Mort du compositeur Lalo Schifrin

Après Léa Massari qui nous quitte alors que l'été s'éveille, voici qu'on apprend la mort du compositeur et chef d'orchestre Lalo Schifrin ce 26 juin 2025 à l'âge de 93 ans.

Né en 1932 à Buenos Aires en Argentine, Boris Claudio Schifrin est un enfant d'une famille recomposée d'un père juif et d'une mère catholique. Le père est durant trente années Premier Violon et chef d'orchestre philharmonique à l'opéra de Buenos Aires. Dès l'âge de cinq ans il étudie la musique dans un cursus classique dont le piano avec le père du célèbre pianiste Daniel Barenboim, qui s'avère particulièrement sévère. Mais en cachette il écoute du tango et regarde des films dont il réécoute la bande son. Adolescent il poursuit ses études au Colegio Nacional de Buenos Aires qui laisse un eplace importante à la culture française. Il s'y découvre une passion pour le jazz qui est interdite en Argentine ! Il parvient à acquérir ou à se faire offrir des disques par la contrebande. Il continue à étudier le piano avec les professeurs les plus réputés et prend des cours particulier de composition. En 1952, il réussit le concours d'entrée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. L'Argentine alors sous dictature reçoit l'autorisation de la police secrète à poursuivre ses études à Paris en France et reçoit une bourse d'étude. Il étudie entre autre auprès de Olivier Messiaen et joue la nuit dans les orchestre de jazz dans le quartier Saint-Germain. Il se familiarise à la musique cubaine qu'il finit par incorporer dans son jazz. Un dimanche matin, il apprend que Olivier Messaien improvise à l'orgue à l'église de la Trinité. Le jeune Schfrin tentera en vain de rapprocher ses mondes musicaux différents. Déjà passionné de cinéma il va devenir réellement cinéphile en fréquentant la Cinémathèque Française. 

Il commence à travailler professionnellement, d'abord comme pianiste de jazz, puis devient compositeur chez Eddie Barclay et arrangeur pour le label musical RCA. En 1956, il repart en Argentine "pour des raisons familiales et économiques". Il fonde son orchestre de jazz qui désormais est autorisé en Argentine. Une de ses idoles l'écoute un soir à Buenos Aires, il s'agit de Dizzy Gillepsie qui l'invite au Etats-Unis mais il n'obient pas de visa. Son premier pas dans le cinéma arrive quand on lui propose de participer à la bande originale du film "Venga a Bailar el Rock" (1958) de Carlos Stevani, puis enchaîne avec la B.O. du film "El Jefe" (1958) de Fernando Ayala qui remporte le prix du meilleur film argentin. Ce succès lui permet d'obtenir enfin son visa pour les Etats-Unis, mais il doit ensuite patienter une année avant que la Fédération Américaine des Musiciens ne l'autorise à devenir officiellement le pianiste du quintet de Dizzy Gillepsie (ci-dessous). Il joue ainsi avec son idole deux années. Entre temps Lalo Schifrin est un des ambassadeurs de la bossa nova aux Etats-Unis. 

Il devient arrangeur pour le label Verve Records et travaille ainsi pour des grands noms du jazz comme Count Basie, Sarah Vaughan ou encore Stan Getz. La chance tourne grâce à Verve qui appartient au studio MGM ce qui lui permet de devenir compositeur maison pour leurs films. Lalo Schifrin s'installe alors à Hollywood en 1963.

Etant donné qu'il parle français, on lui propose de composer la B.O. du film "Les Félins" (1964) de René Clément : "René Clément m'a permis de révéler ce potentiel, de combiner musique symphonique, jazz et électronique. Si l'on compare ma carrière cinématographique à une maison, Les Félins en sont les fondations." 

La même année on lui propose aussi des programmes télés, c'est ainsi qu'il compose aussi pour les séries TV "Des Agents très Spéciaux" (1964) ou "La Grande Vallée" (1964). Sa carrière va prendre un envol soudain avec coup sur coup la B.O. du film "Le Kid de Cincinnati" (1965) de Norman Jewison où Ray Charles chante sur sa musique, puis il signe la B.O. mythique de la série TV "Mission Impossible" (1966) sans savoir alors que son air à cinq temps va devenir une des musiques les plus connues du petit et du grand écran. Sur la même période, le même producteur lui demande de signer le thème de la série TV "Mannix" (1967), et signe même plusieurs épisodes de l'émission "L'Odyssée sous-marin de l'Equipe Cousteau" (1966-1968).

Cette fois la carrière de Lalo Schifrin est lancée définitivement, et sans doute ne sait-il pas qu'il va marquerla télévision et surtout le cinéma avec plus de 250 compositions...

Il signe la B.O. du chef d'oeuvre "Luke la Main Froide" (1967) de Stuart Rosenberg, puis surtout il signe le morceau qui précède la fameuse course-poursuite dans "Bullitt" (1968) de Peter Yates et paradoxalement persuade le réalisateur de laisser la course poursuite sans musique. 

Il fait la rencontre de deux personnalités qui vont marquer sa filmographie grâce à son travail sur "Un Shérif à New-York" (1968) de Don Siegel avec Clint Eastwood, il retrouvera ensuite les deux dans plusieurs films dont tous ceux de la saga "L'Inspecteur Harry" (1971-1988), mais aussi "De l'Or pour les Braves" (1970) de Brian G. Hutton ou "Joe Kidd" (1972) de John Sturges.

Il compose aussi les muisques pour les films "Duel dans le Pacifique" (1968) de John Boorman, "THX 1138" (1971) de George Lucas, puis "Opération Dragon" (1973) de Robert Clouse choisit par la star Bruce Lee lui-même car il s'entraîne sur la B.O. de "Mission Impossible" mais par contre sa proposition pour "L'Exorciste" (1973) de William Friedkin n'est pas retenue.

Il signe une nouveau thème culte pour la série TV "Starsky et Hutch" (1975), et surtout il reste le fidèle collaborateur des films de Stuart Rosenberg  avec "Le Voyage des Damnés" (1976), "Avec les Compliments de Charlie" (1979), "Amityville, la Maison du Diable" (1979) et "Brubaker" (1980).

Etonnamment les titres se font moins prestigieux ou les films rencontrent moins de succès mais on peut citer "La Peau" (1981) de Liliana Cavani et "Osterman Week-End" (1983) de Sam Peckinpah.

Outre la musique de cinéma Lalo Schifrin semble s'intéresser de plus en plus à d'autres sons ou désire revenir aux sources. Ainsi il compose en 1988 un album d'ethnomusicologie "Cantos Azrecas" chanté en langue azrèque, le nahuati par le ténor Placido Domingo et qui est enregistré lors d'un concert devant la Pyramide de la Lune de Teotihuacan au Mexique.

Il enregistre ensuite pas moins de sept albums de jazz entre 1994 et 2000, puis est l'arrangeur des concerts des trois ténors Placido Domingo, José Carreras et Luciano Pavarotti lors des coupes du monde de football 1990, 1994 et 1998. Vu la popularité de ce sport ces trois concerts sont les albums les plus vendus au monde pour Lalo Schifrin !

Pour le cinéma, la dernière grande collaboration est pour la trilogie "Rush Hour" (1998-2007) de Brett Ratner.

Le compositeur a son étoile à Hollywood en 1988. Il aura été nommé à quatre reprise aux Emmy Awards sans en obtenir, il obtient quatre Grammy Awards (sur 19 nominations), et est nommé six fois à l'Oscar entre 1967 et 1983 sans être lauréat exception faite de l'Oscar d'honneur en 2018.

L'artiste s'est marié une première fois avec un fils devenu scénariste et une fille devenue styliste. Il se remarie en 1971, et aura un autre fils qui va devenir réalisateur-scénariste. Le couple habitent à Beverly Hills dans l'ancienne maison de Groucho Marx. En 1997, le couple fonde leur propre maison de disque Aleph Records.

Lalo Schifrin se sera battu pour marier les musiques du monde au jazz, il aura marqué le Septième Art ou la télévision durant plus de six décennies avec une apogée qu'on pourrait sans doute situer entre 1965 et 1980 et reste encore dans les mémoires encore tout récemment car s'il n'en est pas le compositeur officiel il est bel et bien à l'origine de la musique mythique de la saga cinéma "Mission Impossible" (1996-2025) dont le dernier film vient de sortir.

Lalo Schifrin a succombé des suites d'une complications à une pneumonie ce jeudi 26 juin 2025 à l'âge de 93 ans.