Kompromat (2022) de Jérôme Salle

par Selenie  -  8 Septembre 2022, 15:17  -  #Critiques de films

Des années après "L'Odyssée" (2016), voici le retour du réalisateur Jérôme Salle avec un thriller au titre qui pourrait être énigmatique, qui est juste un terme russe : terme Kompromat (Tout savoir ICI !). Un terme et un système qui a intéressé le cinéaste d'autant plus quand une affaire récente a concerné un français, Jérôme Salle s'est donc inspiré de l'affaire Barbereau (Tout savoir ICI !). Le cinéaste voulait depuis un moment tourné une une histoire qui se déroulerait en Russie depuis qu'il a découvert ce pays lors de la promotion de son film "Largo Winch" (2008) comme il l'explique : "Le rapport à la violence, à la force physique, n'est pas le même que dans les démocraties occidentales. Il y a un vrai fossé culturel. Pour eux, nous sommes des gens dépravés, décadents, faibles, qui se laisseront cueillir comme un fruit mûr le jour où ils le décideront. Un discours assez proche au fond d'un Zemmour chez nous avec ses théories sur la féminisation -associé au déclin - de nos sociétés." Jérôme Salle co-signe le scénario avec l'écrivain Caryl Férey qu'il retrouve donc après le sous-estimé "Zulu" (2013), ce qui s'avère un choix heureux puisque l'auteur était en pleine écriture de son roman "Lëd" (2021) qui se déroule justement en Sibérie... 2017 en Russie, Mathieu Roussel est arrêté et incarcéré sous les yeux de sa fillette sans qu'il comprenne pourquoi. Expatrié français, il est accusé d'agression sexuelle sur sa propre fille, il comprend alors qu'il est victime d'un Kompromat, les services secrets russes ayant montés des faux dossiers pour lui nuire. La procédure judiciaire est lancée, si l'espoir il y avait quand il apprend qu'il risque en fait d'être condamné Mathieu décide de s'enfuir et de quitter la Russie par tous les moyens...

Le personnage principal est incarné par Gilles Lellouche vu récemment dans le très réussi "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez, "Adieu Monsieur Haffmann" (2022) de Fred Cavayé et "Goliath" (2022) de Frédéric Tellier, mais surtout il retrouve Jérôme Salle après "Anthony Zimmer" (2005). L'acteur retrouve ses compatriotes Judith Henry vue entre autre dans "Germinal" (1993) de Claude Berri, "Les Apprentis" (1995) de Pierre Salvadori et "Je Fais le Mort" (2013) de Jean-Paul Salomé, ainsi que Louis-Do de Lencquesaing vu récemment dans "Ouistreham" (2021) de Emmanuel Carrère et "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli. Vu le contexte il y a surtout des acteurs russes dont Michael Gor vu dans "Meurs un Autre Jour" (2002) de Lee Tamahori, "Le Pont des Espions" (2015) de Steven Spielberg, "Hunter Killer" (2018) de Donovan Marsh ou encore le jubilatoire "Why Don't You Just Die" (2020) de Kirill Sokolov, puis Mikhaïl Safronov vu dans "Tvar" (2019) de Olga Gorodetskaya et "Anna" (2019) de Luc Besson. Citons aussi l'acteur ukrainien Aleksey Gorbounov vu dans "L'Affaire Farewell" (2009) de Christian Carion, "L'Espion" (2012) de Alexeï Andrianov ou "Möbius" (2013) de Eric Rochant, l'actrice polonaise Joanna Kulig actrice fétiche de Pawel Pawlikowski avec "La Femme du Vème" (2011), la sublime "Ida" (2013) et "Cold War" (2018) et retrouve le français Louis-Do de Lencquesaing après "Elles" (2012) de Malgorzata Szumowska, l'actrice britannique Lisa Lasowski aperçue dans les séries TV "Game of Thrones" (2013) et "Versailles" (2015-2018) ainsi que dans le film "Hyena" (2015) de Gerard Johnson... Dans la grisaille et l'hiver éternelle de la Sibérie on sent d'emblée tout le poids d'un passé soviétique, et on se retrouve dans des décors et un climax inhérent au genre et au lieu. Ensuite on sent tout le poids des influences dont la saga "Jason Bourne" (2002-2016) pour sa nervosité et le côté course-poursuite.

Dans un sens on aime le parti pris du réalisateur de "faire simple" comme il l'a précisé : "Pas d'effets gratuits, pas de "jouets" sur le plateau du genre grue, drone ou innombrables gadgets disponibles." mais en même temps il ne réinvente rien et offre un thriller à la fois trop classique et sans surprise jusqu'à cette idylle aussi convenue que facile ; à noter que la belle russe se nomme Svetlana en hommage à Svetlana Alexievitch, auteure biélorusse prix Nobel de littérature. Le Kompromat est un terme et système russe qui semble bien particulier mais il s'agit en vérité rien de plus simple et commun qu'une machination façon "piège à con". Plusieurs passages sont maladroits ou peu vraisemblables, par exemple un tueur du FSB qui traque sans discrétion au sein même d'une ambassade étrangère, un meurtre peu discret mais qui ne fait aucunement réagir les autres "chasseurs" qui n'entendent rien et se retrouve bizarrement très éloigné, ou ce mea culpa improbable du beau-père vis à vis du personnage et du contexte. Le plus gênant pourtant reste l'enjeu, le pourquoi du Kompromat qui paraît tout de même très très léger pour ne pas dire capillotracté. Par contre on est touché par la relation singulière du couple de Svetlana, les coulisses diplomatiques sans être trop explicatives, et surtout un Gilles Lellouche toujours aussi investi en "homme lambda" pris au piège. Jérôme Salle signe un petit thriller plutôt efficace mais qui manque tout de même de tensions plus palpables et surtout de rebondissements moins convenus. Ca reste néanmoins un bon moment cinoche. Note généreuse !

 

Note :      

 

13/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :