The Young Lady (2017) de William Oldroyd

par Selenie  -  1 Août 2022, 08:39  -  #Critiques de films

Premier long métrage de deux sommités du théâtre britannique, à la réalisation William Oldroyd metteur en scène réputé au Young Vic Theater, au scénario Alice Birch dramaturge pour la Court Royal tandis que les deux artistes se sont connus au Royal Shakespeare Company. Le duo décide d'adapter le roman "Lady Macbeth du District de Mtsensk" (1865) de Nikolaï Leskov, sur une jeune femme étouffée dans un mariage sans amour avec un homme beaucoup plus âgé. Le roman est lui-même inspiré de la pièce "Lady Macbeth" (1599-1606) de Shakespeare et de la nouvelle "Le Hamlet du District de Chtchigry" (1859) de Tourgueniev. Précisons que le roman de Leskov a déjà été adapté pour le cinéma avec "Lady Macbeth sibérienne" (1961) de Andrzej Wajda et "Katia Ismailova" (1994) de Valeri Todorovski. Le roman a également été adapté en opéra par Chostakovitch dans les années 30, mais jugée trop subversive Staline la fera interdire. Le film est doté d'un budget de "seulement" 580 000 euros ce qui est ridicule pour un long métrage historique, le réalisateur précise : "Je savais qu'il était possible de faire un film d'époque avec un petit budget. Nous n'avions pas les possibilités de nous offrir de grands extérieurs, ni des scènes avec beaucoup de figurants. Nous nous sommes donc concentrés sur la psychologie d'un groupe de personnages vivant en 1865." Le film reçoit un très bon accueil critique et public, surtout pour un film d'auteur en costumes avec un box-office qui a rapporté plus de 4 millions de dollars. En prime, le film révèle te talent de trois acteurs, Cosmo Jarvis nommé au prix du meilleur espoir au British Independant Film Awards, Naomi Ackie lauréate du prix du meilleur espoir féminin, et surtout Florence Pugh meilleur actrice au British Independant Film Awards et meilleur espoir aux BAFTA l'équivalant de nos Césars...

En 1865, dans la campagne anglaise, Katherine est une jeune femme qui a dû épouser un vieil homme riche et rustre. Son époux ne la touche, lui montre aucune tendresse ou attachement, la délaisse et se retrouve la plupart du temps seule dans le vaste domaine. Un jour, elle est séduite par le palefrenier avec qui elle découvre l'amour physique puis la passion. Désormais amoureuse, elle va s'appliquer à construire un avenir meilleur... La jeune épouse est incarnée par Florence Pugh, remarquée d'abord dans "The Falling" (2014) de Carol Morley, vue ensuite notamment dans "Outlaw King" (2018) de David MacKenzie, "Midsommar" (2019) de Ari Aster ou encore "Black Widow" (2021) de Cate Shortland. L'époux est interprété par Paul Hilton vu dans "Klimt" (2006) de Raoul Ruiz et "Les Hauts de Hurlevent" (2012) de Andrea Arnold, son père est joué par Christopher Fairbank vu entre autre dans "Alien 3" (1992) de David Fincher, "Le 5ème Elément" (1997) de Luc Besson et "Les Gardiens de la Galaxie" (2014) de James Gunn. L'amant est incarné par Cosmo Jarvis aperçu dans "MI-5 Infiltration" (2015) de Bharat Nalluri, puis ensuite vu dans "Annihilation" (2018) de Alex Garland, "Hunter Killer" (2018) de Donovan Marsh et "L'Ombre de la Violence" (2020) de Nick Rowland. La servante est jouée par Naomi Ackie vue ensuite dans "Yardie" (2018) de Idris Elba et "Star Wars IX : l'Ascension de Skywalker" (2019) de J.J. Abrams. Citons encore Golda Rosheuvel vue ensuite dans "Dune" (2021) de Denis Villeneuve... La musique est signée de Dan Jones, peu connu et pourtant déjà très remarqué pour son travail singulier sur les B.O. des films "L'Ombre du Vampire" (2001) de E. Elias Merhige et "Max" (2006) de Menno Meyjes... L'autre point essentiel, d'autant plus pour un film d'époque et avec un budget limité, les costumes signés de Holly Waddington pour un des premiers films en Chef costumière après des années assitante, puis les décors signés de la Chef Décoratrice Jacqueline Abrahams qui a oeuvré entre autre sur les films "Intimité" (2001) de Patrice Chéreau"The Lobster" (2015) de Yorgos Lanthimos ou "Keepers" (2019) de Kristoffer Nyholm... Les décors se résument essentiellement au domaine du Château de Lambton dans le comté de Northumberland, un château immense qui accentue la sensation de solitude, un domaine gigantesque et champêtre qui donne la sensation d'être en autarcie loin des vicissitudes des cités urbaines. Les costumes restent simples, montrant aussi que les aristocrates ne vivent pas forcément dans le luxe. L'histoire débute ainsi dans une demeure sobre et austère, rustique à l'image du maître de maison qui offre une nuit de noce pour le moins inattendue, une de ces nuits qui ne peut laisser Madame au pire très humiliée, au mieux très décontenancée. Un homme incompréhensible mais dont l'épouse va vite se trouver une porte vers  la liberté. La luxure s'invite soudain dans le château au grand dam du beau-père d'abord, mais aussi au grand dam de la servante.

Cela nous donne deux niveaux de lecture, deux sujets sous-jacents. D'abord la question de la passion, la chair interdite, la question de la réputation et des convenances, mais aussi la place de la femme et la différence sociale. Ainsi on constate que la servante est choquée par les agissements de sa maîtresse, mais on ressent surtout la peur de ne pas réagir comme il faut, la peur d'être plus tard une victime collatérale des délires de la chatelaine. La question de la place de chacun est tout aussi pregnant, le palefrenier, bien qu'un homme n'est jamais à l'aise dans sa nouvelle position, et la peur l'assaille également  de façon violente. La réalisation est à l'image du récit, lancinante, discrète et élégante dans la première partie du film, elle se fait plus nerveuse, plus mobile au fil du récit. Dans les scènes d'amour, certains ont critiqué le manque de "sensualité", mais elle paraît justement plus réaliste, car cet adultère s'avère forcément animal, bestial, direct car il se doit d'être secret et donc furtif. D'ailleurs, la relation devient plus "officielle" petit à petit. Le film frappe par sa violence aussi, par l'ignominie d'une jeune femme qui était au départ vertueuse et optimiste en son avenir, du moins le devine-t-on ainsi. Le premier atout du film est d'avoir su nous faire apprécier cette jeune femme, avant de nous montrer son évolution vers l'innommable. Quasi en huis clos, le récit se résume à 6-7 protagonistes, tous joués avec justesse par des acteurs inspirés et investis. Par exemple Cosmo Jarvis a passé du temps avec les chevaux et les chiens pour s'imprégner de son personnage, Naomie Ackie et Florence Pugh se sont documenté sur le quotidien des femmes en 1865... etc... Une authenticité parfaitement assurée par des costumes/décors dont il faut saluer le travail avec un budget aussi minime. Le réalisateur William Oldroyd et sa scénariste Alice Birch signe un premier film de grande qualité, un drame effroyable et émouvant, une sorte d'anti-thèse à une "Lady Chatterley" trop romanesque. A voir et à conseiller.

 

Note :      

 

16/20
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