Nightmare Alley (2022) de Guillermo Del Toro
Juste après son sublime "La Forme de l'Eau" (2017), Guillermo Del Toro annonce son nouveau projet soit l'adaptation du roman (1946) de William Lindsay Gresham déjà adapté au cinéma avec le film éponyme "Le Charlatan" (1947) Edmund Goulding avec Tyrone Power. Del Toro co-écrit le scénario avec Kim Morgan, inconnue ayant toutefois co-signée "La Chambre Interdite" (2015) de Guy Maddin et Evan Johnson avec entre autre le frenchy Mathieu Amalric dans lequel il a également un petit rôle. Chose plutôt originale le réalisateur-scénariste a précisé ses inspirations lors d'un interview où il a clairement cité une liste de films qui l'aurait spécialement inspiré pour son film, citons donc "Crime Passionnel" (1945) de Otto Preminger, "Détour" (1945) de Edgar G. Ulmer, "Né pour Tuer" (1947) de Robert Wise, "La Tigresse" (1949) de Byron Haskin, "Trafic en Haute Mer" (1950) de Michael Curtiz, "Niagara" (1953) de Henry Hathaway, "Poursuites dans la Nuit" (1956) de Jacques Tourneur, "L'Ultime Razzia" (1956) de Stanley Kubrick, "La Ronde du Crime" (1958) de Don Siegel et "Les Bas-Fonds New-Yorkais" (1961) de Samuel Fuller... Fin des années 40, dans une mauvaise passe, Stanton Carlisle rencontre dans une foire itinérante la voyante Zeena et son époux Pete ancienne gloire du mentalisme. Auprès d'eux il apprend et se découvre un don certain qu'il décide d'utiliser pour arnaquer l'élite new-yorkaise avec l'aide de Molly. Son talent étant désormais affûté son ambition le pousse à s'attaquer à un homme aussi puissant que dangereux, c'est alors qu'il reçoit l'aide d'une mystérieuse psychiatre mais cette dernière pourrait bien se révéler plus dangereuse qu'il ne le croit...
Après avoir un temps envisagé Leonardo Di Caprio le bonimenteur est incarné par Bradley Cooper actuellement en salles aussi dans le savoureux "Licorice Pizza" (2022) de Paul Thomas Anderson, sa compagne est interprétée par Rooney Mara qu'on n'avait pas vu depuis "Marie-Madeleine" (2018) et "Don't Worry, He Won't Get Far on Foot" (2018) de Gus Van Sant, et qui retrouve après la magnifique "Carol" (2015) de Todd Haynes sa partenaire Cate Blanchett qui incarne la mystérieuse psychiatre et qui retrouve aussi de son côté après le récent "Don't Look Up" (2021) de Adam McKay l'acteur Ron Perlman acteur fétiche de Del Toro après "Cronos" (1993), le dyptique "Hellboy" (2004-2008) et "Pacific Rim" (2013). Citons ensuite dans les rôles les plus importants Willem Dafoe toujours là après une année 2021 prolifique avec notamment "The French Dispatch" de Wes Anderson, "Spider-Man : No Way Home" de Jon Watts et "The Card Counter" de Paul Schrader, Toni Collette vue récemment dans "Le Passager n°4" (2021) de Joe Penna, David Strathairn vu dernièrement dans "Nomadland" (2021) de Chloé Zhao et Richard Jenkins qui retrouve Del Toro après "La Forme de l'Eau". Ensuite l'acteur Tim Blake Nelson remarqué chez les frères Coen avec "O'Brother" (2000) et "La Ballade de Buster Scruggs" (2018) retrouve David Strathairn après "Lincoln" (2015) de Steven Spielberg, citons encore Holt McCallany vu en action ces derniers mois dans "The Ice Road" (2021) de Jonathan Hensleigh et "Un Homme en Colère" (2021) de Guy Ritchie, Jim Beaver qui retrouve Del Toro après "Crimson Peak" (2015), Mary Steenburgen vue dernièrement dans "Ma Belle-Famille, Noël et Moi" (2020) de Clea DuVall, David Hewlett qui était également dans "La Forme de l'Eau", Paul Anderson populaire grâce au succès de la série TV culte "Peaky Binders" (2013-...), puis Clifton Collins Jr. qui, outre d'avoir tourné dans "Pacific Rim" (2013) de Del Toro, a la particularité d'avoir déjà joué avec la plupart de ses partenaires, entre autre avec Cate Blanchett dans "Babel" (2006) de Alejandro Gonzales Inarritu et "Knight of Cups" (2015) de Terrence Malick, avec Bradley Cooper dans "La Mule" (2018) de et avec Clint Eastwood, avec David Hewlett dans "Lucky Day" (2019) de Roger Avary. Et enfin, dans un tout petit rôle citons une certaine Romina Power dans un caméo (visionneuse vidéo) qui retrouve Willem Dafoe après "Go Go Tales" (2007) de Abel Ferrara mais qui est surtout la fille de Tyrone Power le Charlatan de 1947. La musique est signée du compositeur Nathan Johnson, cousin du réalisateur Rian Johnson pour qui il a signé les B.O. des films "Brick" (2005), "Looper" (2012) et "A Couteaux Tirés" (2019)... Première scène marquante, d'abord parce qu'elle est empreinte de violence de sang froid qui annonce un thriller sombre, mais aussi par la déception d'effets pyrotechniques en images de synthèse toujours aussi hideuses. Ensuite, le film évolue dans un univers qui renvoie à une multitudes de références, le Film Noir en général dont les codes sont parfaitement digérés et personnalisé par Del Toro, ensuite également par tous les grands classiques du film de cirque avec ses tours et spectacles plus ou moins charlatans de "L'Homme qui Rit" (1928) de Paul Leni à "The Greatest Show" (2018) de Michael Gracey en passant par "Freaks - la Monstrueuse Parade" (1932) de Tod Browning et "La Nuit des Forains" (1957) de Ingmar Bergman. Del Toro signe donc le mix idéal entre Film Noir et Freaks.
L'esthétisme est soigné, la photographie est superbe, les décors splendides et nous plonge sans difficulté dans des années 40 fantasmés pour appuyer le conte moderne et noir, la fable funeste qui se dessine inexorablement. Tout le récit est construit autour du parallèle entre les freaks qui vivent en marge, et le luxe des villes symbolisé par les clients richissimes et une femme psychiatre mystérieuse et femme fatale toute droite sortie des Films Noirs de l'Âge d'Or ; on note une partie charnelle très prude comme pouvait l'être les films des années 30-40. L'ambition d'un homme raie le parquet pourri des stands de la foire comme de celui ciré des buildings luxueux, mais la cire est aussi plus dur à fissurer. Décors, costumes, atmosphère, mise en abymes, Del Toro soigne l'écrin et émerveille visuellement mais pêche aussi par un scénario qui se laisse aller à des facilités forcément décevantes. Ainsi on nous fait croire qu'il tue en offrant une bouteille d'alcool alors que le pauvre était inévitablement en train de mourir d'une cirrhose et que cette bouteille n'a rien changé, le camp de forain est petit, exigu, tout se sait, sauf quand ça n'arrange pas le réalisateur (!?), le pire étant la séquence où la psychiatre/Blanchett demande au charlatan/Cooper de ne rien noter sur son carnet tandis qu'il l'a laisse enregistrer sans sourciller ; ce dernier point est si grossier qu'on devine la suite logique du récit. Enfin on est déçu par la toute scène finale où le personnage n'est pas assez loque humaine pour être crédible dans une telle situation. Del Toro signe un thriller hommage au cinéma de l'Âge d'Or somptueux, aux accents gothiques, sans omettre la femme vénéneuse cigarettes au coin des lèvres qui n'est pas sans rappeler déjà une Kim Basinger dans un autre hommage du style dans "L.A. Confidentiel" (1997) de Curtis Hanson, une galerie de personnages tous parfaitement croqués et une intrigue prenante mais qui se dévoile beaucoup trop vite. Une petite déception donc vu le potentiel, un très beau et très bon film, mineur si on se rappelle que c'est Del Toro derrière. Note généreuse !
Note :