Mort de Micheline Presle
Dernière star centenaire à partir après Danielle Darrieux, nous apprenons la mort de l'actrice Micheline Presle ce 21 février à l'âge de 101 ans.
Née en 1922 à Paris Micheline Chassagne est la fille d'un négociant et d'une mère au foyer. La jeune Micheline est amie avec Corinne Luchaire (qui sera collabo durant l'Occupation ensuite) qui devient actrice dès 1935 et qui permet à Micheline de l'accompagner sur les plateaux de tournage. À force, Micheline obtient un rôle de figuration dans "La Fessée" (1937) de Pierre Caron sous le nom de Micheline Michel.
Elle enchaîne alors quelques films comme figurante jusqu'à ce qu'on lui propose un rôle principal dans "Jeunes Filles en Détresse" (1939 - ci-dessous à droite) de Georg Wilhelm Pabst où son personne se nomme Jacqueline Presle. La jeune actrice emprunte donc le nom et devient Micheline Presle. Le film est un succès et lance définitivement sa carrière.
Elle poursuit avec "Elles étaient Douze Femmes" (1940) de Georges Lacombe avec les plus expérimentées Gaby Morlay et Françoise Rosay, puis surtout "Paradis Perdu" (1940 - ci-dessous) de Abel Gance où elle est particulièrement remarquée pour son double rôle.
Désormais connue et reconnue elle est lancée dans une décennie qui va faire d'elle une star de premier ordre avec entre autre "Fausse Alerte" (1940) de Jacques de Baroncelli avec Joséphine Baker, "Parade en Sept Nuits" (1941) de Marc Allégret avec Jean-Louis Barrault, Raimu et Louis Jourdan, retrouvant ce dernier et le réalisateur coup sur coup dans le drame "Félicie Nanteuil" (1942 - ci-dessous) et la comédie "La Belle Aventure" (1942).
Citons ensuite "Un Seul Amour" (1943) de Pierre Blanchar avec Charles Vanel et Pierre Brasseur, et surtout connaît un grand succès avec "Falbalas" (1944) de Jacques Becker avec Anne Vernon, "Boule de Suif" (1945 - ci-dessous) de Christian-Jaque et "Le Diable au Corps" (1947) de Claude Autant-Lara avec Gérard Philippe qu'elle retrouve pour "Tous les Chemins mènent à Rome" (1949) de Jean Boyer.
Elle part aux Etats-Unis à la fin des années 40 où elle rencontre William Marshall qui vient de divorcer d'une certaine Michèle Morgan. Micheline Presle divorce également de son époux joueur de tennis Michel Lefort et épouse en 1949 le réalisateur-acteur américain.
Elle tourne ensuite dans le peplum "Les Derniers Jours de Pompéi" (1950 - ci-dessous) de Marcel L'Herbier et Paolo Moffa avec Georges Marchal, puis enchaîne avec des productions internationales dont "La Belle de Paris" (1950) de Jean Negulesco avec John Garfield, "Guérillas" (1950) de Fritz Lang avec Tyrone Power, "La Taverne de la Nouvelle-Orléans" (1951) de son époux William Marshall avec Errol Flynn avant une petite pause pour sa grossesse. Elle a une petite fille en 1951, Tonie Marshall future réalisatrice.
Elle revient avec "Les Amants de la Villa Borghese" (1953) de Gianni Franciolini pour lequel elle retrouve son partenaire Gérard Philippe avant de tourner dans le classique "La Dame aux Camélias" (1953 - ci-dessous) de Raymond Bernard. Elle participe au casting étoilé de "Si Versailles m'était Conté..." (1954) et "Napoléon" (1955) tous deux de Sacha Guitry, entre temps elle tourne le drame "L'Amour d'une Femme" (1954) de Jean Grémillon où elle retrouve Gaby Morlay, puis "Les Impures" (1954) de Pierre Chevalier avec William Marshall avant de divorcer en 1955.
Elle joue ensuite dans "La Mariée était trop Belle" (1956) de Pierre Gaspard-Huit avec Brigitte Bardot et Louis Jourdan, joue dans le drame historique "Le Château des Amants Maudits" (1956) de Riccardo Freda, joue aux côtés de Jeanne Moreau et Madeleine Robinson dans "Les Louves" (1957 - ci-dessous) de Luis Saslavsky, éveille les amours de Alain Delon et Romy Schneider dans "Christine" (1958) de Pierre Gaspard-Huit avant de joeur dans le film britannique "L'Enquête de l'Inspecteur Morgan" (1959) de Joseph Losey avec Hardy Krüger et Stanley Baker.
La star joue dans le drame "Une Fille pour l'Été" (1960 - ci-dessous) de Edouard Molinaro, joue aux côtés du monstre sacré Jean Gabin dans "Le Baron de l'Écluse" (1960) de Jean Delannoy, aborde le film d'espionnage dans "Les Mystères d'Angkor" (1960) de William Dieterle avec Lino Ventura, joue dans le drame "Les Grandes Personnes" (1961) de Jean Valère avec Maurice Ronet et Jean Seberg, elle retrouve cette dernière aussitôt après dans "L'Amant de Cinq Jours" (1961) de Philippe De Broca.
Elle retourne en Italie pour "L'Assassin" (1961 - ci-dessous) de Elio Petri avec Marcello Mastroianni, puis "Les Guerilleros" (1961) de Mario Camerini avec Vittorio Gassman et Ernest Borgnine. Elle incarne une journaliste dans "La Loi des Hommes" (1962) de Charles Gérard, participe ensuite coup sur coup aux films à sketchs "Les Sept Péchés Capitaux" (1962) dans le segment La Luxure de Jacques Demy puis "Le Diable et les Dix Commandements" (1962) de Julien Duvivier.
Elle incarne Joséphine de Beauharnais, belle-soeur de Pauline Bonaparte alias Gina Lollobrigida dans "Vénus Impériale" (1963) de Jean Delannoy, puis joue dans la comédie "Le Coup de Bambou" (1963) de Jean Boyer, suit avec le polar américain "Pas de Lauriers pour les Tueurs" (1963 - ci-dessous) de Mark Robson avec Paul Newman, Elke Sommer et Edward G. Robinson, joue aux côtés de la nouvelle génération avec Jean-Claude Brialy, Claude Rich et Jean-Paul Belmondo dans "La Chasse à l'Homme" (1964) de Edouard Molinaro, puis rencontre trois clochards joués par Charles Denner, Michel Galabru et Jean Rochefort dans "Les Pieds Nickelés" (1964) de Jean-Claude Chambon.
Elle tourne dans le polar "Je vous salue Mafia" (1965) de Raoul Lévy avec Henry Silva et Elsa Martinelli, croise la nonne Anna Karina dans "La Religieuse" (1966) de Jacques Rivette avant de jouer dans "Le Roi de Coeur" (1966 - ci-dessous à gauche) de Philippe De Broca avec Alan Bates et Geneviève Bujold.
Juste après elle quitte les plateaux de cinéma pour le petit écran et devient particulièrement populaire grâce à la série TV "Les Saintes Chéries" (1965-1971). Elle revient au cinéma avec "Le Bal du Comte d'Orgel" (1970) de Marc Allégret dont c'est le dernier film, joue avec ses consoeurs Edwige Feuillère et Annie Girardot dans "Le Clair de Terre" (1970) de Guy Gilles, incarne la Reine Rouge dans "Peau d'Âne" (1970 - ci-dessous) de Jacques Demy avec Catherine Deneuve, Delphine Seyrig et Jean Marais.
Elle participe au western "sexy" "Les Pétroleuses" (1971) de Christian-Jaque avec Brigitte Bardot et Claudia Cardinale, aborde le Giallo avec "Le Diable dans la Tête" (1972) de Sergio Sollima, retrouve le duo Demy-Deneuve pour "L'Événement le plus Important depuis que l'Homme a marché sur la Lune" (1973 - ci-dessous) avec aussi Marcello Mastroianni et aborde même le genre érotique avec "La Proie" (1974) de Domenico Paolella et "Néa" (1976) de Nelly Kaplan.
Elle termine les années 70 avec plusieurs comédies dont "Le Diable dans la Boîte" (1977) de Pierre Lary retrouvant Jean Rochefort et Michael Lonsdale, "Va Voir Maman, Papa travaille" (1978) de François Leterrier avec Marlène Jobert et Philippe Léotard, "Je te tiens, Tu me tiens par la barbichette" (1979) de et avec Jean Yanne, puis "Rien ne va Plus" (1979) de Jean-Michel Ribes où elle partage l'affiche avec sa fille Tonie Marshall.
Elle retrouve aussitôt après sa fille pour "Tout dépend des Filles" (1980) de Pierre Fabre, joue dans le drame sur fond de guerre d'Algérie "Certaines Nouvelles" (1980) de Jacques Davila avec Bernadette Lafont, joue dans "Les Voleurs de la Nuit" (1984) de Samuel Fuller, joue aux côtés des ses amies Danielle Darrieux et Hélène Surgère dans "En Haut des Marches" (1983) de Paul Vecchiali un drame sur l'Occupation 39-45 époque qu'elle retrouve aussi dans "Le Sang des Autres" (1984) de Claude Chabrol au sein d'un casting international prestigieux, puis retrouve une nouvelle fois sa fille dans "Qui trop Embrasse" (1986) de Jacques Davila et se retrouve à l'affiche avec Gérard Depardieu ou Ludivine Sagnier alors toute jeune dans "I Want to Go Home" (1989) de Alain Resnais.
Si elle ralentit un peu les tournages cinéma, l'actrice travaille toujours régulièrement et alterne un peu plus avec le théâtre et la télévision. Elle semble de plus en plus adepte de la comédie avec "La Fête des Pères" (1990) de Joy Fleury avec Thierry Lhermitte et Alain Souchon, "Le Jour des Rois" (1991 - ci-dessous) de Marie-Claude Treilhou avec les vétérantes de sa génération Danielle Darrieux et Paulette Dubost, "Fanfan" (1992) de Alexandre Jardin avec Sophie Marceau et Vincent Pérez, elle tourne sous la direction de sa fille Tonie Marshall devenue réalisatrice pour "Pas très Catholique" (1994), puis joue dans "Casque Bleu" (1994) et "Fallait Pas !..." (1996) tous deux de et avec Gérard Jugnot.
Elle revient vers un film plus tragique mais qui reste une ode pour les gourmets avec "Les Mille et Une Recettes du Cuisinier Amoureux" (1997) de Nana Djordjadze avec Pierre Richard avant de revenir à la comédie avec "Grève Party" (1997) de Fabien Onteniente avec les acteurs de "La Vérité si je Mens" (1997) de Thomas Gilou, puis retourne avec sa fille pour "Vénus Beauté (Institut)" (1999 - ci-dessous) pour lequel Tonie Marshall reçoit les Césars du meilleur film et de la meilleure actrice, sans compter meilleur scénario et meilleur espoir féminin pour Audrey Tautou.
Elle retrouve sa partenaire Mathilde Seigner après "Vénus..." dans "Le Coeur à l'Ouvrage" (1999) de Laurent Dussaux puis joue la grand-mère dans le drame adolescent "Mauvaises Fréquentations" (1999) de Jean-Pierre Améris avec Maud Forget, Lou Doillon et Robinson Stévenin.
Désormais l'actrice est quasi définitivement dévolue aux rôles de grand-mère et la pousse donc dans des rôles moins enrichissants et de plus en plus en second rôle comme dans "Charmant Garçon" (2001) de et avec Patrick Chesnais ou "Les Âmes Câlines" (2001 - ci-dessous) de Thomas Bardinet, citons aussi le polar "Mauvais Genre" (2001) de Francis Girod où elle retrouve Robinson Stévenin, elle retrouve aussi sa fille pour son film "France Boutique" (2003) avec Karin Viard et Judith Godrèche.
Elle est moins inspirée en participant au râté "Chouchou" (2003) de Merzak Allouache avec l'humoriste Gad Elmaleh, mais retrouve un rôle central aux côtés de Michel Serrault et Charles Berling dans "Grabuge !" (2004 - ci-dessus) de Jean-Pierre Mocky, se retrouve au sein du casting impressionnant d'une trentaine d'acteurs célèbres dans "Musée Haut, Musée Bas" (2008) de Jean-Michel Ribes, comme le casting non moins impressionnant de "Un Homme et son Chien" (2008) de et avec Francis Huster qui sonne comme le chant du cygne de la star Jean-Paul Belmondo, puis joue dans "Plein Sud" (2009) de Sébastien Lifshitz avec Léa Seydoux.
Outre le faux documentaires "HH, Hitler à Hollywood" (2011) de Frédéric Sojcher où elle joue son propre rôle dans on remarque une drôle de coïncidence puisqu'elle a à faire avec trois trio d'affilé, trois amies jouées par Jane Birkin, Caroline Cellier et Catherine Jacob dans "Thelma, Louise et Chantal" (2010) de Benoît Pétré, une fratrie avec François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle et Pierre Niney dans "Comme des Frères" (2012) de Hugo Gélin puis un autre genre de fratrie composée de Sandrine Kiberlain, Richard Berry et Emmanuelle Devos dans "Rue Mandar" (2012 - ci-dessous) de Idit Cebula.
Dans ses derniers rôles, on note une dernière pièce de théâtre en 2007, un dernier téléfilm en 2012, tandis que son dernier film de fiction est la comédie "Tu Veux ou tu Veux Pas" (2014) de Tonie Marshall avec Sophie Marceau et Patrick Bruel tandis qu'elle apparaît encore une ultime fois dans son propre rôle dans "Je veux Être une Actrice" (2016) un nouveau documentaire de Frédéric Sojcher.
L'actrice reçoit un César d'honneur en 2004 sous les yeux humides de sa fille. En 2007 elle publie un livre d'entretiens avec l'écrivain Stephane Lambert. En 2008 elle pose avec Danielle Darrieux et Michèle Morgan pour une photo mythique (ci-dessous). Elle était membre du Comité d'Honneur de l'Association pour le Droit de mourir dans la Dignité et est donc signataire du texte réclamant la dépénalisation de l'enthanasie.
Micheline Presle a malheureusement souffert de voir partir sa fille avant elle, Tonie Marshall est morte en 2020.
L'actrice lui survit donc en fêtant son siècle le 22 août 2022 à la Maison Nationale des Artistes de Nogent-sur-Marne aux côtés des dernières camarades centenaires Jacqueline Ferrière (née en 1921) et Anne Vernon (née en 1924).
Micheline Presle a épousé Michel Lefort un joueur de tennis en 1945 et divorce en 1949 pour épouser William Marshall qui a eu un fils avec sa précédente épouse, Michèle Morgan. Elle a sa fille Tonie en 1951 puis divorce une nouvelle fois en 1955. Début des années 60 elle a vécu un temps avec l'artiste François Arnal qui était venu créer des meubles pour son domicile.
La star a beaucoup tourné avec une filmographie qui confirme un éclectisme formidable et une curiosité à l'internationale plutôt rare pour une actrice française de sa génération. Elle aura joué dans plus d'une centaine de longs métrages (sans compter la télévision et le théâtre !) sans discontinué sur près de 9 décennies.
Micheline Presle est morte paisiblement ce mercredi 21 février 2024 à l'âge de 101 ans.