La Main au Collet (1955) de Alfred Hitchcock

par Selenie  -  11 Avril 2022, 08:43  -  #Critiques de films

Après "Le Crime était Presque Parfait" (1954) et "Fenêtre sur Cours" (1955) le réalisateur Alfred Hitchcock est ravi, il est au sommet, a retrouvé une, la muse idéale dont il a toujours rêvé, et désire maintenant un film plus léger. Ce sera une comédie plus assumée, une comédie sophistiquée située dans le sud de la France, imposant d'emblée le Côte d'Azur comme un personnage principal. Hitchcock voulait profiter du tournage pour profiter aussi de la Côte d'Azur, à tel point qu'il aurait perdu plusieurs kilos avant le tournage afin de se préparer à profiter de la gastronomie française ! Anecdote confirmée par Grace Kelly elle-même : "Quand il est arrivé pour tourner, il avait mis trois jours pour descendre de Paris à cannes ; il s'était arrêté dans tous les grands restaurants." Il décide donc de porter à l'écran le roman éponyme (1952) de David Dodge dont il avait acheté les droits dès 1951 avant même sa parution. Un autre roman de l'auteur a entre temps été adapté avec "Les Pillards de Mexico" (1953) de John Farrow. Satisfait de sa collaboration sur "Fenêtre sur Cours", Hitchcock réengage pour le scénario John Michael Hayes qu'il retrouvera encore pour ses deux prochains films. La Paramount impose un tournage en Vistavision, procédé (amélioration de l'image, style "panoramique") qui devait concurrencer le Cinémascope de la Fox et que le réalisateur utilisera encore quelques années. Précisons que contrairement aux idées reçues ce n'est pas durant ce tournage sur la Côte d'Azur (été 1954) que Grace Kelly a connu le prince Rainier de Monaco, en effet elle le rencontra en mai 1955 à Cannes au cours d'un reportage pour Paris-Match en marge de la présentation du film "Une Fille de Province" (1955) de George Seaton pour lequel elle venait d'être oscarisée...  John Robie, dit le Chat, est un cambrioleur de haut vol retiré des affaires qui goûte une retraite dorée sur la Côte d'Azur mais bientôt la police vient le voir suite à des vols de bijoux dont la méthode fait de lui le suspect n°1. Mais étant innocent, il décide d'enquêter et de prouver qu'il s'agit d'un copieur... 

Robie the Cat est incarné par Cary Grant qui retrouve Hitchcock après "Soupçons" (1941) et "Les Enchaînés" (1946), le cinéaste ayant enfin réussit à réengager son acteur favori après plusieurs déceptions et malgré que l'acteur s'était mis un peu en retrait des plateaux depuis presque 3 ans. La jeune héritière est évidemment incarnée par la muse blonde hitchcockienne Grace Kelly qui retrouve son réalisateur pour la troisième fois après avoir entre temps tourné dans "Une Fille de Province" qui lui rapportera un Oscar. La maman de cette dernière est jouée par Jessie Royce Landis qui retrouvera sa "fille" dans "Le Cygne" (1956) de Charles Vidor avant de retrouver Cary Grant et Hitchcock dans "La Mort aux Trousses" (1959). L'agent d'assurance est interprété par John Williams qui retrouve également le réalisateur après "Le Procès Paradine" (1947) et "Le Crime était Presque Parfait" (1954). C'est aussi un film qui réunit une grande partie d'acteurs français mené d'abord par le monstre sacré Charles Vanel, acteur qui jouera près de 200 rôles de "Jim Crow" (1910) de Robert Péguy à "Les Saisons du Plaisir" (1988) de Jean-Pierre Mocky en passant par le "Hitchcock français" avec "Le Salaire de la Peur" (1953) et "Les Diaboliques" (1955) tous deux de Henri-Georges Clouzot. Citons ensuite Brigitte Auber vue entre autre dans "Les Portes de la Nuit" (1946) de Marcel Carné et "Sous le Ciel de Paris" (1951) de Julien Duvivier, Jean Martinelli vu dans "Les Trois Mousquetaires" (1953) de André Hunebelle et "Le Rouge et le Noir" (1954) de Claude Autant-Lara, Georgette Anys qui retrouve Brigitte Auber après "Sous le Ciel de Paris" vue aussi dans "Fanfan la Tulipe" (1952) de Christian-Jaque et "Les Espions" (1957) de Clouzot. On reconnaît aussi plusieurs seconds couteaux du cinéma hexagonal comme René Blancard, Dominique Davray, Louis Mercier, Philip Van Zandt ou encore Roland Lesaffre connu pour avoir jouer dans 10 films de Marcel Carné de "La Marie du Port" (1950) à "La Merveilleuse Visite" (1974)... La photographie particulièrement soignée fait tout pour accentuer cette sensation de carte postale, vraie spot de publicité pour la Côte d'Azur et vrai troisième rôle principal comme Hitchcock le souhaitait. Le film s'ouvre sur plusieurs vols du Chat condensé en quelques petites minutes pour créer cette effervescence qui met la police en branle, tandis que subrepticement le voleur est matérialisé par un chat noir qui fuit sur les toits tranquillement.

Le voleur devient enquêteur et en profite pour séduire une belle héritière qui va s'avérer plus futée qu'il n'y paraît. Mais derrière cette intrigue policière c'est surtout la romance papier glacée qui intéresse le cinéaste. Ainsi Hichcock use une nouvelle fois de ces marottes, l'enjeu est un macguffin (rappel ici !), le héros un faux coupable et ...Le film sent bon les vacances et le soleil brille comme pour la saison des amours, ça tombe bien puisqu'on attend évidemment le face à face entre Cary Grant, l'homme classe et stylé par excellence, et Grace Kelly blonde hitchcockienne par excellence qui forment ainsi le couple parfait et didéal selon Hitchcock qui sont aussi sophistiqué que sa comédie. Mais le vrai atout du film repose sur les dialogues savoureusement à double sens à tel point que le cinéaste a eu maille à partir avec le PCA (organisme de censure hollywoodien) ; on citera surtout la partie du poulet, "le blanc ou la cuisse", blanc se disant "breast" en anglais (à voir en V.O. évidemment !) et qui signifie aussi seins ! D'autant plus savoureux ce passage qu'il était déjà question de poulet lors d'un baiser mythique dans "Les Enchaînés" avec déjà un certain Cary Grant. Par là même on notera ce feu d'artifice qui symbolise la montée de l'excitation. On voit que le cinéaste est sans doute moins judicieux avec cette jeune femme jouée par Brigitte Auber qui prend Grace Kelly pour une femme beaucoup plus âgée alors qu'elles ont sensiblement le même âge. Ce jeu de "génération" semble bien futile. En tous cas, Grace Kelly se sera jamais aussi séduisante et surtout séductrice. Plus triste, Grace Kelly racontera plus tard que Cary Grant avait peur pour le tournage de la course en voiture sur les falaises surplombant Monaco car l'actrice était myope, ce qui malheureusement prémonitoire quand on sait que l'actrice devenue princesse de Monaco se tuera en voiture sur une route similaire en 1982... Et plus joyeusement on peut passé à côté du caméo de Hitchcock qui renvoie sans le savoir à un de ses futurs grands chefs d'oeuvres avec "Les Oiseaux" (1963).

 

Note :                  

17/20
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