manque donc d'impact minéral et organique comme dans les deux précédents. D'autant plus remarqué que le film est contemporain du film "Terminator 2" (1992) de James Cameron dont les effets visuels sont révolutionnaires. On est un peu déçu vu l'attente mais la mythologie alien est toujours aussi forte, Ripley est un personnage qui s'étoffe encore, le xénomorphe reste aussi effrayant qu'effroyable, et le mode mission suicide offre une troisième aventure encore différente. David Fincher, quoi qu'il dise, signe un 3ème opus cohérent avec les deux premiers tout en gardant sa personnalité et c'est ce qu'on aime quand les producteurs osent donner les commandes à un nouveau réalisateur. De surcroît, si on comprend ce même James Cameron qui en voulait à Fincher, on peut aussi faire comme Cameron est excusez Fincher au vu des conditions de tournage forcément peu constructives. Avec ce film le mythe évolue, et sur le fond pourquoi, les reptiles muent, l'humanité évolue depuis des lustres et donc rien de plus logique que les Aliens dont la capacité de survie est optimale évoluent aussi vis à vis de leurs besoins. Malgré les erreurs cette suite reste prenante, le mythe fascine toujours, le film reste un sommet du genre même si on perd au fur et à mesure des éléments.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :