Pendez-Les Haut et Court (1968) de Ted Post

par Selenie  -  18 Juin 2024, 08:55  -  #Critiques de films

Après la trilogie du Dollar (1964-1966) de Sergio Leone, l'acteur Clint Eastwood devient enfin un acteur qui intéresse les producteurs hollywoodiens. C'est ainsi que la United Artists lui propose le rôle principal d'un nouveau western mais l'acteur se montre réticent à rempiler aussi vite dans ce genre mais il finit par accepter après l'insistance de Leonard Irvong, son ami et associé avec qui il vient de fonder The Malpaso Company (1967, puis Malpaso Productions en 1988) devenant ainsi son propre producteur. L'acteur a alors l'idée de proposer la réalisation à Sergio Leone qui refuse pour "Il Etait une fois dans l'Ouest" (1968). Finalement l'acteur fait appel à Ted Post qu'il a connu justement sur la série TV "Rawhide" (1959-1964) qui l'avait révélé. Le réalisateur retrouvera son acteur pour "Magnum Force" (1973). Le scénario est signé de Mel Goldberg qui écrit essentiellement pour la télévision, et Leonard Freeman, également producteur, les deux hommes ont auparavant travaillé sur la série TV "Les Incorruptibles" (1959-1963). Notons que le nom du héros est Jed Cooper, qui était déjà porté par Victor Mature dans "La Charge des Tuniques Bleues" (1955) de Anthony Mann. Le western est un succès, le premier d'un film porté par Eastwood aux Etats-Unis à tel point qu'il rapporte le premier jour de sa sortie plus que les James Bond sur la même époque... Accusé à tort de vol de bétail et de meurtre, Jed Cooper est lynché par des habitants de Red Creek. Suavé in extremis par le marshall Dave Bliss, il bénéficie est blanchie par le juge Fenton, juge réputé intraitable représentant la loi et la justice dans le territoire encore sauvage de l'Oklahoma. Le juge engage Cooper pour devenir Marshall, pour l'obliger à capturer ses bourreaux plutôt que de les tuer par simple vengeance. Bientôt Jed Cooper devient un marshall renommé mais qui va aussi se poser des questions sur la notion de justice... 

Le marshall Jed Cooper est donc incarné par Clint Eastwood qui tourne la même année dans "Un Shérif à New-York" (1968) de Don Siegel et "Quand les Aigles Attaquent" (1968) de Brian G. Hutton. Le juge Fenton est joué par Pat Hingle qui retrouvera Eastwood pour "Le Retour de l'Inspecteur Harry" (1983) mais son rôle le plus connu sera sans doute l'inspecteur Gordon dans la saga "Batman" (1989-1997). La belle est jouée par Inger Stevens vue sur la même période dans d'autres westerns avec "La Poursuite des Tuniques Bleues" (1967) de Phil Karlson, "Les Cinq Hors-la-Loi" (1968) de Vincent McEveety et "Cinq Cartes à Abattre" (1968) de Henry Hathaway. Citons ensuite Bruce Dern qui aura son apogée la décennie suivante dans "Gatsby le Magnifique" (1974) de Jack Clayton, "Complot de Famille" (1976) de Alfred Hitchcock ou "Driver" (1978) de Walter Hill et retrouve après "Le Fleuve Sauvage" (1960) de Elia Kazan son partenaire Robert Earl Jones (père de James Earl Jones) qui retrouve après "Le Coup de l'Escalier" (1959) de Robert Wise les acteurs Ed Begley surtout remarqué dans le jury de "Douze Hommes en Colère" (1957) de Sydney Lumet puis Bill Zuckert vu aussi dans "Shock Corridor" (1963) de Samuel Fuller et "Le Kid de Cincinnati" (1965) de Norman Jewison. Citons encore Arlene Golonka aperçue dans "Les Plaisirs de Pénélope" (1966) de Arthur Hiller ou "Frontières en Flammes" (1967) de Burt Kennedy, Bob Steele aperçu dans "Le Grand Sommeil" (1946) et "Rio Bravo" (1959) tous deux de Howard Hawks, Alan Hale Jr. vu notamment dans "La Rivière de nos Amours" (1955) de André De Toth ou "Le Tueur s'est Evadé" (1956) de Budd Boetticher et retrouvera dans "Le Reptile" (1970) de J.L. Mankiewicz son partenaire Bert Freed apparu dans "Les Sentiers de la Gloire" (1957) de Stanley Kubrick ou "Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?" (1962) de Robert Aldrich et retrouve aussi Pat Hingle après "Nevada Smith" (1966) de Henry Hathaway à l'instar de L.Q. Jones acteur fétiche de Sam Peckinpah pour cinq de ses films retrouvant ainsi entre "Major Dundee" (1965) et "La Horde Sauvage" (1969) Ben Johnson gueule bien connue des westerns dont une bonne douzaine avec John Ford et/ou John Wayne, Charles McGraw aperçu dans "La Chaîne" (1958) de Stanley Kramer ou "Les Oiseaux" (1963) de Alfred Hitchcock qui retrouve Eastwood après "Brisants Humains" (1956) de Joseph Pevney ainsi que James Westerfield qui retrouve aussi Pat Hingle après "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan et après "Les Quatre Fils de Katie Elder" (1965) de Henry Hathaway l'acteur Dennis Hopper qui a débuté aux côtés de son ami James Dean dans "La Fureur de Vivre" (1955) de Nicholas Ray et "Géant" (1956) de George Stevens, Ruth White vue dans "Du Silence et des Ombres" (1962) et "Le Sillage de la Violence" (1965) tous deux de Robert Mulligan et retrouve après "L'Homme qui tua la Peur" (1957) de Martin Ritt son partenaire Roy Glenn remarqué dans "Carmen Jones" (1954) et "Porgy and Bess" (1959) tous deux de Otto Preminger, puis James MacArthur apparu dans "Les Robinsons des Mers du Sud" (1960) et "La Bataille des Ardennes" (1965) tous deux de Ken Annakin, et n'oublions pas un certain Benny Hill en figurant... Ce qui séduit avant tout c'est ce mix entre le classicisme hollywwodien du western, genre américain par excellence, et le western spaghetti dont on sent l'influence sans doute aussi grâce à l'expérience du producteur-acteur. Le début du film est clairement sous influence spaghetti avec une musique bien présente, un lynchage dont la violence est assumée, et une victime qui va se métamorphoser. En effet, Jed Cooper/Eastwood n'est alors qu'un cowboy avant de revenir d'entre les morts avec une envie de vengeance légitimer en devenant marshall. On constate alors que Jed Cooper change aussi de tenue, passant d'une tenue de cowboy lambda à une tenue plus stricte, cintrée et noire qui n'est pas sans annoncer celle de "Pale Rider" (1985). 

Si le héros reste logiquement Jed Cooper/Eastwood qui passe de vengeur légitimé par la loi à un homme de loi s'éveillant à la Justice morale c'est pourtant le juge Benton/Hingle qui est vraiment intéressant d'un point de vue psychologique mais surtout d'un point de vue idéologique, et qui volerait presque la vedette à la star. Ce juge est assurément inspiré par un des juges légendaires du far-west, non pas le truculent Roy Bean (Tout savoir ICI) qui a librement inspiré "Juge et Hors-la-Loi" (1972) de John Huston, mais plutôt le nommé Isaac Parker (Tout savoir ICI). Le propos du film aurait encore toute sa place dans le débat public (peine de mort, mais aussi simplement échelle des peines) mais évite de belle manière l'écueil de la morale avec cette fin et le choix de Jed Cooper. La partie la plus marquante reste l'exécution de six accusés, devant une foule joyeuse et un Jed Cooper qui préfère s'offrir une partie de jambe en l'air plutôt que d'aller au spectacle. L'idylle est un peu superficielle peut-être, et niveau action ça manque un peu de panache mais ça reste un western plus cérébral qu'il n'y paraît et le duo Juge Benton-Marshall Cooper reste un must du genre. Un très bon moment.

 

Note :                 

15/20
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T
Revu il n'y a pas très longtemps en DVD... <br /> La relation (de travail? de "mission"?) entre Jed Cooper et le juge Benton est effectivement complexe...<br /> Ce que j'en retiens (à tort?), c'est qu'un "principe" (se venger? punir? pardonner?) est aussi une question de rapport de force et de "loi de l'offre et de la demande" (quand Cooper arrive à "tordre le bras" du juge [négocier avec lui?] qui a besoin de lui pour une dernière mission...).<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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