Revoir Paris (2022) de Alice Winocour

par Selenie  -  8 Septembre 2022, 10:33  -  #Critiques de films

Après le drame historique "Augustine" (2012), le thriller anxiogène "Maryland" (2015) et la chronique spatio-familiale "Proxima" (2019) la réalisatrice-scénariste Alice Winocour revient avec un sujet très contemporain et un drame brûlant tant il est encore très présent dans l'actualité et notre quotidien, à savoir les attentats de 2015. La cinéaste précise : "Mon frère était au Bataclan, le 13 novembre. Pendant qu'il était caché, je suis restée en lien sms avec lui une partie de la nuit. (...) Le film s'est construit à partir des souvenirs de cet événement traumatique, puis à partir du récit de mon frère dans les jours suivant l'attaque. J'ai expérimenté sur moi-même comment la mémoire déconstruisait, et bien souvent, reconstruisait les événements." La cinéaste a pu collaborer avec son frère, mais a aussi et surtout dialogué avec les victimes via les forums et les associations de victimes : "J'ai rencontré une communauté forte de personnes qui essayaient de se reconstruire ensemble en revenant parfois sur les lieux. J'ai été très touchée par l'idée qu'on ne peut pas se reconstruire seul." Alice Winocour a écrit son scénario avec Jean-Stéphane Bron réalisateur-documentariste avec qui elle avait déjà collaboré sur ses deux derniers films, puis avec Marcia Romano qui a déjà une grande expérience ayant notamment déjà écrit pour des réalisatrices comme sur "Belle Epine" (2010) de Rebecca Zlotowski, "La Tête Haute" (2014) et "De son Vivant" (2021) tous deux de Emmanuelle Bercot ou "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan...  "

Paris 2015, Mia est prise dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, toujours traumatisée elle est toujours incapable de reprendre normalement sa vie alors qu'elle a un trou noir sur ce qui s'est passé lors de cet attentat. Mia décide de se renseigner sur ce qui s'est réellement passer lors de cette attaque espérant retrouver le chemin vers un bonheur qu'elle a perdu... Mia est incarnée par l'omniprésente Virginie Efira vue cette année dans "En Attendant Bojangles" (2022) de Régis Roinsard et "Don Juan" (2022) de Serge Bozon, elle retrouve la scénariste Marcia Romano après "Adieu les Cons" (2020) de et avec Albert Dupontel. Elle croise ou rencontre ainsi Benoît Magimel qui était dans "De son Vivant" (2021) de Emmanuel Bercot et vu récemment dans "Incroyable mais Vrai" (2022) de Quentin Dupieux, et retrouve après "Amants" (2020) de Nicole Garcia son partenaire Grégoire Colin, qui retrouve Alica Winocour après "Augustine" (2012) et "Proxima" (2019), et ironie du sort retrouve Magimel peu de temps après avoir tourné avec son ex Juliette Binoche et leur fille dans "Avec Amour et Acharnement" (2022) de Claire Denis. Citons ensuite l'italienne Maya Sansa actrice récurrente chez Marco Bellochio mais vue aussi en France entre autre dans "Alceste en Bicyclette" (2013) de Philippe Le Guay et "L'Echange des Princesse" (2017) de Marc Dugain, Amadou Mbow révélation du film remarqué "Atlantique" (2019) de Mati Diop, et enfin Anne-Lise Heimburger vue dans "Renoir" (2012) de Gilles Bourdos, "La Douleur" (2018) de Emmanuel Finkiel dans lequel jouait aussi Benoît Magimel ou "Paul Sanchez est Revenu" (2018) de Patricia Mazuy... Le début du film pose très vite le trauma avec la scène de l'attentat, une fusillade judicieusement filmée à hauteur du sol imposant une immersion avec les yeux de Mia/Efira qui ne fait, pourtant, que débuter un puzzle auquel il manque une multitude de pièces de souvenirs. Une quête de mémoire qui place Mia comme une sorte de fantôme qui souffre de ses souvenirs ; sur ce point la réalisatrice a demandé à son actrice de regarder le film "Dead Zone" (1983) de David Cronenberg où l'acteur Christopher Walken incarne un personnage qui semble être "spectateur de sa mémoire".

La différence est que Mia veut combler son trou noir, seul chemin possible vers un possible avenir plus heureux. Il y est question de devoir de mémoire, mais aussi de son côté pervers les souvenirs n'étant pas toujours aussi limpide qu'on pourrait le croire avec notamment cette terrible et déchirante scène de révélation sur la femme qui se cache dans les WC, mais si la réalisatrice se focalise sur les victimes et leur mémoire elle n'en oublie pas les victimes collatérales, les proches et familles qui sont finalement tout aussi perdus (comment aider, savoir aider, quoi et comment faire... etc..) avec par exemple cette courte séquence d'une épouse lucide sur l'avenir de leur couple. Le film sonde avec justesse les méandres de souvenirs encore en lambeaux, montre aussi une solidarité au-delà des événements, et si il y a un message d'espoir on ne peut s'empêcher de voir aussi une page qui se tourne de façon violente et à l'insu des uns et des autres juste parce qu'un souvenir est devenu plus puissant et omniprésent que toute une histoire d'amour. En prime des très bons acteurs dont, évidemment, le duo Efira-Magimel, beau touchant et tragique mais si l'espoir prévaut. Un très bon et très beau film auquel il manque peu pour être un grand film. 

 

Note :      

 

15/20
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